DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

jeudi 31 décembre 2009

P. 217. Voeux.

.

( Ph. JEA / DR).

Jean-Marie Barnaud :

- "L'espoir ?

Le voici :

que nous soyons fidèles toujours à une promesse jusqu'ici pourtant jamais tenue à une aurore imprévisible, mais dont la lueur imaginée nous tient debout sur le tranchant des heures."

(Lire : remue.net).

mardi 29 décembre 2009

P. 216. 2009, du "Concert" à Laurence Thirion... (1)

.
Signy-le-Petit, kiosque sous la neige (Ph. JEA / DR).

151 pages en une année, soit...
et quels furent les 12 billets
les moins solitaires ??? (1)

Les classements et autres remises de prix n'ont évidemment pas leur place ici. Il n'y a ni podium ni éclats de projecteurs. Juste le kiosque vide de Signy-le-Petit.
Mais à la question de savoir quelles pages ont été les plus parcourues en 2009, voici la réponse des "statistiques". Froides et roides.
Ces pages "favorites" sont rappellées ici en ordre décroissant.

Affiche du film (DR).

1/ P. 191 : "Le Concert".

Radu Mihaileanu :

- « Il {l'humour} est une arme joyeuse, ludique et intelligente, une gymnastique de l’esprit contre la barbarie et la mort, une fracture de la tragédie qui en est sa sœur jumelle. De fait, dans le film, l’humour vient d’une blessure qui s’est produite il y a trente ans, dans l’URSS de Brejnev. A l’époque, les personnages ont été humiliés et mis à terre. Leur volonté de se remettre debout et de regagner leur dignité passe aussi par l’humour. Au-delà de leur tragédie, les protagonistes du Concert ont la force d’aller jusqu’au bout de leurs rêves grâce à l’humour. C’est pour moi la plus belle manifestation d’énergie vitale ».

Cette page a été publiée pour l'avant-première à Bruxelles et avant la diffusion en France. Rien ne laissait alors prévoir (pour un profane du cinéma et des arcanes des distributions) que le public allait distinguer l'îlot de ce film au milieu de l'océan des productions commerciales.
Mais aujourd'hui, ce billet ayant perdu son caractère précurseur, il n'est plus qu'une goutte dans le bocal des multiples blogs ayant célébré l'humour judéo-roumain du réalisateur...

Affiche du film (DR).

2/ P.190. "Les Barons".

Aurore Engelen :

- "Evènement cette semaine dans les salles belges : la smala des Barons débarque en force, bien décidée à en découdre avec le public. Suite au succès d’Eldorado l’été dernier, la Belgique francophone espère un nouveau phénomène, et le film de Nabil Ben Yadir fait office de sérieux concurrent. Les Barons, c’est une plongée sous gaz hilarant dans les profondeurs d’une Bruxelles sur son trente-et-un, une Bruxelles trop peu vue sur grand écran, qui se révèle un terrain de jeu idéal, quelque part entre Brooklyn et le Montmartre d’Amélie. Drôle de croisement pour un drôle de film, dont les protagonistes prônent le sur-place pour mieux avancer. Une comédie tout public de façon presque militante, qui voudrait réunir tout le monde, et qui s’amuse et (nous amuse) à faire fi des tabous culturels. L’influence, c’est Rabbi Jacob, l’humour comme dynamite des clivages communautaires. Ben Yadir revendique la "plus-Value Informative" de son œuvre. C’est un peu son histoire fantasmée qu’il raconte, un film avec des morceaux de vraie vie dedans. Il s’interroge sur une génération de jeunes belges issus de l’immigration qui ne se demandent plus d’où ils viennent mais bien où ils vont."
(Cineuropa, 4 novembre 2009).

Depuis cette page, le film a crevé les écrans belges aussi bien en Flandres, qu'à Bruxelles et en Wallonie (et ça, il faut le faire !!!). Par contre, doctement interrogée sur son identité et tournant en rond au long de débats-défouloirs, la France n'a pas encore ouvert ses frontières aux Barons. Attention, ce cinéma est subversif : il fait rire et réfléchir. Sur des sujets devenant lames de rasoir si on les néglige, les fuit, les malmène, les ignore, les livre aux préjugés...

Reste ce regret : un film pour chacune des deux pages les plus ouvertes. Pas de littérature. Ni d'histoire. Ni d'ardennaiseries. Ni de photos. Ni de poésie.
Voilà. Il est à supposer que les moteurs de recherches jouent dans les coulisses d'internet. Mais la quantité n'est qu'un thermomètre. Il n'existe heureusement pas d'instruments pour mesurer les plaisirs individuels éprouvés à la lecture d'un mot, à la découverte d'un instantané...

Image des Noces Rouges : Claude Piéplu, Claude Chabrol et Michel Piccoli (DR).

3/ P. 92. Claude Piéplu à Signy-le-Petit.

Introduction :

- Certes Parisien de chez les Parisiens, Claude Piéplu ne dédaignait pas (que du contraire) venir respirer l'air libre des Ardennes. En souvenir de sa mère qui, à partir des 11 ans du gamin espiègle, l'éleva seule. Or elle était originaire de Signy-le-Petit. CQFD...
La Médiathèque de la Communauté de Communes de Signy-le-Petit a reçu, pour son inauguration, le nom de Claude Piéplu. Lui qui était contestataire, et pas qu'un peu, ne se serait pas senti trahi par cet espace de découvertes et de connaissances sans pédanterie ouvert au fin fond des Ardennes. Pour entrer dans cette Médiathèque, il vous suffit de cliquer : ICI. La surface d'une page de ce blog ne permet guère de se souvenir de plus d'un dizième des longs métrages de fiction ayant le nom de Piéplu à leur affiche. C'est forcément réducteur et discutable dans le choix. C'est néanmoins mieux que rien, non ?

Avec au programme :
- Les Copains, d'Yves Robert.
- Le charme discret de la bourgeoisie, de Luis Bunuel.
- Section spéciale de Costa-Gavras.
- Les Galettes de Pont-Aven, de Joël Seria.

La carte de la gare de Montoire envoyée au Canard par les bons soins de Dominique Hasselmann (Doc. D. Hasselmann).

4/ P. 198. Dominique Hasselmann : "Une si jolie carte postale".

Présentation :

- Grand chasseur de clous devant l'éternité. Photographe mettant un Paris authentique en chambre noire. Attentif à libérer grâce à son objectif des envolées entières d'oiseaux qui sortent de tous les ordinaires. Ecriture acide pour les pouvoirs qui s'imaginent déjà (presque) tout permis. Poète randonneur. Illustrateur de nos heures les plus grises comme les plus arc-en-ciel.Tel est Dominique Hasselmann. Son "Chasse-clou" est un canard déchaîné quotidiennement sur la toile.

Ce billet inaugura les "pages nomades" signées par d'autres blogueurs (masc. gram.) émérites.
Ou comment une carte postale de gare présente un acte majeur de la collaboration pétainiste en pseudo victoire française. "Maréchal, nous voilà" encore et toujours. C'était sans compter avec l'oeil objectif (ou l'objectif de l'oeil) de Dominique Hasselmann. Et sans avoir prévu les vagues soulevées par une réaction virulente dans l'irremplaçable Canard...

Extrait :

- "La semaine suivant la publication de l’image révisionniste, Le Canard enchaîné indiquait que la Maison de la presse de Montoire-sur-le-Loir avait été dévalisée de tout son stock de cartes postales (images précieuses à conserver) reproduisant la gare locale.
Un courant de la même veine alimenta Le Canard enchaîné pendant plusieurs semaines soit avec la photo d’une bouteille de vin portant une étiquette « pétainiste », soit avec la reproduction d’autres objets douteux en vente libre dans notre beau pays.
Comme l’avait proclamé le Maréchal Pétain, le 17 juin 1941 : « Français, vous avez vraiment la mémoire courte ! »

Tania, Clopine et Zoé Lucider, autres pages nomades ayant succédé à celle-ci et donc publiées depuis trop peu de semaines, n'ont pas encore pu atteindre les sommets hasselmanniens...

Caricature de Charles Trenet dans le Réveil du Peuple : de quoi furent capables les collabos qui le dénoncèrent - à tort - comme juif (DR).

5/ P. 85. Quand pour les antisémites, Charles Trenet devait s'appeler... Netter !

Jean Boisset :

- "Charles Trenet est de retour à Paris. Certains journaux, jadis, ont laissé entendre qu'il ferait sa rentrée au micro de Radio-Paris. Ce qui serait un peu farce, M. Trenet s'appelant, sauf erreur, Netter (dont Trenet est l'anagramme) et étant, paraît-il, petit-fils de rabbin. Patientons..."
(Réveil du Peuple, 31 janvier 1941).

Une page pénible qui à travers l'exemple d'un grand nom de la chanson française, montre combien l'antisémitisme est odieux. Dans ses méthodes. Par son vocabulaire. Dans sa haine implacable. De plus, à l'époque des collabos, ce genre de délation conduisait le plus souvent à la déportation, à la "solution finale"...

Mais Trenet n'était pas juif, se dédouana auprès de Vichy en écrivant une "Marche des Jeunes", ce qui n'empêcha pas l'interdiction de son "Si tu vas à Paris" :
- "Si tu vas à Paris,
Dis bonjour aux amis
Et dis-leur que mon coeur
Est toujours fidèle.
Si tu vois mon quartier,
Plus beau que l'monde entier,
Si tu vois ma maison,
Chante-lui ma chanson nouvelle.
Si tu vois mon bistrot
Et ma station d'métro,
Si tu vois rue Lepic
Ma concierge Sylvie,
Dis-leur qu'un jour viendra,
P't-être demain, on s'sait pas,
Où je r'viendrai chez moi,
Où j'pourrai r'voir tout ça
Pour la vie."

Affiche (DR).

6/ P. 168. "L' Armée du crime".

S'il est une page ratée, ce serait celle-ci. Rédigée par sympathie pour Guédiguian. Sans avoir vu le film. Donc en méconnaissance de cause. Sur une impulsion trop émotive.
Résultat : après moins d'une semaine, des échos comme autant de mises en garde (dans les commentaires et en provenance du Comité Français pour Yad Vashem dont Madeleine Peltin-Meyer est l'une des bénévoles). Pour faire court : le cinéaste s'empare de personnages et des faits historiques (et combien douloureux) pour leur faire accomplir des allers et des retours dans la fiction. Des confusions en découlent. Guédiguian ne respecte même pas des dates commes celles des rafles. Au point de blesser des survivants, des descendants et des proches de ceux de l'Affiche rouge. C'est en leur nom qu'Elise Frydman mit les points sur les i de l'histoire. Celle des persécutés et des fusillés, des résistants et des étrangers morts pour la France.


Lettre ouverte d'Elise Frydman :

- "Je m'appelle Elise Frydman, la fille de Mme Frydman que vous citez dans votre film, L'Armée du crime. Je suis également la cousine germaine de Marcel Rayman. Lui m'a connue quelques mois (je suis née en mai 1942) ; moi, malheureusement pas, j'étais un bébé. Cependant, j'ai vécu plusieurs années avec Simon Rayman lorsqu'il est rentré des camps et qu'il habitait chez mes parents. Ses copains rescapés venaient souvent chez nous, rue des Immeubles-Industriels : Jean Lemberger, Maurice Weimberg, André Terreau…
Simon parlait tout le temps de son frère, de ses parents. Ma mère parlait de ses frères et sœurs. J'ai vécu toute mon enfance avec leurs souvenirs. Je buvais leurs paroles. Ils ont toujours été présents en moi.
Simon n'était pas le petit falot qui suivait toujours son grand frère en suçant un bâton de réglisse. A 14 ans, il mesurait 1m75, il était déjà dans la Résistance. A 15et 16 ans, il était responsable de groupes du XIe arrondissement et de plusieurs actions et attentats (documents à l'appui).
Bien que l'image que vous donnez de mon cousin Simon, qui a fait partie de ma vie jusqu'à sa mort en 2005 (image que vous avez transformée pour coller avec votre interprétation de l'histoire) soit pour le moins grotesque, ce n'est rien comparé à celle, scandaleuse, que vous inventez concernant mon cousin Marcel et son aventure amoureuse.
Je vous ai entendu sur France Culture, dans l'émission de Michel Ciment, citer vos sources d'information et de documentation avant la réalisation du film. Notamment Adam Rayski, Stéphane Courtois et Denis Pechanski. Il ne vous a donc pas échappé qu'il y a eu de nombreux témoignages se recoupant, concernant Lucienne Goldfarb. Simon a aussi écrit un témoignage sur ce qu'il a vécu en tant que résistant et déporté. Dans ce document, il dit que Marcel et lui se sont toujours méfiés de cette fille qui voulait intégrer leur réseau. Adam Rayski l'a souligné également à maintes reprises.
Je suis étonnée que vous n'ayez pas eu la curiosité de rencontrer des témoins encore vivants et faisant partie de la famille, dont Madeleine Peltin-Meyer, ma cousine, alors très proche de Simon et Marcel. Elle avait 12 ans en mars 1943 quand elle a vu sa mère, son père et sa tante arrêtés sur dénonciation de l'appartement de mes parents.
Jamais personne de ma famille ou de notre entourage, avant, pendant, ou après la guerre, n'a fait état d'une relation entre Marcel et Lucienne Goldfarb. Je m'interroge sur la source qui vous a amené à imaginer une telle relation. Lors de leur arrestation le 20 mars 1943, des témoins, dont Henri Krasucki, ont vu Lucienne Goldfarb se promener et plaisanter avec des policiers de la Brigade spéciale de Puteaux.
Vous vous êtes longuement entretenu avec Henry Karayan qui, comme vous le savez, a bien connu Marcel puisque celui-ci était son instructeur. D'ailleurs, Henry a certainement dû vous dire que Marcel n'était pas ce Lucky Luke exalté que vous avez bien voulu décrire (par le biais de Robinson Stévenin, excellent malgré tout) mais au contraire un jeune homme déterminé, réfléchi, prêt à tout pour vivre. Et non pas pour mourir.
Pourquoi n'avez-vous pas demandé à Henry Karayan s'il connaissait des membres de la famille Rayman ? Nos témoignages valent certainement autant que d'autres sources. J'ai été très surprise d'autre part que vous changiez le nom de Lucienne Goldfarb en Monique Stern alors que celui de ma mère, Mme Frydman, ne change pas, ni ceux des résistants.
Non, j'oubliais, Davidovitch, celui qui a dénoncé le réseau à la Gestapo en octobre 1943, devient Petra et l'inspecteur Piget… Pujol. Bizarre ! D'autant que vous ne citez pas la lettre de Manouchian jusqu'au bout alors qu'il dit ne pas pardonner "à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus" (une impasse qui a particulièrement choqué Henry Karayan).
Vous vous êtes beaucoup répandu dans la presse, à la radio, à la télévision en disant, entre autres choses, que votre film était un film historique. Il est vrai, cependant, que vous prenez vos précautions en annonçant, en conclusion, avoir commis quelques arrangements avec les faits réels, mais afin que ces résistants entrent dans la légende. Ces héros n'ont pas besoin de légende, monsieur Guédiguian, ils ont surtout besoin de vérité."

(s) Elise Frydman
(Le Monde, 26 novembre 2009).


NOTE :

(1) Les six autres pages seront présentées dans un prochain billet. Elles concernent :
- John William,
- le premier mai à Fourmies,
- les photographies de Nicole Bergé,
- Tintin et son musée chasse gardée,
- les SS qui finissent quand même par mourir,
- et le premier roman de Laurence Thirion.

dimanche 27 décembre 2009

P. 215. Chemins des Ardennes

.

Chemin de halage (Ph. JEA / DR).

Toponymie 21 :
Parchemins d'ici...


Chemin Bidot, Blanc,
Cornet, Creux,
Fondu,
Jaune, Jean Duval,

Chemin d’Emery, d’Erée,
d’Oignies,

Chemin de Bagimont, de Blissy,
de Chabotte, de Clavy,
de Dricourt,
de Givry, de Goutel,
de Halles, de Hancart,

de Juniville,
de Laumont,
de Mézières,
de Reims, de Rémonville,
de St-Martin, de St-Pierre, de Ste-Brigitte,
de Sylvestre,
de Vaucelles,


Vers la Forge Sailly, brume de neige (Ph. JEA / DR).

Chemin de l’Abbé Nizot, de l’Aqueduc,
de l’Epine,


Chemin de la Carrière Pilière, de la Chavestrée, de la Claire Fontaine, de la Corne de Cerf, de la Croix,
de la Feluy, de la Fontaine aux Chênes,
de la Garenne, de la Grève, de la Grosse Pierre,
de la Herde, de la Houssière,
de la Jauny,
de la Marquise,
de la Roche Algate,
de la Voie Baudiale,


Chemin des Aisances, des Américains, des Amoureux,
des Bœufs, des Bois Grimont,
des Cédrons, des Charbonniers, des Charrettes, des Chasseurs,
des Dix-Sept Quartiers,
des Faches, des Français,

des Gardes,
des Hayons,
des Kiosques,
des Longs Termes,
des Marchandises,
des Poteaux,
des Romains,
des Traînées,
des Vaches, des Vieilles Forges,

Chemin aux nids de poules (Ph. JEA / DR).

Chemin du Bel Homme, du Blanc Caillou,
du Calvaire, du Chêne du Curé,
du Four à Chaux,
du Gauval, du Grand Tournant,
du Marais Vincent, du Mont des Haies, du Moulin,
du Petit Bonheur, du Petit Tournant, du Pilotis, du Pré l’Avocat,
du Rivage, du Roi de la Foulerie,
du Terne,
du Voleur,


Sur le Grand Beau Chemin,
Sur le Haut Chemin...

Chemin vers le Pas Bayard (Ph. JEA / DR).

jeudi 24 décembre 2009

P. 214. Noël 1943 pour les juifs déportés aux Mazures (Ardennes)

.
Les Mazures aujourd'hui (Ph. et mont. JEA / DR).

Mein Yiddische Mame
au Judenlager des Mazures :
un dernier Noël
avant Auschwitz...

Né à Amsterdam le 23 janvier 1906, Abraham Casseres (1) exerçait la profession de dentiste à Anvers où son épouse, Joanna Speeck était institutrice. Avec 287 autres juifs de la métropole portuaire, il fut déporté le 18 juillet 1942 aux Mazures, dans les Ardennes de France. Là, l’Organisation Todt (2) leur fit construire leur Judenlager (3) avant de les mettre au travail forcé au bénéfice des entreprises Vaisset (française), Viot (revinoise) et Scholzen (allemande).

A l'automne 1942, et aussi incroyable que ce soit, Joanna Speeck se rendit aux Mazures (en zone militaire interdite) pour y recueillir des nouvelles de son mari. Institutrice au village, Mireille Colet-Doé (4) l'hébergea malgré les risques encourrus. Et ceci par humanisme mais aussi par solidarité professionnelle avec une autre enseignante...

Le 5 janvier 1944, le Camp est fermé et ses derniers juifs anversois conduits à la gare de Charleville. Dix déportés dont Abraham Casseres s'échappent de leur wagon à bestiaux à Sault-les-Rethel, alors que leur convoi roulait vers Drancy. Après la libération, ce rescapé rédigea ses souvenirs romancés sous le titre de "Bloed en tranen" (Du sang et des larmes). Ce volume signé du pseudonyme de "Leslie A. Martin", fut publié aux éditions Uitgevrij Nova à Amsterdam, s. d. (5).


Les Mazures : site du Judenlager, récupéré pour servir de... terrain de football (Ph. JEA / DR).

Abraham Casseres :

- "Il y a du plaisir à se retrouver dans la pièce des malades... On en oublierait presque être enfermé dans un camp. Les lits ont été sortis de la salle, les murs sont décorés avec des images de fleurs. Dans un coin se dresse le sapin de Noël qui est garni. Mises en forme de fer à cheval, de longues tables portent, pour la première fois depuis que nous sommes dans ce camp, de véritables nappes blanches. Disposées avec beaucoup de goût et de soin, des pommes de sapins et de la verdure participent à cette ambiance de fête. Une petite estrade a été placée dans un autre coin. C'est là que seront présentés les numéros d'attraction attendus depuis longtemps, ceux-là même que les différents prisonniers ont répétés des jours entiers et dans le plus grand mystère.
... Cette atmosphère de fête demandait d'endurer des efforts étranges.
Paix sur terre ! L'épouse et les enfants ont été enlevés de la maison. Les meubles ont été emportés par les Allemands (6). Il y a si longtemps qu'il faut rester sans nouvelles du père et de la mère, des frères et des soeurs, des membres de la famille et des amis. Dans l'isolement du camp, nous savons néanmoins très bien quel terrible drame se passe chez nous, il nous en a été parlé à travers les barbelés (7). Et quand Eric regarde ses compagnons qui sont assis autour de la table bien garnie, il ne voit rien que des fronts ratatinés et des joues épuisées. Ils font semblant de rire devant de l'excellente nourriture mais leurs visages sont remplis de soucis et même de tourments indicibles.
Il ignore comment cela s'est fait, mais tous ses amis qui ont pris place à table lui rappellent brusquement une toile du célèbre peintre Da Vinci : "La dernière Cène". Etait-ce un pressentiment que ce repas bien réel allait être le dernier ?"


Groupe de déportés des Mazures, été 1943 (Ph. Joseph Peretz, mont. JEA / DR).

- "Dans les baraques des Allemands, le vin faisait monter le niveau sonore. A travers les cloisons, on entendait déjà tôt dans la soirée leurs fanfaronades de buveurs et cela ne laissait présager rien de bon. Quand les Allemands étaient ivres, il fallait que nous mettions une sourdine à nos épanchements. C'est comme ça qu'ils nous gâchèrent ce soir-là. Chaque jeune avait pourtant fait l'impossible pour rassembler, malgré les difficultés, des instruments de musique et donner de l'entrain à la pièce des malades grâce à un jazz bien bizarre.
Ainsi se passe et se perd la soirée dans les sourires et les divertissements, jusqu'à ce que tout soit brisé par l'irruption d'un garde allemand :
"Weiter machen" !
Qu'est-ce que cela pouvait signifier ? Tout à coup, l'ambiance légère fut réduite en miettes. Et nous sommes longtemps restés comme figés.
Le long Jos (8) revient dans notre baraque :
"C'était l'Obergruppenführer. Il a téléphoné pour donner l'ordre que nous puissions entonner en choeur nos chansons préférées. A minuit, la garde va venir et nous devrons chanter pour lui."
Je demande alors si nous avons la liberté de choisir notre air ? Comme il me répond positivement, je propose "Mein Yiddische Mama" que nous reprendrions en Anglais. Il me répond encore que nous n'avons aucun souci à nous faire.
Les jeunes n'en croyaient pas leurs oreilles. Et comme chacun savait combien Jos a le sens de l'humour, on s'imaginait qu'il plaisantait pour ne pas changer. Et tous de dire : "Dieu, en France, tout est possible." Nous rassemblons alors les meilleurs chanteurs et il ne leur faut pas beaucoup de temps pour s'accorder à plusieurs voix. D'autant que chacun connaissait bien les paroles.
Un peu avant les douze coups, un soldat allemand vient chercher la chorale pour la conduire au corps de garde, là où se trouve le téléphone. De façon très militaire, celui-ci sonne juste une minute avant minuit. Un ordre bref claque :
"Singen lassen".
Les jeunes se mettent en arc-de-cercle devant le téléphone et entonnent ce chant :

Mijn Joodse moeder
Zo goed als jij, was er geen één.
Mijn Joodse moeder
Jij strooide liefde om je heen
Er was geen zorg, geen leed
Dat je kon hinderen ;
Je ging door vuur en ijs
Voor 't lot van je kinderen...

Ils chantent encore le second couplet et terminent par :
M'n oudje, m'n echt Joodse moeder,
Moeder mijn...

Un silence de mort succède aux derniers mots. Même le garde allemand qui a le téléphone en main, reste impressionné. La plupart des choristes ont de grosses larmes aux yeux. Alors venant du téléphone, une voix résonne :
"Er ist gut...",
puis :
"Er was sehr schön". (9)

Le 5 janvier 1944, les déportés juifs qui n'avaient pas déjà été transférés à Auschwitz par Malines (convoi XIV-XV), sont transportés à Drancy pour le convoi 66.

Sur le 288 Anversois des Mazures :

22 réussirent leurs évasions
27 survécurent à Auschwitz
2 furent fusillés après évasion
237 furent exterminés.
(10)

Pierre du souvenir élevée sur le site du camp par l'Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures (Ph. JEA / DR).

NOTES :

(1) Après son évasion, caché et sauvé par la résistance dont Emile Fontaine, Juste parmi les Nations abattu par la Gestapo le 30 mars 1944.
(2) OT : Organisation de l’infrastructure, de la défense et de la production industrielle sous le IIIe Reich. Instrument de guerre sophistiqué destiné notamment à l’exploitation des territoires occupés.
(3) Les Mazures ont été le seul camp pour juifs de Champagne-Ardennes sous l’occupation. Son histoire est restée oubliée-ignorée jusqu’en 2002. Aujourd’hui encore, les autorités françaises (à commencer par la Préfecture des Ardennes) continuent à ne pas inviter les descendants de déportés, réunis en une Association L. 1901 avec siège social dans les Ardennes, aux cérémonies marquant notamment la Shoah et les déportations.
(4) L’Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures a remis à Mireille Colet-Doé un diplôme de reconnaissance pour son courage.
(5) Que Michel Grün, fils de déporté des Mazures, soit remercié pour avoir déposé ce volume dans les archives de l’Association.

(6) Möbelaktion : pillage entamé en 1942 à Anvers, les biens et avoirs juifs sont confisqués - officiellement - pour les victimes allemandes des bombardements alliés.
(7) Un service clandestin de courriers entre Anvers et Les Mazures avait notamment été organisé par une Belge du village : Mme Arnould.
(8) Joseph Peretz, évadé de la gare de Charleville le 5 janvier 1944. Caché et sauvé par la résistance. Emigré au Canada où il a rédigé ses souvenirs : The endless wait, A memor by Joseph Peretz, Ed. Lugus, Toronto, 1996.
(9)Traduction : JEA.
(10) Pour des études détaillées sur ce Judenlager et un « Mémorial » de ses déportés, consulter les catalogues de :
- Tsafon, Revue d’études juives du Nord, n°46 et n°3 hors-série.
- La Revue Historique Ardennaise, Société d’Etudes Ardennaises, n° XXXVI et n° XL.

mercredi 23 décembre 2009

P. 213. Neiges, d'Ohran Pamuk à Brel et à Sandrine Veysset...

.Entre Signy-le-Petit et La Folie (Ph. JEA / DR).

Neiges en Ardennes,
entre les pages de romans,
en chansons,
sur les écrans de cinéma...

C'est ici, dans les Ardennes, au parc des expos de Charleville-Mézières, que le 18 décembre 2006, le candidat Nicolas Sarkozy s'engagea : "Je veux, si je suis élu Président de la République, que d'ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid."
Nul ne lui demandait d'ainsi promettre vaine-ment. Et plus encore, nul n'attendait que de telles fanfaronnades soient cruellement démenties.

Mais voilà, en cette fin 2009, des humains ne se relèvent toujours pas de nuits trop glacées, trop solitaires. Non par nos rièzes, par nos sarts et par nos forêts. Du moins, pas encore. C'est plus loin, vers Amiens ou le paradoxalement (pour nous) vers le Sud.
La neige, sans ambition électorale, se fiche, elle, de plaire ou d'empoisonner en blanc la vie des passants. Elle chute en silence. Sans se préoccuper du sécuritaire, de son identité, des mariages gris et de nouvelles tombes qui ponctueront sa survenue.

Mais en ce décembre, cette neige restitue aux Ardennes des visages estompés depuis longtemps. Les enfants se méfiaient des parents grands inventeurs puis destructeurs de Père Noël, raconteurs de carabistouilles mais évoquant avec des étoiles nostalgiques dans les yeux "les neiges d'antan". Les gosses découvrent à leur tour les fugues en luges, les bonshommes de neige ventrue, les boules décrochées des sapins pour d'épiques échanges, les oiseaux farouches qui ne se dissimulent plus, toutes ces images dont ils n'avaient que de vagues idées, celles brodées dans les souvenirs des anciens.

Les Evallées (Photo JEA / DR).

En prévision des veillées prolongées par ces temps laqués de blanc, pourquoi ne pas revenir à des chansons, à des livres, à des films où la neige tient mieux qu'un second rôle ?

Dans les bibliothèques, retenir son souffle avant de plonger à le recherche de :

- Emmanuel Carrère, La classe de neige, POL, 1999.
- Régis Debray, La Neige Brûle, Grasset, 1977.
- Yasunari Kawabata, Pays de neige, Albin Michel, 1978.
- Jo Nesbo, Le bonhomme de neige, Gallimard, 2008.
- Mario Rigoni Stern, Le Sergent dans la neige, 10/18.

et ne pas oublier cet écrivain turc qui a le courage de ne pas laisser le génocide des Arméniens dans les oubliettes des tabous, qui participe aux réflexions laïques face aux dogmes islamistes, qui appelle à ne pas jouer à la fléchette l'entrée ou non de la Turquie dans l'Europe :

- Ohran Pamuk, Neige, Gallimard, 2005.

Présentation par l'Editeur :

- "Le jeune poète turc Ka, de son vrai nom Kerim Alakusogulu quitte son exil allemand pour se rendre à Kars, une petite ville provinciale endormie d'Anatolie. Pour le compte d'un journal d'Istanbul, il part enquêter sur plusieurs cas de suicide de jeunes femmes portant le foulard. Mais Ka désire aussi retrouver la belle Ipek, ancienne camarade de faculté fraîchement divorcée de Muhtar, un islamiste candidat à la mairie de Kars. À peine arrivé dans la ville de Kars, en pleine effervescence en raison de l'approche d'élections à haut risque, il est l'objet de diverses sollicitudes et se trouve piégé par son envie de plaire à tout le monde : le chef de la police locale, la s?ur d'Ipek, adepte du foulard, l'islamiste radical Lazuli vivant dans la clandestinité, ou l'acteur républicain Sunay, tous essaient de gagner la sympathie du poète et de le rallier à leur cause. Mais Ka avance, comme dans un rêve, voyant tout à travers le filtre de son inspiration poétique retrouvée, stimulée par sa passion grandissante pour Ipek, et le voile de neige qui couvre la ville. Jusqu'au soir où la représentation d'une pièce de théâtre kémaliste dirigée contre les extrémistes islamistes se transforme en putsch militaire et tourne au carnage."

Ohran Pamuk :

- "Je fais des collages. Chacun de mes livres est né d'idées volées sans honte aux expérimentations de la littérature européenne ou américaine. Mais je puise aussi dans la mythologie islamique comme dans les récits classiques de notre tradition. Ces récits, je les associe à des techniques et à des motifs contemporains. Du contact de ces deux styles, de ces deux sensibilités opposées, naît une étincelle qui ne peut être que fertile. L'identité de la Turquie d'aujourd'hui fonctionne d'ailleurs de cette manière. Elle est faite de contradictions : d'un côté, une classe dirigeante aisée, minoritaire, européanisée, et, de l'autre côté, une population pauvre, rivée à ses traditions ancestrales, presque moyenâgeuse.
Dans tous mes romans, cette dichotomie entre l'Est et l'Ouest est présente. Mon but, c'est d'arpenter les multiples chemins, idéologiques, symboliques et philosophiques, de cette opposition.
Je pense que la Turquie a réalisé ces trois dernières années les réformes qui s'imposaient, dit-il. L'Orient et l'Occident peuvent s'associer en douceur. Mon pays devient un véritable Etat de droit et il a fait des pas importants sur la voie de la démocratisation. Ici, le rêve européen provoque une transformation qu'aucune révolution dans le passé n'a pu réaliser. Je souhaite vivement que ceux qui travaillent à la destinée de l'Europe ne tournent pas le dos à cette transmutation dont ils sont à l'origine. Si nous ne réussissons pas à développer nos relations avec l'Union européenne, ce sera une catastrophe…"


- "Neige est mon premier livre politique.
J'ai voulu explorer ces mondes antagonistes {les nationalistes laïques et les islamistes radicaux}. Ballotté entre les deux camps, se trouve un journaliste nourri de culture européenne. Je raconte sa vision des choses."


Bouvreuil (Ph. JEA / DR).

Et quand on colle l'oreille à la porte de la neige, quelles chansons peut-on deviner derrière ce huis clos ?

Adamo, Tombe la neige.
Anne Sylvestre, Mélanie dans la neige.

Serge Gainsbourg, Marilou sous la neige.
Marie Laforêt, Il a neigé sur Yesterday.
Mort Shuman, Il neige sur le Lac Majeur.

Et un Brel délaissant Amsterdam, Vesoul, Ostende ou Bruxelles pour Liège sur laquelle il neige.

(Impossible de dénicher une illustration moins nunuche...)

Paroles :

- "Il neige il neige sur Liège
Et la neige sur Liège pour neiger met des gants
Il neige il neige sur Liège
Croissant noir de la Meuse sur le front d'un clown blanc
Il est brisé le cri
Des heures et des oiseaux
Des enfants à cerceaux
Et du noir et du gris
Il neige il neige sur Liège
Que le fleuve traverse sans bruit

Il neige il neige sur Liège
Et tant tourne la neige entre le ciel et Liège
Qu'on ne sait plus s'il neige s'il neige sur Liège
Ou si c'est Liège qui neige vers le ciel
Et la neige marie
Les amants débutants
Les amants promenant
Sur le carré blanchi
Il neige il neige sur Liège
Que le fleuve transporte sans bruit

Ce soir ce soir il neige sur mes rêves et sur Liège
Que le fleuve transperce sans bruit."

Le Terne (Ph. JEA / DR).

Dans les salles obscures, s'étaient donné rendez-vous les Gens de Dublin. Pour quels autres films ?

- Juliet Berto, Neige, 1980.
- Christophe Blanc, Blanc comme neige, 2009.
- Xavier Dancausse, Le Poids de la neige, 2005.
- Claude Miller, La classe de neige, 1998.
- Claude Pinoteau, La neige et le feu, 1990.
- Kijû Yoshida, Amours dans la neige, 1968.


Cependant, en 1996, le temps s'est arrêté à la projection du premier long métrage de Sandrine Veysset : Y aura-t-il de la neige à Noël ?
La ruralité sans images d'Epinal. Dans une petite ferme faisant le gros dos sous les coups des crises à répétition, une femme et ses sept enfants, tous voulus.

Allocine.com :

- "Enfant de la campagne, Sandrine Veysset suit des études de lettres et d'arts plastiques à Montpellier. Là, elle est engagée comme assistante décoratrice sur le tournage des
Amants du Pont-Neuf. Arrivée à Paris en 1991, cette provinciale accepte de devenir le chauffeur de Leos Carax, tout en continuant à travailler comme décoratrice.

Encouragée par Carax, Sandrine Veysset décide de passer derrière la caméra pour raconter une histoire qui lui tient à coeur, Y aura-t-il de la neige à Noël ?, le quotidien d'une agricultrice, épouse d'un homme violent et volage, qui élève ses sept enfants. Malgré l'obtention de l'Avance sur recettes, l'entreprise n'est pas aisée, puisque la cinéaste en herbe entend tourner son film sans star, et pendant trois saisons consécutives. Produite par Humbert Balsan, cette oeuvre originale, à mi-chemin de la chronique rurale et du conte de fées, est couronnée de succès à sa sortie en 1996 : le Prix Louis Delluc, plus de 800 000 spectateurs et un César de la Meilleure première œuvre."


Médioni Gilles :

- "Elle a un clope à la main, le parler réglo, un perfecto. Son regard étincelle lorsque Sandrine Veysset s'échappe en «souvenance» et savoure, à haute voix, le titre enfantin qu'elle a choisi pour son premier film, remarquable, Y'aura t'il de la neige à Noël ?. Dans ses yeux sombres dansent alors Blanche-Neige, le Petit Tailleur et le Petit Poucet, trois héros marqués par le chiffre 7, un chiffre au centre de sa propre histoire - habitée par sept enfants - «un peu inspirée de ces contes, oui», s'épanche-t-elle, pudique.
A 29 ans, Sandrine Veysset - naturelle, franche, déterminée - déboule dans le cinéma avec un conte champêtre naturaliste, brûlant et poignant, illuminé par le miracle de la neige. Un livre de la mère, qui se décline en trois chapitres - trois saisons - et recouvre, sous haute influence de Perrault et de Giono, un territoire traversé par des pères ogres, des terres nourricières, des tempêtes et des secrets. Car Y'aura t'il de la neige à Noël ? cache, derrière le monde rural - jailli du vécu - qui habille le film, une grande affaire de sentiments. «L'amour maternel, l'amour tout court, circule entre les personnages, suivant des sens uniques, des doubles voies, des impasses.»
(L’Express.fr, 12 décembre 1996).

Mésanges allant au charbon (Ph. JEA / DR).


lundi 21 décembre 2009

P. 212. "Gens de Dublin", le film...

.

Il neigeait dans la salle du ciné Le Parc, à Liège. Une manière pudique d'offrir un mouchoir fugitif aux spectateurs des "Gens de Dublin" (projeté en Belgique avant la France).
C'était en 1987. Depuis, le temps ne s'est pas contenté de passer, il nous a laissés sur place. Mais sortant d'une longue hibernation commerciale, le film revient sur les écrans. La pellicule n'a pas pris une griffe...

The Dead
le testament de John Huston

Synopsis :

- "Dublin, le 6 janvier 1904, les vieilles demoiselles Kate et Julia Morkan offrent une réception à leurs parents. Au cours de la soirée, un invité chante un air ancien qui émeut particulièrement Gretta Conroy. De retour à l'hôtel Gretta raconte à son mari comment un jeune homme mourut pour l'avoir aimée.

Dernière oeuvre d'une des personnalités les plus foisonnantes du cinéma. Grand admirateur de Joyce, Huston projetait depuis 1956 d'adapter cette nouvelle qu'il décrit «comme un morceau de musique, avec des thèmes qui apparaissent et disparaissent à plusieurs reprises».

Olivier Rossignot :

- "Capter l'instant, saisir la beauté des gestes, des voix, et des visages, goûter la saveur de la vie par chaque seconde qui s'écoule, en adaptant la nouvelle éponyme de James Joyce, c'est ce que parvient à faire John Huston dans son ultime chef d'oeuvre : Gens de Dublin.

Retournant au pays de ses origines juste avant de mourir, John Huston l'irlandais offre à travers ce film testament une réflexion sur le temps qui passe, les souvenirs épars et les regrets éternels de la jeunesse.
Loin de tout académisme, en 1987, ce vieux monsieur dressait avec Gens de Dublin l'un des plus beaux éveils à la mort qui soit. Sublime de bout en bout, Gens de Dublin dégage une émotion particulière, précieuse, de celles qui rapprochent l'Art de la vie, de celles qui semblent dialoguer avec vous, personnellement."
(culturopoing.com, 2 décembre 2009).


Repas de fin d'année. Le calendrier de la vie s'allonge mais la mort attend qui aura toujours le dernier mot (DR).

André Ruellan :

L'ultime chef d'oeuvre de John HUSTON ressort sur les écrans. Réactivé par CARLOTTA FILMS, " Gens de Dublin " fait retouver un film admirable, une merveilleuse et incisive description d'une soirée de Nouvel An qui va de l'ironie à la gravité avec la mort en touche finale. C'est sublime.


Exemplaires sont la reconstitution de l'époque 1900, de l'atmosphère de Nouvel An que distille une caméra virtuose, aux effets dynamiques et aux couleurs chaleureuses très significatives de l'histoire. D'où cette merveilleuse et incisive description de cette soirée de fête enneigée, au sein de personnes pittoresques issues de la bourgeoisive irlandaise profondément anti-britannique. Ce déroulement quasi-intime sans même un phonographe, mais accompagné au piano, est impressionnant de justesse, de valeurs particulières, de charme et d'humanité quand se dévoilent au cours des conversations l'ironie et l'émotion.
Admirable Anjelica HUSTON : elle est dolente, émouvante, lumineuse et tout en finesse et en distinction."
(Nord-Cinéma.com, 9 décembre).


Arnaud Aubelle :

- "John Huston fut certainement le cinéaste hollywoodien le plus féru de littérature, adaptant tour à tour Dashiell Hammett, B. Traven, Herman Melville, Rudyard Kipling, Arthur Miller. Et donc James Joyce, dont il transpose ici l’une des nouvelles.

Ce film est l’œuvre d’un homme de 81 ans, adopté depuis de longues années par une Irlande à laquelle il souhaite rendre hommage.

Les Gens de Dublin se construit sur ses paradoxes.
Paradoxe de la forme : d’une concision exemplaire, c’est certainement l’œuvre la plus dense de son auteur.
Paradoxe du fond : sans qu’aucune intrigue ne le porte, le film aborde mille sujets, raconte mille histoires.
A l’écran, la caméra glisse sur les personnages, les caresse et les enveloppe. Huston atteint ici une sorte de perfection formelle, d’absolu cinématographique. Il se dégage de chaque plan une fluidité rare et précieuse : les images coulent, empreintes de sérénité. Et l’inoubliable monologue final, sublimé par ses images de paysages glacés, confère définitivement au film un caractère testamentaire."
(aVoir-aLire.com, 15 décembre).


Anjelica Huston (DR).

Utopia, Toulouse :

- "C'est le dernier film du grand John Huston, que la camarde a fauché juste avant la sortie. Et c'est sans doute la plus belle œuvre ultime qu'on puisse imaginer, un film intense et serein, poignant et pudique, grand et profond sans ostentation. Fugace et inoubliable comme un sourire entrevu qu'on n'a pas su retenir, comme un souvenir enfoui qui soudain resurgit et nous met l'âme sens dessus-dessous. Un bonheur rare…"
(s. d.).


Mathieu Lindon :

- "La générosité était le sujet de l’œuvre de Joyce et l’est aussi de celle de Huston. Gens de Dublin est un film d’amour: il montre comme on peut découvrir ce sentiment en soi rien qu’en le constatant chez une autre pour un autre.

C’est janvier, il neige sur l’Irlande et sur ses tombes. En voix off, sont prononcées les dernières pages du texte, tel un monologue intérieur (technique que Joyce rendra célèbre en littérature avec celui de Molly Bloom à la fin d’Ulysse), tandis que la caméra abandonne le huis clos pour des images de campagne.
Il y a beaucoup de petits rien mais aucun geste, aucun mouvement subalterne. Avec une délicatesse infinie et une brutalité vitale, le film s’insère dans les émotions disparues et ressuscitées, dans les amours partagées à distance, dans le temps, dans l’espace. Il y a soudain une magie modeste de John Huston qui fut toujours passionné par l’échec sans que l’humilité soit pour autant sa marque de fabrique esthétique. Une légèreté prend ici possession des drames les plus lourds. Gens de Dublin montre comment respirent les morts."
(Libération, 16 décembre).

Pour relire la nouvelle de Joyce.

Ciné-club Caen :

- "Si on ne trouve pas ici les grands espaces où se déroulent habituellement les films de Huston, on retrouve dans Les gens de Dublin ces héros typiques qui malgré l'énergie qu'ils déploient n'atteignent pas leur but, sauf si le hasard vient les aider.

Huston révèle la dimension tragique de l'existence, l'homme étant la proie de forces naturelles ou sociales qu'il ne maîtrise pas. Huston accorde ainsi une grande importance au décor dont la dimension est toujours plus vaste que celle des individus et Gabriel regardant la neige tomber sur l'Irlande sait que malgré ses discours et l'amour qu'il vient à nouveau de ressentir pour son épouse, sa liberté d'action ne peut être que passagère."
(17 décembre).


Pascal Merigeau :

- "Le plus beau des cadeaux : la réédition du chef-d'oeuvre absolu qu'est «Gens de Dublin», le dernier film de John Huston. Oeuvre ultime, en effet, filmée par un cinéaste à bout de souffle, qui à l'heure de voir s'ouvrir les portes de la mort puise dans une nouvelle de James Joyce les accents d'une méditation dont s'imprime à jamais dans la mémoire chaque image, chaque mot, chaque son, le moindre battement de cils d'Anjelica Huston, la voix usée d'une vieille dame chantant une chanson d'amour dans un salon, le regard porté par un homme sur son épouse endormie, qui vient d'avouer qu'elle n'a jamais cessé de penser à ce garçon qui autrefois...

Si un film a jamais mérité le qualificatif de sublime, c'est celui-ci. Dublin, Noël 1904, voilà, vous y êtes. Vous n'en reviendrez pas."
(Le Nouvel Observateur, 17 décembre).

Bande annonce (VO).


samedi 19 décembre 2009

P. 211. "Des immigrés défendant la France..."

.
Libération, 11 décembre 2009.

Chronique de Paul Hermant :
"Ces photos qui se mettraient
à parler beaucoup"...

Il a accepté d'être régulièrement l'hôte de ce blog (1). Lui qui, en radio, a inventé les "chroniques nomades"... Celles qui sortent des studios, se passent des tables de montage... Pour une radio tous terrains, assez proche des auditeurs que pour aller les écouter chez eux et non inverser les rôles : parler en leur lieu et place, jouer à la vedette intouchable, au chevalier blanc redresseur de tous les torts, au donneur de leçons comme il y a des sonneurs de cloches...
Paul Hermant participe des éveils matinaux comme l'envol des premiers oiseaux diurnes, le café ou le thé qui vous réconcilient avec la fin des rêves, le volet que l'on écarte pour respirer l'air qui vous attend dehors.
Dommage si j'agace, mais je persiste à répéter que la radio reste un service public quand vers 7h20, elle préfère cette chronique (2) aux bouillons blablateurs d'inculture, aux grenouilles qui se prennent pour des boeufs de la variété et/ou de la politique.
Evidemment, il y a des "esprits" chagrins pour estimer devoir écrire :
- "Que Paul Hermant soit votre ami ne change rien aux conneries qu'il débite sur un ton patelin." (MCA).
L'auteur de ce jugement sans appel me collant au passage l'étiquette de "Belgicain"...
Eh bien, des "conneries" à la Paul Hermant, en voici encore sur la page 211 de ce blog. Ce ne seront même pas les dernières. Parce qu'en semaine, toutes les aubes que le jour finit par accoucher, la Radio-Télévision belge d'expression francophone, sur sa "grille" de Matin Première, persiste à diffuser de telles chroniques dérangeantes. Et que ce ton-là, nous accroche, jusque dans nos "patelins" les plus reculés des Ardennes !

L'Affiche rouge (Bibliohèque nationale de France).

Avec ces portraits et mentions :

- "Grzywacz : Juif polonais, 2 attentats"
- "
Elek
: Juif hongrois, 8 déraillements"
- "Wajsbrot
: Juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements"
- "Witchitz
: Juif polonais, 15 attentats"
- "Fingerweig
: Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements"
- "Boczov
: Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats"
- "Fontanot
: Communiste italien, 12 attentats"
- "Alfonso
: Espagnol rouge, 7 attentats"
- "
Rayman
: Juif polonais, 13 attentats"
- "
Manouchian : Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés."


Léo Ferré - Aragon.

Paul Hermant :

- "Que dire après cela ? Après quelques secondes de l'Affiche rouge de Léo Ferré, une mise en musique d'un poème de Louis Aragon ? Que faire, sinon continuer avec un autre poète, René Char, qui écrivit un jour : "Ils refusaient les yeux ouverts ce que d'autres acceptent les yeux fermés" ?

Et là, pourtant, leurs yeux sont fermés. Enfin, on imagine car ils sont bandés, cagoulés, cachés. Et de toute façon, ces hommes sont morts ou vont mourir.

Il y avait une affiche, rouge. Il y a aujourd'hui trois photos, noir et blanc, et dessus, un peloton d'exécution et ce qu'il reste de 4 hommes qui viennent d'être fusillés ou qui attendent de l'être. On dit "ce qu'il reste" parce que les poses sont à la fois grotesques et nobles. C'est peu de choses un homme qui meurt attaché, et c'est beaucoup.

Ces photos que je vois dans la presse sont légendées. On trouve des noms dessous. Des noms qui "à prononcer sont difficiles" : Emeric Glasz, Marcel Rajman, Tomas Elek ou Rino Della Negra. On se dit peut-être, on se dit sans doute… Serge Klarsfeld, lui, affirme les avoir identifiés.
Ces photos dormaient dans des tiroirs, elles étaient connues, on pensait à des documents de reconstitution. Mais non, dit-il, ce serait donc là des membres du groupe de Missak Manouchian, 12 des 22 exécutés le 21 février 1944 dans la clairière du Mont Valérien. Leurs visages que l'on ne voit pas, on les retrouve, pour certains d'entre eux, sur cette affiche rouge haineuse qui fut placardée dans la France de Pétain."


Tract diffusé en complément de l'Affiche rouge : "L'ARMEE DU CRIME contre la France" (Musée de la Résistance nationale).

- "Des jeunes gens. Offerts à l'opprobre et à l'insulte. Parce que juifs ou Arméniens, enfin étrangers. Car il y avait, il faut dire, très peu de Français chez Manouchian et dans les réseaux de résistance des FTP-MOI, qui veut dire Francs-Tireurs et Partisans-Main d'œuvre Immigrée.
A l'époque, cette affiche avait secoué les esprits occupés. Des immigrés, défendant la France...
Ils étaient entrés dans la mémoire avant d'être un peu oubliés et on se demande ce qu'elles veulent nous dire, ces photos qui reviennent aujourd'hui, en plein non débat sur l'identité nationale. Et si, par hasard, dans leur parfaite mutité, elles ne se mettraient pas à parler beaucoup.
On termine avec René Char : "Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri".
Allez belle journée et puis aussi bonne chance."
(RTBF, Matin Première, 17 décembre 2009).


Le Matin des 19 et 20 février 1944 (Graph. JEA / DR).

Il est alors des journalistes français pour écrire en première page du "mieux informé des journaux français" que des résistants - enfin, forcément des "terroristes" - ne constituent qu'une "tourbe internationale"...

NOTES :

(1) Chroniques de Paul Hermant sur ce blog
- P. 186 : Charters pour la guerre.
- P. 193 : Les SS meurent aussi.
- P. 59 : Montesquieu, Paul Hermant et la Belgique.
- P. 5 : P. Hermant, A. Rollin.

(2) Chroniques sur le site de Matin Première.



jeudi 17 décembre 2009

P. 210. L'église fortifiée de Jeantes

.
Pour situer Jeantes en Thiérache.
Carte d'après : Sur une frontière de la France. La Thiérache. Aisne, Textes, Photographies et Cartographie sous la direction de Martine Plouvier, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2003, 287 p. (Montage JEA / DR).

Neuvième étape sur la route
des églises fortifiées de Thiérache :
Jeantes.

Peut-être avez-vous gardé en mémoire la figure de Narcisse Greno, ce franc-maçon de Landouzy-la-Ville qui sauva des occupants allemands (déjà !) de 1870, les églises de Plomion, de Landouzy et de Jeantes.
Cette neuvième étape vous conduit vers ce dernier village - 236 habitants - marquant le carrefour entre la D 747 allant de Plomion à Coingt et la D 749 se dirigeant vers La Longue Rue de Haut.
Pour les randonneurs, il leur est proposé de parcourir de GR 122 qui, de Plomion, traverse Jeantes avant de sinuer vers St-Clément.

Si vous ouvrez une carte détaillée, vous vous régalerez au préalable de la toponymie des lieux entourant Jeantes :
- le Fond des Evilliers,
- l'Epine Bruyante,
- le Fossé Philippot,
- le Blanc Trou,
- la Passe Maillard,
- la Fontaine Sonnette,
- les Sep Muids;
- le Grand Cerisier...

Si vous suivez le guide. A gauche, l'escalier montait à la tour devenue provisoirement Mairie (Ph. JEA / DR).

Saint-Martin de Jeantes se distingue des plus de 70 autres églises fortifiées de la région par son donjon rectangulaire et les deux tours carrées qui le flanquent. Ces trois éléments défensifs forment la façade sud-ouest de l'édifice.
Le donjon compte trois étages. Un escalier permet d'y accéder dans la tour sud-ouest.
A l'exception de l'un ou l'autre losanges en briques vernissées, Saint-Martin reste dans la sobriété. Mais de nombreuses meurtrières rappellent que l'édifice n'avait pas seulement vocation religieuse.

Bains de soleil pour les pigeons et le coq girouette (Ph. JEA / DR).

Patrimoine de France :

- "L'église est mentionnée au 12e siècle dans une charte de l'évêque de Laon Barthélémy comme dépendante de l'abbaye de Saint-Michel. Il ne subsiste cependant rien de cette première église, à l'exception des fonts baptismaux."

Fonts baptismaux en pierre bleue. Ils s'inscrivent dans une inspiration tournaisienne qui se retrouve tout le long d'un axe Reims-Cologne. Têtes romanes, animaux symboliques et motifs végétaux rendent la pierre moins brute (Ph. JEA / DR).

Patrimoine de France :

- "L'édifice a été rebâti dans sa totalité au cours de la 1ère moitié du 17e siècle, le choeur et la nef vers 1620-30, si l'on en croit une campagne de mesures et de datations scientifiques entreprise en 1978. Le choeur et le clocher-porche formant donjon, cantonné de deux petites tours, furent dotés de parties fortifiées (bretèches) , encore partiellement visibles aujourd'hui sur les élévations nord de la tour nord et du choeur.
Le choeur porte sur une pierre la date 1667 qui correspond probablement à un remaniement ou une restauration. La nef a été reprise au cours du 2e quart du 18e siècle, comme en témoigne l'inscription commémorative encastrée dans l'élévation extérieure sud, portant la date 1737 dans un coeur, accompagnée d'initiales non identifiées."

Montage photos : inscription de 1737 marquant vraisemblablement des travaux de reconstruction. En bas : autre motif en forme de coeur au nord-est de l'église (Ph. JEA / DR).

Patrimoine de France :

- "La sacristie possède de même une pierre calcaire encastrée avec l'inscription " I. Malassaux Blanche 1773 " correspondant à la date de sa construction, il s'agit vraisemblablement des noms des maçons. La façade occidentale a été reprise au cours du 19e siècle, en particulier le portail. Le donjon a abrité dans la tour nord, et jusqu'en 1889, la mairie puis les archives communales."

Meurtrière de l'escalier, tour sud-ouest, pour protéger la nef côté route (Ph. JEA / DR).

Tours, donjon, bretèches, meurtrières... à la guerre comme à la guerre. Autres temps, autres moeurs, en 1962, un peintre hollandais va métamorphoser Saint-Martin. Charles Eyck (1897-1983) avait décroché un prix de Rome en 1922. Au début des années 60, le prêtre de Jeantes, Pierre Suasso de Lima de Pardo fait appel à l'artiste hollandais pour que l'intérieur de l'église ne parte pas en quenouilles de plâtres...

Jacky Billard :

- "En 1962, Charles Eyck laisse de côté ses commandes et fuit les mondanités. Il rejoint, dans la plus grande discrétion son ami et compatriote de Jeantes-la-ville, Peter Suasso de Lima de Prado. L'abbé lui avait suggéré un an auparavant : "Faites de ma petite église, ancienne forteresse et de nouveau un lieu de réunion, un petit chef d'œuvre dans un pays qui perd sa fierté."
Les visites du peintre-verrier attisent les conversations, la curiosité voire les soupçons. "Que veut le curé avec son gars qui se promène tous les jours, tâtant les murs partout, mesurant tout ? " Les enfants sympathisent avec "le vieux monsieur" de 65 ans, sourd-muet mais qui dessine pour eux !
C'est le combat contre ce torchis qui s'effrite, ce salpêtre qui réapparaît, ces murs hostiles qui refusent cet habillage de fresques et de peintures. Il doit gratter, enduire de plusieurs couches. Que de problèmes pour le maître qui veut que sa peinture figurative raconte une histoire et qu'elle se perpétue sur plusieurs générations !
Il utilise trois techniques :·

La peinture sur ciment.·
La peinture graffito (dessins tracés à la pointe du couteau sur fond de peinture noire.)·
La peinture sur couches."
(Terascia.com)


Pour cause d'allergie aux flash et autres artifices lumineux, et faute de pied stable, ce billet ne peut illustrer les 400 m2 couverts par l'artiste hollandais. Ce sera peut-être quand reviendront les lumières de printemps...

Une église porte ouverte (Ph. JEA / DR).

Saint-Martin est accessible de 9h à 18h en été et de 9h à 17h en hiver.
A en croire la presse locale, les visiteurs viennent parfois d'horizons inattendus.

L’Union :

- "Jeantes, son église fortifiée, les fresques murales de Charles Eyck, sa quiétude, ses martiens…

Le dimanche 15 novembre, vers 21 heures, deux habitants de ce célèbre village de Thiérache auraient, en effet, aperçu dans le ciel une forme étrange, ou tout au moins non identifiée.
Suivant ce que ces habitants ont déclaré à la gendarmerie, il s'agirait d'un objet de forme ronde, lumineux, de couleur bleue, et qui se déplaçait lentement. L'objet aurait également été vu à plusieurs reprises effectuant des allers et retours.
Mesures d'approches d'habitants d'une autre planète pour se poser en plein bocage ?
L'affaire incite bien sûr à sourire… Mais comme l'explique le capitaine Vérove, commandant de la compagnie de Vervins, ce type de témoignages est toutefois pris au sérieux. Si bien que ces dépositions sont envoyées au Cnes (centre national des études spatiales), afin d'être compilées puis étudiées. Un certain Jean-Claude Bourret, officier de réserve et ancien journaliste de télévision bien connu, continue notamment de s'intéresser de très près à ces affaires pour le compte de la gendarmerie."
(19 novembre 2009).


Route de Martigny, terrain d'atterrissage pour OVNI ? (Ph. JEA / DR).

Un franc-maçon (athée) qui sauve trois édifices religieux, un Suasso de Lima de Prado prêtre en Thiérarche, un artiste hollandais décorant pacifiquement une église d'ici, des martiens amateurs d'art... voilà du cosmopolitisme comme disent ceux pour qui le débat sur l'identité française se traduit par un rejet des "autres" !