DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

vendredi 30 octobre 2009

P. 186. Charters pour la guerre : chronique de Paul Hermant

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Pancarte ACTUP-Paris (Graph. JEA / DR).

"On n'expulse pas vers un pays en guerre" ???

Chaque matin que la semaine égrène, peu après sept heures et quart, nombre de fenêtres s'ouvrent non seulement dans les centres urbains mais encore dans les campagnes belges (et même parmi des beuquettes en Ardennes de France). Des choix individuels pour un acte devenant collectif. Chercher un peu d'oxygène avant de plonger dans les embouteillages vers le travailler plus, vers les écoles et les casernes, avant de s'asseoir sur les bancs du chômage ou des parcs publics, après les soins médicaux et les peines de coeur...
Vers 7h20, la circulation se montre donc moins bruyante, moins agressive. Les analyses des pollutions sonores le confirment régulièrement. Et ici, j'en atteste, même les oiseaux se concertent pour se concentrer quelques instants parce que, soudain, la radio cesse d'être un moulin à cacophonies.
Sur "Matin première", le service public de la Radio-Télévision belge Francophone (ouf) donne quelques instants la parole à Paul Hermant. Et l'auditoire de se savoir moins méprisé, ou moins manipulé, ou moins désespéré, ou moins solitaire que cinq minutes plus tôt !
A ses débuts, je l'imaginais funambule avec un micro accroché au cou et qui passait entre les nuages éperdus, les arbres décoiffés, les dernières étoiles attentives. Funambule, il l'est resté. Mais après tant et tant de chroniques, nous sommes toujours aussi nombreux à nous demander comment il ne chute pas ? Comment il reste ainsi en altitude ? Comment ses regards ne baissent, ni sa voix ? Comment sa légèreté cultive tant de profondeurs ?
Pour avoir proposé quelques lignes de Paul Hermant sur un autre blog, nous fûmes tous deux traités de "belgicains" dignes d'un "royaume bananier" (et tutti quanti...).
Eh bien sur cette page, vous avez bien le salut de ces "belgicains" ayant le tort de sortir de leurs frontières pour fouler le sol de France.
Cette chronique est celle du jeudi 29 octobre sur les antennes de "Matin Première" (RTBF-Radio, première chaîne).

En studio : Paul Hermant (Ph. RTBF / DR).

Paul Hermant :

- "A la question que nous avions posée dans une chronique récente d'enfin savoir s'il y avait ou non une guerre en Afghanistan, nous avons désormais la réponse. C'est non, il n'y a pas de guerre.
La preuve, on y a expulsé dernièrement -la France y a expulsé- par charter, c'était le 21 octobre, trois migrants Afghans arrêtés dans l'Hexagone.


A l'époque, nous avions dit que rapatrier des nationaux en Afghanistan équivalait à établir une sorte de jauge du jugement que nous portons sur la situation à Kaboul et dans les provinces. Car enfin, avions-nous ajouté :
"on n'expulse pas vers un pays en guerre"
et si on expulse c'est donc qu'il n'y a pas de guerre. La loi de la pesanteur est dure mais c'est la loi, d'autres l'ont dit avant moi.

Sans doute doit-on parler au Quai d'Orsay des "événements d'Afghanistan" comme l'on disait, dans une autre époque, de ceux d'Algérie. La diplomatie, qui est étymologiquement l'art de plier un papier en deux, est grande usagère de circonlocutions et de circonvolutions.
Le ministre Besson avait assuré que, dans ces "événements" tout de même un peu troublants, la sécurité des migrants expulsés serait assurée. Et de fait, l'ambassade les a accueillis sur le tarmac, leur a donné quelques centaines d'euros. Pas d'inquiétude dit le ministère, on les a mis dans un hôtel. A Kaboul.

Et que pensez-vous qu'ils font les talibans ? Ils attaquent les hôtels. A Kaboul. Ou des foyers où logent des agents des Nations Unies. A Kaboul. Dans une ville réputée sécurisée.

Une députée française de l'UMP, de la majorité présidentielle donc, elle est du Nord, elle s'appelle Françoise Hostalier, avait eu, une fois le charter parti, cette forte phrase:
"S'ils se font tuer, l'acte d'expulsion pourra être qualifié de criminel".
Elle connaît bien l'Afghanistan, elle avait mis en garde contre ces retours forcé effectués à la veille du second tour électoral.
"Cela pourrait tourner à la catastrophe" avait-elle ajouté.
C'est aussi ce que pense Matthew Hoh, ce diplomate américain en poste à Kaboul qui vient de démissionner, se demandant quelle peut bien être la fonction de tous ces contingents étrangers dans un pays "en guerre civile depuis 35 ans" a-t-il précisé.

Ah, bon, c'est quand même une guerre ? Et civile aussi ? Et une guerre civile, tout le monde sait ça, ça tue des civils. Comme les employés des Nations Unies abattus, on va dire exécutés, hier.
Vous savez, je me dis que ce qui doit être le plus désespérant pour ces clandestins afghans refoulés, c'est de constater que, depuis leur retour, la guerre a éclaté en Afghanistan.
Allez belle journée et puis aussi bonne chance."

Mise de force, pieds et poings liés, dans un avion d'Air France (Graph. JEA / DR).

NOTE : Mes remerciements à Paul Hermant pour son autorisation de publication. Qu'il sache que j'ai plus d'un pâté dans mon four littéraire.

mardi 27 octobre 2009

P. 185. Céline : "la magique chambre à gaz" !!!

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D'après la signature de L Fer Céline (graphisme JEA / DR).

Ne peut-on cesser de faire remuer le cadavre
de Céline ?

Pardon à celles et à ceux dont les blessures jamais refermées ne seront pas épargnées par cette page. Elle sort de l'ombre suite à la lecture de cette nième provocation en faveur de l'ignoble Céline et dont le Nouvel Observateur vient de se faire l'écho :

- Céline, humaniste incompris...
"Les pamphlets antisémites de Céline ont été écrits pour « éviter de nouveaux massacres ». C'est ce qu'ose affirmer un plaidoyer pour l'auteur de « Bagatelles pour un massacre » paru dans un respectable journal anglais. Il n'est pas passé inaperçu, comme le raconte Olivier Postel-Vinay dans le n° 10 du magazine « Books », qui sera en kiosque ce jeudi 29 octobre."

(NO, 26 octobre 2009).

La tactique des révisionnistes est aisée. Les protections de Céline veillent à ne pas laisser lire ses infâmies. Une loi veut également en protéger le public. Résultat : il se dit et se répète que Céline aurait bien signé des mots le déshonorant à jamais. Mais lesquels ? Dans quels contextes ? A quel point de sanie ? N'exagère-t-on pas ? Après tout, il avait du "génie" et c'est l'essentiel...

Avec le temps qui éponge. Avec la paresse ou la peur de lire dans les textes. Avec les nostalgiques d'"Au pilori". Avec les récurrences de l'antisémitisme... On en arriverait à présenter Céline comme une victime ce criminel de la plume. Trop tard pour le proposer comme prix Nobel, sinon pourquoi se gêner ? Alors, jouons la carte du "sauveur" !!! C'est odieux. En voici quelques preuves. Références à l'appui comme il se doit.

Brasillach Robert et Céline :

- "Le succès du livre {Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937} de Céline, véritable « cri de révolte des indigènes » eût été inconcevable il y a dix ans. Au Parlement, dans la rue, chez les médecins, les avocats, la question juive est désormais au premier rang."
(Je suis partout, n° 386, 15 avril 1938).

Cousteau Pierre-Antoine et Céline :

- "C’est notre génial ami Céline qui l’a dit – et il faut toujours revenir à Céline -."
(Je suis partout, n° 652, 11 février 1944).

Céline et la Culture :

- "Le latinisme plaît beaucoup aux méridionaux francs-maçons. Le latinisme c’est tout près de la Grèce. La Grèce c’est déjà de l’Orient. L’Orient c’est en plein de la Loge. La Loge c’est déjà du juif. Le juif c’est du nègre. Ainsi soit-il."
(L’Ecole des cadavres, Denoël, 1938, p. 284).

- "Un seul ongle de pied pourri, de n’importe quel vinasseux ahuri truand d’Aryen, vautré dans son dégueulage, vaut encore cent mille fois plus, et cent mille fois davantage et de n’importe quelle façon, à n’importe quel moment, que cent vingt-cinq mille Einsteins, debout, tout dérétinisants d’effarante gloire rayonnante. »
(Bagatelles pour un massacre, p. 319).

Céline et Desnos Robert :

- "Votre collaborateur Robert Desnos (1) est venu dans votre numéro du 3 mars 1941 {Aujourd’hui} déposer sa petite ordure rituelle sur les Beaux Draps (…).
Pourquoi M. Desnos ne hurle-t-il pas plutôt le cri de son cœur, celui dont il crève inhibé… « Mort à Céline et vivent les juifs ! » M. Desnos mène, il me semble, campagne philoyoutre (et votre journal) inlassablement depuis juin (…).
Que ne publie-t-il pas M. Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles ? »
(Sommation d’huissier publiée dans Aujourd’hui, 7 mars 1941).


Première édition : 1937.

Céline et l'Extermination :

- "Vinaigre ! Luxez le juif au poteau ! Y a plus une seconde à perdre."
(Entretien avec Henri Poulain, Je suis partout, 7 mars 1941).


- "Il {Céline} dit combien il était surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n'exterminions pas les Juifs, - il est stupéfait que quelqu'un disposant d'une baïonnette n'en fasse pas un usage illimité." (7 décembre 1941)
Ernst Jünger, Journal, T. I, 1941-1943, Julliard.

- "Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des Juifs, par guerres, hybridations burlesques, négrifications mortelles. Le problème racial domine, efface, oblitère tous les autres."
(L’Ecole des cadavres, p. 216).

- "Volatiliser sa juiverie serait l’affaire d’une semaine pour une nation bien décidée."
(Lettre à Jacques Doriot, Cahiers de l’émancipation nationale, mars 1942).


Céline et la Démocratie :

- "Paravent de la dictature juive."
(Bagatelles pour un massacre, p. 51).


Céline et les juifs :

- "Avant la venue d’Hitler, les Juifs trouvaient ça très normal les méthodes racistes. Ils se faisaient pas faute eux-mêmes d’être racistes, largement, effrontément, frauduleusement."
(L’Ecole des cadavres, pp 113-114).


- "La Judéologie est une science, l’étude de la maladie juive du monde, du métissage aryano-juif (…). Certains judéologues possèdent leur science à fond, sur bout des doigts, les rudiments, l’Histoire des Juifs, du complot juif depuis l’Ethnologie, la Biologie du Juif. Leurs travaux sont célèbres, incontestés, fondamentaux. Tous les Aryens devaient avoir lu Drummont (2) {sic}."
(L’Ecole des cadavres, pp 34-35).


- "Le Juif n'est pas tout mais il est le diable et c'est suffisant. Le Diable ne crée pas tous les vices mais il est capable d'engendrer un monde entièrement, totalement vicieux."("Lettre à Lucien Combelle", in P. Alméras, Les idées de Céline, Berg).

- "Bouffer du juif, ça ne suffit pas, je le dis bien, ça tourne en rond, en rigolade, une façon de battre du tambour si on saisit pas les ficelles, qu'on les étrangle pas avec. Voilà le travail, voilà l'homme."
(Les Beaux Draps, Denoël, 1941, p. 115, 1941).


Céline et Hitler :

- "Je me sens très ami de Hitler, très ami de tous les Allemands, je trouve que ce sont des frères, qu'ils ont bien raison d'être racistes. Ca me ferait énormément de peine si jamais ils étaient battus. Je trouve que nos vrais ennemis c'est les Juifs et les francs-maçons."
(L'Ecole des cadavres, p. 198).


-"Moi, je voudrais bien faire une alliance avec Hitler. Pourquoi pas ? Il a rien dit contre les Bretons, contre les Flamands… Rien du tout… Il a dit seulement sur les Juifs… Il les aime pas les Juifs… Moi non plus. J’aime pas les nègres hors de chez eux…"
(Bagatelle…, p. 317).


- "Chaque fois que Hitler prend la parole, il engage formellement la responsabilité des Juifs quant au déclenchement de la guerre européenne. Alors, pourquoi vous, qui voulez vous incorporer dans le National-Socialisme, n'engagez-vous pas également cette responsabilité ? Autre question. Etes-vous racistes comme tous les nationaux-socialistes dont Hitler fut, dès la première heure, le porte-parole, ou êtes-vous antiracistes ? Si vous êtes racistes, pourquoi n'en parlez-vous jamais ?"
(Au Pilori, 11 décembre 1941).

Première édition, 1938.

L’Ecole des cadavres :

- "L’Ecole était le seul texte à l’époque (journal ou livre) à la fois et en même temps : antisémite, raciste, collaborateur (avant le mot) jusqu’à l’alliance militaire immédiate, antianglais, antimaçon et présageant la catastrophe absolue en cas de conflit."
(Préface de l’édition de 1942).


Céline et le Racisme :

- "Racisme d’abord ! Racisme avant tout ! (…) Désinfection ! Nettoyage ! Une seule race en France : l’Aryenne."
(L’Ecole des cadavres, p. 215).


- "Racisme fanatique total ou la mort !"
("Lettre à A. Laubreaux", Je suis partout, 22 novembre 1941).

- "Les rejetons aryens de plus en plus aryens, les jaunes de plus en plus jaunes, les Juifs hybrides grotesques (regardez ces figures) de plus en plus impossibles."
(L’Ecole des cadavres, p. 109).

- "Pour recréer la France, il aurait fallu la reconstruire entièrement sur des bases racistes-communautaires. Nous nous éloignons tous les jours de cet idéal, de ce fantastique dessein… Liés, amarrés au cul des Juifs, pétris dans leur fiente jusqu’au cœur, ils s’y trouvent adorablement."
(Lettre à Jean Lestandi, Au pilori, 2 octobre 1941).

- "Il s’en faut de cent mille élevages, de cent et cent mille sélections raciales, éliminations rigoureuses (entre toutes celle du Juif) avant que l’espèce ne parvienne à quelque tenue décente, aux possibilités sociales (…). Par la sélection raciste, par l’élimination très stricte de tous les immondes, avant le dressage de tous les confus, les douteux, les hybrides néfastes, de tous les sujets trop bâtards, récessifs."
(L’Ecole des cadavres, pp 135-136).

Céline et le Révisionnisme :

- "Son livre, admirable, va faire gd bruit – QUAND MEME. Il tend à faire douter de la magique chambre à gaz ! ce n’est pas peu (…). C’était tout la chambre à gaz ! Ca permettait TOUT."
(A propos de la publication en 1950 du premier livre révisionniste signé par Paul Rassinier (3), Le mensonge d’Ulysse. Extraits d’une lettre à Albert Paraz, 8 novembre 1959. Cahiers Céline, 6, p. 276).

Céline et les Stérilisations :

- "Est-ce Drumont, est-ce Gobineau (4), ou le génial (il fallait avoir du génie vu l’époque…) Céline qui lança le premier l’idée mirifique. Un seul moyen pour se débarrasser des Juifs, sans massacres, sans pogroms : les stériliser. Oui, tous, mâles et femelles. Les enfermer d’abord dans de vastes camps, les prendre un à un, et hop !"
(Jacques Bouvreau, Au pilori, 23 juillet 1942).

- "Le chirurgien fait-il une distinction entre les bons et les mauvais microbes… Il doit stériliser… supprimer tous les germes… et par conséquent toute possibilité d’infection… comme pour dératiser un navire, dépunaiser votre maison… il faut une désinfection totale du pays – corps et âme… des déjudaïsations…"
(L’Ecole des cadavres, pp 260 à 264).

Thomas Louis et Céline :

- "A Louis-Ferdinand Céline qui a vigoureusement dénoncé les Juifs, parce que médecin des pauvres, il les a vus très malheureux sous la domination des Yds qui s’étaient emparés de la France."
(Préface, Les Raisons de l’antijudaïsme, Les Documents contemporains, 1942).


Fac simile de la fausse carte d'identité utilsiée par Céline pour quitter la France dans les bagages des Allemands (DR).

NOTES :

(1) Robert Desnos (1900-1945). Arrêté le 22 février 1944. Mort à Theresienstadt.

(2) Edouard Drumont (1884-1917). Auteur de "La France juive devant l'opinion", publiée en 1886. Bible estimée "immortelle" par les antisémites de service.

(3) Joseph Arthur Gobineau (1816-1882). Signa les 4 tomes de l'"Essai sur l'infériorité des races humaines" (fin de publication en 1855).

(4) Paul Rassinier (1906-1967). Promoteur du révisionnisme à la française. Réduisant la Shoah à une pseudo invention destinée à escroquer financièrement...

vendredi 9 octobre 2009

P. 184. "Walter, Retour en Résistance", le film et ses prolongements

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Affiche : prod. La Vaka (DR).

CNR, Midi Pyrénées :

- "Le 4 novembre prochain sortira sur les écrans "WALTER, RETOUR EN RESISTANCE" de Gilles Perret, cinéaste définitivement Savoyard, dont vous avez peut-être vu "Ma Mondialisation" portrait drôlatique d'un patron qui se croyait humaniste tout en délocalisant."
(22 septembre 2009).


Synopsis :

- "A travers l’histoire de Walter, ancien résistant, ancien déporté haut-savoyard et sur fond de politique actuelle, deux questions se posent tout au long du film :

« Qu’avons-nous fait des idéaux du Conseil National de la Résistance ? »


« Résister se conjugue-t-il au présent ? »


Walter Bassan, 82 ans, rescapé de Dachau (Ph. La Vaka / DR).

Gilles Perret :

- "Ce n'est pas un sujet historique. J'ai simplement voulu poser la question suivante : aujourd'hui, qu'est-ce que la résistance ? Encore une fois, je me suis attaché à dresser le portrait d'un homme, Walter Bassan, ancien résistant, ancien déporté à Dachau, torturé. J'ai voulu à travers cet homme - qui a toujours les mêmes valeurs républicaines, les mêmes idéaux - savoir si le verbe résister peut se conjuguer au présent.

Ce qui m'a incité aussi à réaliser ce film, c'est la méconnaissance des gens de tout ce qu'a apporté le Conseil national de la Résistance, qui est à l'origine par exemple de la sécu, de la liberté de la presse Il me semble que le sujet est d'actualité, non ?
On est en train de détruire petit à petit des décennies de progrès social, en accélérant la prépondérance du système libéral. Toutes les valeurs de cette époque sont désormais récupérées dans l'esbroufe. Et le travail de laminage continue.
Dans ce contexte, où les louvoiements, les ralliements improbables se multiplient, c'est plutôt rassurant de voir que des gens comme Walter existent encore. Avec des convictions, des valeurs inébranlables."
(Interview par Cyrile Bellivier, Le Messager.fr, 4 avril 2009).

coZop, lecture coopérative :

- "Aujourd’hui Walter Bassan a 82 ans. Il vit avec sa femme en Haute-savoie, et mène une vie pour le moins active. D’écoles en manifestations, de discours engagés en témoignages de la guerre, Walter continue son long combat, fait de petites batailles, contre toutes les formes de démagogies, d’injustices et d’oppressions. De même que lorsqu’il avait 18 ans, et qu’il « jouait » comme il dit, à distribuer des tracts anti-fascistes dans les rues commerçantes d’Annecy alors occupée, Walter agit en écoutant son cœur.

« Je n’ai pas changé », comme il se plait à rappeler.
Partageant ces mêmes « raisons du cœur », Gilles Perret réalise ici un portrait vivant de cet homme calme et insurgé. Nous sommes invités à les suivre en passant du Plateau des Glières à Dachau, à faire des retours en arrière pour mieux comprendre l’Histoire, à partager leurs inquiétudes face à un monde où l’inégalité et l’injustice gagnent sans cesse du terrain, à poser les questions qui fâchent...
Sans prétention, et avec la même simplicité et constance que Walter, ce documentaire révèle l’actualité, l’importance, et la nécessité, d’une résistance au quotidien."
(26 mars 2009).


Photo de tournage aux Glières. De g. à dr. : Walter Bassan, Stéphane Hessel, Gilles Perret (Ph. La Vaka DR).

Article XI :

- "La caméra entre doucement dans sa vie, l’accompagne dans ses nombreuses activités, lors d’une intervention auprès d’écoliers, d’une visite pédagogique à Dachau avec des jeunes savoyards ou de l’inauguration d’un musée de la Résistance. Le suit sur le plateau des Glières à l’occasion de la visite de Sarkozy puis, une semaine plus tard, lors d’un pique-nique citoyen organisé au même endroit pour protester contre la tentative de récupération présidentielle. Y revient avec lui un an plus tard, rassemblement reconduit en présence de Stéphane Hessel pour rappeler « les principes du Conseil national de la résistance (CNR) qui à défini des règles de vie commune basées sur la solidarité, l’entraide et la réussite de tous ».
De ce portrait intime, celui d’un homme assez résolu pour n’avoir rien renié des convictions l’ayant poussé à prendre tous les risques plus de 60 ans auparavant, de ce film serein, se dégage paradoxalement une grande force.
La conviction - aussi - que les idéaux du Conseil national de la résistance ne sont pas morts, ne pourront trépasser malgré les coups de boutoir et les innombrables tentatives de récupération de la majorité.
L’invitation - enfin - à ne pas baisser les bras.
« Le moteur de la résistance, c’est l’indignation. Je vous conseille à tous d’avoir votre motif d’indignation », déclare Stéphane Hessel dans le film.
« L’esprit de la résistance est toujours vivant », lui fait écho Walter Bassan. Voilà.
(JBB, 23 septembre 2009).

Walter Bassan à Dachau (Ph. La Vaka DR).

Lionel Hardy, député UMP Haute-Savoie :

- "J'en ai vu des films scabreux, mais en terme de démagogie et de propagande de gauche (ou plutôt en faveur de Besancenot), on a rarement fait mieux."
(site personnel, 24 février 2009).


Peut-être la "démagogie" et la "propagande" incriminées reposent-elles en grande partie sur cette séquence sucrée joyeusement par les télévisions de service. A savoir, l'image et le son d'un Président se distinguant à sa manière sur le plateau des Glières. Le film de Gilles Perret ne l'a pas inventé. Et d'authentiques résistants tels Walter Bassan ont été obligés de le supporter.

Article XI :

- "Nicolas Sarkozy se laisse aller. Regarde à peine les deux républicains espagnols venus risquer leur peau plus de soixante ans plus tôt pour cette France qu’il est censé incarner, tout juste capable de leur dire : « Très heureux. C’est formidable ! Et en plus, moi je défends les Espagnols. » Rictus amusé, il enchaîne : « Mais les Italiens sont pas mal non plus… Maintenant que je suis marié à une Italienne, hein… ».

Sourire crispé, il observe un jeune militaire : « Il est beau, ce chasseur alpin ! Vous savez que j’ai été jeune, moi aussi ? »
Les anciens résistants ne disent mot, un gradé de l’armée français tente de ramener le chef d’État à un peu de dignité. « Nous nous sommes refusés à laisser des résistants qui étaient tombés dans une embuscade enterrés dans une fosse commune. Nous les avons ramenés ici dignement », explique t-il, très vite interrompu par un président qui ne feint même pas de se sentir concerné. Qui tend le doigt pour montrer une cascade sur les hauteurs. Qui rigole sur l’habit rose d’une membre de l’assistance. Et qui tourne les talons en assénant : « Ben oui, faut bien s’amuser un peu… ».


17 mai 2009 : rassemblement aux Glières des "Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui" (Ph. FSD 74 / DR).

Stéphane Hessel :

- "Résister, c’est refuser d’accepter le déshonneur, c’est de continuer à s’indigner lorsque quelque chose est proposé qui n’est pas conforme à ses valeurs, qui n’est pas acceptable, qui est scandaleux, et je le dis en particulier à ceux, et je sais qu’il y en a ici venus de Grenoble et d’ailleurs, qui commencent leur vie de jeunes et qui vont avoir un monde en face d’eux avec des défis qui ne peuvent être abordés utilement qu’en restant fermement attachés aux valeurs fondamentales sans lesquelles notre humanité risque de péricliter."

(Les Glières, 17 mai 2009).

Raymond Aubrac :

- "Ici, nous célébrons le combat de nos camarades. Bien différents les uns des autres, mais contre un même ennemi et préparant un avenir commun. Bien différents, des Maquis, des FTP, des militants de l’Europe, de toutes sortes, unis contre l’ennemi nazi, qui veut exploiter toute la planète au nom d’une supériorité raciale, et aussi contre les complices qu’il avait malheureusement chez nous. Mais combattant pour un seul but : la liberté, l’indépendance, la justice, la solidarité.
Le combat des Glières, c’est une promesse d’avenir qui s’exprime à cette époque-là dans le monument de la Résistance qu’on appelle le programme du Conseil National de la Résistance. C’est un programme en deux parties. La première partie, elle était pour eux, pour les Résistants. Et la deuxième partie, qui prévoyait l’avenir, elle était – elle est pour nous.
Notre République, n’a d’identité qu’à travers l’héritage, c’est-à-dire l’histoire parfois dramatique de ses aspirations et de ses combats. Nous cherchons aujourd’hui qui sont les combattants qui sont aujourd’hui ici parmi nous. Les combattants, ce sont les Résistants d’aujourd’hui, ceux qui pratiquent l’indignation, comme dit Stéphane [Hessel], ceux qui reconnaissent l’injustice, mais ne se contentent pas de la reconnaître : ceux qui se dressent pour la combattre sans l’accepter. Je crois bien qu’on peut dire qu’ils sont tous républicains, mais nous devons constater qu’ils sont variés, car nous avions voulu qu’ils le soient.
Mais si quelques-uns d’entre eux veulent accaparer la mémoire, nous devons les dénoncer comme adversaires, car ils veulent accaparer à leur profit notre avenir. (Applaudissements).
Ces hommes courageux dont nous sommes les héritiers vont du souci de soi au souci des autres, et c’est cet avenir qu’il nous faut définir. Il est construit sur les valeurs qui ont construit leur combat : des volontaires, des solidaires, des tolérants, des courageux, des patriotes, peut-être des européens, des hommes et des femmes qui veulent pratiquer la justice, y compris dans le maintien et le partage des ressources vulnérables de la planète. Et nous avons besoin non seulement d’un programme commun, mais aussi de projets communs.
Voilà une des grandes lacunes de notre temps, et de notre pays. Nous ne savons pas vers quoi nous allons, dans un monde de plus en plus complexe. Il nous faut ces projets, par respect pour ceux qui se sont battus pour élaborer cette promesse d’avenir. Il nous faut aussi cet optimisme que partageaient tous les Résistants, sans exception, et qui les persuadaient d’être, à travers tant de dangers, avançant vers leur but : plus de liberté, plus d’égalité, plus de fraternité.
Voilà ce que nous devons transmettre aux jeunes, comme Stéphane, Walter, comme Serge, et comme Lucie. Merci."

(Les Glières, 17 mai 2009).

Raymond Aubrac sur le plateau des Glières (D'après une photo FSD 74 / DR).

mercredi 7 octobre 2009

P. 183. Les SS meurent aussi : Jean Vermeire

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A g. : Jean Vermeire.
A dr. : au milieu de ses affidés et en uniforme noir, Léon Degrelle (1).
(Mont. JEA / DR).

Paul Hermant évoquant la mort du SS Vermeire :
"Il y a des gens qui en disparaissant arrivent encore à salir la mort des autres."

Agence Belga :

- "Des informations confidentielles reçues par ResistanceS.be, le web-journal de l'Observatoire belge de l'extrême-droite, font état du décès à l'âge de 91 ans de l'ancien capitaine SS belge Jean Vermeire.
Celui-ci a été incinéré en toute discrétion, vendredi en Belgique, après son décès en Espagne, survenu durant ses vacances annuelles, après un accident cérébral. Jean Vermeire a été l'un des derniers bras-droits de Léon Degrelle, rappelle Manuel Abramowicz de ResistanceS.be, dans un communiqué publié dimanche. L'homme dirigeait toujours les Bourguignons, une amicale d'anciens combattants SS wallons et bruxellois du front de l'Est, affirme M. Abramowicz qui précise que "sa disparition est celle d'un homme qui était resté nostalgique de l'Allemagne nazie et du rexisme".

(4 octobre 2009).

Le Figaro :

- "Son ami Léon Degrelle fonda en 1935 le "rexisme", un mouvement antiparlementaire catholique d'extrême droite, qui attira des francophones belges. Il prôna ensuite la collaboration avec l'Allemagne après la défaite de 1940 et alla combattre sur le front de l'Est (front russe) avec une division SS composée de volontaires belges francophones.Devenu une icône en Europe des mouvements néo-nazis, Léon Degrelle s'exila en Espagne en 1944 pour échapper à son exécution et y mourut en 1994."
(4 octobre 2009).

Manuel Abramowicz :

- "Né le 28 septembre 1918, Jean Vermeire, à l'âge de 18 ans, débute une carrière de journaliste et de dessinateur au journal «Le XXe Siècle», une pépinière de nationalistes catholiques belges aux sympathies fascistes. Dirigé par l'abbé l’abbé Norbert Wallez, on y retrouve Léon Degrelle, qui y travaille comme reporter, et un jeune dessinateur, Georges Rémi, qui deviendra célébre sous son nom d'artiste, Hergé.

Jean Vermeire adhère au mouvement rexiste de Léon Degrelle avant la Deuxième Guerre mondiale.
En août 1941, il s'engage dans la Légion Wallonie (LW), mise sur pied par le chef de Rex, pour partir combattre les Soviétiques sur le front de l'Est aux côtés de l'armée allemande.
Promu lieutenant, Vermeire fait très vite partie des proches de Léon Degrelle. En 1943, devenu capitaine SS, il est envoyé à Berlin pour y représenter auprès des autorités allemandes la Division SS «Wallonie», qui avait succédé à la LW. A la Libération, l'officier nazi belge est arrêté et condamné à mort. Mais retrouve la liberté en 1951."
(ResistanceS.be, 3 octobre 2009).


A g. : affiche pour la Légion Wallonie (2).
A dr. : la brigade SS Wallonie qui succéda à la Légion (3).
(Mont. JEA/DR).

Eddy De Bruyne :

- "DEGRELLE jugea opportun d'envoyer un émissaire en Belgique avec mission de préparer une nouvelle campagne de recrutement. Cette mission échut au Lieutenant Jean VERMEIRE, ex-journaliste du Pays Réel.
En fin de compte, autour du noyau recruté parmi les rexistes, quelques civils égarés, peu nombreux, de jeunes éléments de la Jeunesse de HAGEMANS, les malades convalescents et blessés rétablis de Gromowobaljalka portèrent les effectifs du contingent du 10 mars 1942 à 364 hommes : 333 hommes de troupe, 26 sous-officiers et 4 officiers dont un Allemand, l'officier de liaison responsable de l'instruction, le Rittmeister von RABENAU (4).

Quatre jours plus tôt, le Pays Réel titrait : 600 LEGIONNAIRES SE SONT INSCRITS JUSQU'A PRESENT POUR LE NOUVEAU CONTINGENT. Ils quitteront Bruxelles le 10 mars [...] Le Chef et le Commandement de la Légion nous demandaient 300 nouveaux légionnaires : jusqu'à présent 600 environ se sont inscrits et d'autres s'inscrivent encore avant le départ ( Pays Réel du 06.03.1942, p.1, col.1.2.3. ).
Le contingent du 10 mars 1942 fut le dernier à recrutement essentiellement rexiste."
(Les Crises internes de la Légion Wallonie, Thèse 388, CEGES, Bruxelles, 1990).


Objectif Tintin :

- "Jean Vermeire, alias Jiv, est, depuis le départ de Jamin en 1936, le principal collaborateur d'Hergé au "Petit Vingtième".
Sous l'Occupation, Vermeire rejoint l'équipe du "Pays Réel" de Degrelle pour y publier un feuilleton illustré destiné aux enfants. En 1943, à 24 ans, il devient l'ambassadeur du Rexisme à Berlin. Fidèle au "beau Léon", il s'engage dans la Légion Wallonie où il gagnera les galons de "Sturmbahnführer SS" (5). A la Libération, Hergé signera la pétition soutenant le recours en grâce de Jean Vermeire auprès du prince régent.
(site interactif des amis de Tintin, s. d.).


A g. : affiche de René Magritte pour le Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes.
A dr. : Degrelle avec tout la bataclan de son uniforme SS et à qui est donné "le bon dieu sans confession" (6).
(Mont. JEA / DR).

Le Soir :

- "Vermeire restera fidèle à Degrelle jusqu’au bout : « J’ai recueilli ses derniers souhaits et lui ai dit : “Léon, tu auras la plus belle tombe de toute la Terre, une montagne pour toi tout seul.” Et il a commencé à chialer. »
Vermeire a recueilli les cendres de Degrelle et les a dispersées à Berchtesgaden où se nichait le « nid d’aigle » de Hitler, « la plus belle tombe de toute la Terre »...
A propos de Degrelle, le film choc, un documentaire de Philippe Dutilleul (5 mars 2009).


Paul Hermant :

- "Alors expliquez-moi, (...) la terrible indifférence qui m'habite à l'annonce du décès de Jean Vermeire que signale le site Résistances.be. Jean Vermeire fut l'un des bras droits de Léon Degrelle, comme cette expression est curieuse, et fut capitaine SS belge, représentant à Berlin la division SS "Wallonie".
Il n'avait jamais renié ses convictions politiques, nous dit Résistances.be, et est resté fidèle jusqu'au bout à son chef. Il animait encore récemment l'amicale des anciens du front de l'Est.
C'était le dernier leader rexiste encore en vie. On apprend son décès en même temps que celui de Marek Edelman (7). Il y a des gens qui en disparaissant arrivent encore à salir la mort des autres."
(Radio-Télévision Belge d'expression Francophone, Matin première radio, extrait de la chronique du 6 octobre 2009).



NOTES :

(1) Outre les éléments biographiques figurant sur cette page, confirmons que Léon Degrellle (1906-1994) créa le parti fasciste francophone belge : Rex. Le 23 novembre 1944, Hitler le désigna comme Volksführer des Wallonen, le plaçant ainsi comme premier des Wallons (collabos). Degrelle termina la guerre avec le grade de SS-Obersturmbannführer (lieutenant-colonel). Sa fuite en espagne puis la protection notamment de Franco, lui assurèrent une fin de vie pleine de morgue, de nostalgie du nazisme et d'encouragements aux petits nouveaux fachos d'Europe.
Exemple de négationnisme à la Degrelle :
- "Tout au plus, quelques centaines de milliers de Juifs ont été tués..." (Voir Degrelle, le film choc).

(2) Légion Wallonie : créée le 14 août 1941.

(3) Brigade SS Wallonie : remplace la Légion à partir du 25 juillet 1943 et jusqu'à la capitulation nazie.

(4) Littéralement : "maître de cavalerie". Grade de capitaine.

(5) Plus exactement : obersturmführer, lieutenant SS.

(6) A noter le courage de l'abbé Michel Poncelet. En charge de l'église St-Charles à Bouillon, il y refusa les sacrements à un Degrelle revenu en uniforme SS dans sa ville natale.

(7) Marek Edelman (1919-2 octobre 2009). Dernier commandant de l'insurrection du ghetto juif de Varsovie.


lundi 5 octobre 2009

P. 182. Prisces et St-Algis, églises fortifiées de Thiérache (5)

.
Pour situer les deux églises de cette page : Saint-Algis et Prisces.
Carte d'après : Sur une frontière de la France. La Thiérache. Aisne, Textes, Photographies et Cartographie, sous la direction de Martine Plouvier, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2003, 287 p. (Montage JEA / DR).

A l'intention de celles et de ceux qui ne sont pas encore saturés d'églises fortifiées en Thiérache, une cinquième étape.

- Prisces :

La village s'étend à distance précautionneuse de la Brune, laquelle s’écoule entre l’Epine du Guet, les Grandes Ecluses et les Isles.
La D 61 marque l'axe de la localité qui s'élève gentiment à 112m d’altitude pour être surplombés par Le Bout du Monde. Et pour accentuer un rien le relief, se creusent la Fosse Cattoir et la Fosse Aillaume...


Prisces : le plus haut donjon-église de Thiérache (Ph. JEA).

C'était jour de fête un peu à la Tati quand fut prise cette photo. L'église se tenait à l'écart des animations, des émotions et des flonflons.
L'église de la Nativité de la Vierge a gardé son espace liturgique en pierre et remontant au XIIe siècle. Le donjon de brique, élévé en avant et en protection de la nef, date du début du XVIIIe siècle.

Décors en brique vernissée (Photo JEA).

Seules nuances apportées à l'aspect volontairement rébarbatif des églises fortifiées, ces décors géométriques (voire page 155 de ce blog). A Prisces, les bâtisseurs semblent s'en être donné à coeur joie. En multipliant les formes : croix, croix losangées, croix de St-André, quadrillages. Les surfaces ne pêchant pas par modestie, ces décors ne passent pas inaperçus...

Façade avant du donjon (Ph. JEA).

Et voici le plus haut donjon militaro-religieux de Thiérache : plus de 20 m, avec quatre niveaux accessibles par l’escalier de la tour sud-est. En contre-plongée, le visiteur se sent comme au pied d'une falaise à peine marquée par les outrages du temps.


Sculptures sur corniche (Ph. JEA).

Si les décors en briques vernissées sont légion, par contre, d'église fortifiée en église fortifiée, une absence se confirme, celle de décors portés. Prisces fait donc exception. Avec sur la corniche de la nef et du cœur, côté sud, des sculptures de visages à la finesse toute relative.
Un bloc. Yeux, nez, bouche. Un minimum. Pas totalement inexpressifs mais sans recherche. Soit un témoignage qui, s'il est brut, n'en reste pas moins signe d'une époque, d'une volonté d'un sculpteur inconnu illustrant un autre inconnu...

Façade sud (Ph. JEA).

Frasby :

- "Le modillon roman est un bloc de pierre sculpté finement ou grossièrement, placé sous les corniches, et l'illusion d'optique pourrait même nous faire croire qu'il les supporte. Il relève de l'art populaire, illustre autant la vie courante que l'imaginaire médiéval le plus fantastique. Il peut être décoratif, (on revient à nos fleurs séchées), à motifs géométriques; ou plus figuratifs, végétal, animal etc...) La finesse ou la grossiéreté des figures dépend surtout des matériaux dont disposaient les sculpteurs jugés artistiquement naïfs et gauches mais qui ne manquaient pas de créativité, les plus riches ornementations furent ciselées dans le calcaire, les roches granitiques, volcaniques donnant une sculpture plus sévère. En l'absence de sources historiques laissées par les sculpteurs romans, on a déduit qu'il n'y avait pas de projet symbolique global émanant de ces modillons (n'a pas encore été trouvé le grand modillon d'Alexandrie ou de Babylone), pas de programme iconographique entier, comme on en découvre sur les tympans ou sur les chapiteaux médiévaux. Pourtant il semble que certains modillons considérés séparément ne soient pas sans message... On a souvent tendance devant un modillon, "à voir trop ou trop peu". Nul besoin d'être historien pour déceler dans ces sculptures, tous les efforts qu'accomplissait une société pour tenter de se raconter, se parfaire, et surtout perpétuer ses légendes."
(Blog Certains jours, 12 août 2009, Page d'échos).

Eglise de Saint-Algis (Ph. JEA).

Saint-Algis :

À l’écart de la D 31 et à 159 m d'altitude, un village éclaté sur six axes. Saint-Algis domine une rive de l’Oise.
Un lieu qui collectionne pas mal de Culots dont celui de Marion et un autre de Gérard.
Un Buisson Toinon y
protège les Tortues, non loin de La Carottière et de La Voyette de Péronval.

Nef (Ph. JEA / DR).

L'église fut reconstruite à la seconde moitié du XVIe. Se succédèrent encore des réparations en 1634 puis entre 1685 et 1687.
Les fortifications ne se limitaient pas au donjon mais exceptionnellement sont réparties jusqu'à la nef qui comporte ses propres meurtrières.


Depuis ces périodes belliqueuses, de mercenaires et de mises-à-sac, s'est écoulée l'eau de l'Oise. Le village s'est assoupi. Ne cauchemarde plus ou peu. Venez ouvrir la porte de l'église (toutes ne sont donc pas fermées à double tour), respirer les rayons filtrant les poussières, vous offrir un siège en chêne se fendant d'histoires en perdition, faire semblant de vous perdre en suivant un dallage en trompe l'oeil.


samedi 3 octobre 2009

P. 181. "Témoins sourds, témoins silencieux", le film

. Synopsis :

- "Dès 1933, date de la promulgation de la loi d’hygiène raciale par les nazis, les sourds sont persécutés. Les témoignages de Kurt Eisenblatter (grand mime sourd allemand), de victimes sourdes de stérilisations et de déportation et la contribution de trois historiens (Horts Biesold, Claire Ambroselli, Yves Ternon), nous permettent de comprendre la responsabilité des médecins dans ce processus."

Infos-sourds :

- "Le documentaire réalisé par Brigitte Lemaine et Stéphane Gatti, et qui relate la politique d'extermination de sourds allemands par le régime nazi, est publié en D.V.D.
En 52 minutes, il présente des témoignages de sourds stérilisés, relate la déportation et l'extermination de milliers de sourds et d'autres personnes handicapées. Plusieurs historiens et chercheurs français ou allemands apportent un éclairage sur un aspect méconnu de la politique d'hygiène raciale du troisième Reich.
En complément de ce documentaire, Brigitte Lemaine explique la difficulté particulière que rencontrent les sourds pour relater leur propre histoire, et met en évidence l'aspect spécifique du traitement des personnes sourdes victimes du nazisme.
Témoins sourds, témoins silencieux, sous-titrage français, édition Les films du paradoxe."
(27 mars 2007).

Brigitte Lemaine :

- "Issue d’une famille de sourds, j’ai mis de nombreuses années pour réaliser avec Stéphane Gatti ce film documentaire qui traite de la stérilisation, déportation et extermination des sourds juifs ou pas sous le régime nazi. Evidemment il fait polémique parce qu’il n’est jamais agréable de s’apercevoir qu’on a oublié une partie importante des victimes de la Shoah (1). Les sourds et les handicapés ont été pourtant les premiers visés par la politique d’hygiène raciale de l’IIIème Reich dès 1933. Ils n’ont pas pu témoigner à cause de l’interdiction de la langue des signes et du très petit nombre de rescapés.
Ils ont pourtant ce devoir de mémoire pour tous ceux qui ont été stérilisés, pour ceux qui ont été tués au cours du T4, à l’arrivée dans les camps et au cours des expérimentations médicales car la surdité ne se voit pas forcément et très peu d’entre eux ont pu passer entre les mailles du filet.
Il s’agissait pour nous de réunir des informations jusque-là inconnues du grand public aussi bien par les livres, les expositions, les archives que par le témoignage en langue des signes des rescapés et d’en faire un vrai film. Un film qui pourrait être une façon d’aller vers les sourds et de réparer cette insupportable injustice."
(Novembre 2007).


Image extraite du documentaire (Films du Paradoxe / DR).

Brigitte Lemaine :

- "Même s’il est difficile comme sur toute la question de la Shoah d’avoir des relevés scientifiques, il y aurait eu environ 32580 stérilisations d’handicapés, malades mentaux et cas sociaux dès 1934 ( source Jochen Muhs, responsable du centre culturel des sourds de Berlin dans sa conférence à Gallaudet en 1996), selon Horst Biesold 32268 et 375 000 pour toute l’Allemagne à la fin de la guerre. Sur 50 000 à 100 000 sourds allemands, il y aurait eu 20 à 30 000 stérilisations, 1600 exterminations par le T4 et 6000 sourds juifs tués dans les camps de la mort venant de toute l’Europe.
Ce qui fait un total d’environ 40000 sourds touchés de mort psychique et sexuelle ou de mort tout court."
(Unapeda, 23 octobre 2007).


Christian Berger :

- "Le film s’ouvre sur l’évocation des 6 000 sourds juifs assassinés par les nazis, dont 210 français morts en déportation, et par une question qui porte en elle-même sa réponse : “comment témoigner dans une langue qui ne s’écrit pas ?”

“Si les déportés ont eu du mal à être crus, les sourds rescapés des camps, ne pouvant pas témoigner, ont été oubliés”, rappellent à la fin Brigitte Lemaine et Stéphane Gatti. Ce dernier est le fils d’Armand Gatti, grand dramaturge (toujours dérangeant bien après sa disparition) et réalisateur d’un film magistral sur les camps nazis L’Enclos. Lui-même a beaucoup travaillé sur les “expérimentations” médicales nazies. Brigitte Lemaine, elle, est issue d’une famille de sourds.
Leur travail commun est né de la programmation, en 1992 à Bagnolet, de la pièce d’Armand Gatti, « Le Chant d’amour de l’alphabet d’Auschwitz », et c’est en 2000 qu’ils ont achevé, après moult versions, ajouts, et avec des moyens bien succincts, le documentaire que nous pouvons voir aujourd’hui."
(Fiches du cinéma, 24 juillet 2009).


Dos de la pochette DVD.

Clara Schumann :

- "Stérilisation forcée, internement, déportation et euthanasie furent le destin des sourds sous le régime nazi en Autriche, que retracent deux linguistes autrichiennes dans un DVD coproduit avec l’université de Vienne. L’Autriche comptait 10 000 sourds avant l’Anschluss de 1938 et il y avait une dizaine d’écoles spécialisées dont la moitié a été supprimée par les nazis.

«Deux mois après avoir mis mon enfant au monde j’ai été condamnée à la stérilisation», raconte Maria, en langue des signes pour marquer sa colère toujours vive.
Vingt-quatre témoins et victimes autrichiens des persécutions du régime hitlérien infligées aux malentendants, ont été interrogés et filmés en Autriche et aux Etats-Unis, pour cette première enquête exhaustive.
La surprise a été de découvrir la résistance de la part des sourds : le directeur de l’école des sourds de Salzbourg a détruit tous les dossiers de ses élèves pour les protéger. Mais ce n’est qu’en 1956 que l’Autriche a accordé le statut «victime du nazisme» aux sourds, alors que ce statut existe depuis 1945."
(Libération, 29 septembre 2009).


NOTE :

(1) En histoire comme en d'autres domaines, la rigueur dans le vocabulaire n'est pas signe de rigidité stérile mais évite les marécages des approximations, des confusions et finalement ne donne pas du grain à pourrir aux négateurs.
Ainsi, un camp de travail forcé n'est pas un camp de concentration qui n'est pas lui-même un camp d'extermination. A l'arrivée dans un camp de travail forcé d'un convoi, on ne comptait pas aussitôt au moins 80% des déportés mis à mort sans même être immatriculés...
Ici, sauf lecture maladroite de ma part, le recours au mot "Shoah" pourrait poser problème.
La Shoah recouvre le seul judéocide. L'élaboration puis la mise en application, y compris industrielle, de l'extermination systématique, depuis les derniers nés jusqu'aux les vieillards les plus âgés, de millions d'individus sur un critère raciste. La Shoah, cette catastrophe, désigne donc et uniquement toutes les victimes juives massacrées comme telles.
Cette mise au point ne minimise évidemment pas la politique nazie vis-à-vis de toutes ses autres victimes : tsiganes, homosexuels, handicapés, témoins de jehova, "associaux", résistants, otages... Et aucune échelle de valeur ne serait être de mise entre les génocides, tous relèvent des abominations barbares. Mais la Shoah est spécifique.
Ne croyez pas que ces lignes soient écrites à l'encre indélébile. Les évidences elles-mêmes s'estompent. Hier, sur un blog, était évoquée une grand-mère immatriculée et tatouée en camp : Dachau est cité. Mais voilà, les matricules ainsi tatoués ne marquèrent "que" les déporté(e)s à Auschwitz. Et en janvier 1944, les femmes d'Auschwitz furent transférées dans des conditions effroyables vers Ravensbrück, pas vers Dachau. Quelle importance ? Le respect des vraies victimes.

jeudi 1 octobre 2009

P. 180. Premières photos de l'automne en Ardennes

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La rose heure à rosée (Ph. JEA / DR).

L'appareil photo a pris ses clics et ses clacs :
l'automne s'invite aussi en Ardennes...

L'été rouillé se lasse de ses bouffées de chaleur et se ternit l'or de ses aurores sous l'écorce fragile des nuages.

Le soleil ne prend plus la pose que par habitude, négligeant et perdant ses airs triomphants de goliath suffisant.

Rayon de la bibliothèque solaire (Ph. JEA / DR).

La nature change de reliures et referme le piano des concertos pour quatre mains aux gants de lumières.

Chemin de cheminée (Ph. JEA / DR).

Les Ardennes ont laissé leur carte de visite (vieux jeu) pour des rendez-vous improbables. Miche et Didier récitent du Léonard de Vinci. Même ici. Et Chapouillet, à l'arrière de sa classe, rêve encore des plages sans algues vertes (et) tueuses. Laurence passe d'un port à l'autre, libre même quand elle louvoie de mer.

Papillon avant sa libération (Ph. JEA / DR).

Ailes en arc-en-ciel, il se fait tout un cinéma devant l'écran furtif de ses jours. Puis il ouvre ostensiblement Libération. Garde de l'encre au bout des pattes pour imprimer des nouvelles qui vont faire le tour de taille de mon village.

Passage de témoin entre feuilles (Ph/ JEA / DR).

Curieusement, du moins assez, l'érable reste tourné vers l'orient. Il en reçut des brûlures. Maltraité aux rayons ? Alors, pas question de le cacher comme honteusement dans un sous-sol sans passants ni vents dérivants délirants.

Radiographie d'une main qui fut (ou)verte (Ph. JEA / DR).

En a-t-elle de la veine cette feuille qui se sait condamnée ? Mais elle ne croit de fer, croit de bois ni en dieu ni en diable. Elle sait qu'il faut savoir en finir. Alors, autant que ce soit en beauté. Comme Charlie Chaplin sortant d'un film.


Gouttelette en suspens (Ph. JEDA / DR).

Ce n'est pas la mer à boire. Juste une trace d'au-delà nuit.

NB :

Qu'Elisabeth.b soit remerciée pour son choix de l'illustration musicale.
L. Janacek : "Sous un sentier couvert".