DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

samedi 30 janvier 2010

P. 231. Il neige sur Signy-le-Petit

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Clocher de l'église St-Nicolas à Signy-le-Petit (Ph. JEA / R).

Cousine des églises fortifiées de l'Aisne
celle de Signy-le-Petit
en Ardennes...

Ce chef lieu de canton, en vue aérienne prend l'aspect d'un carrefour entre les :

- D 34, venant de Tarzy et menant ensuite à La Neuville-aux-Joûtes,
- D 20 s'en allant quitter les Ardennes en direction de St-Michel l’Abbaye dans l'Aisne,

- D 10 se glissant avec un brin de fantaisie vers la frontière belge qui se dressera après La Gruerie...

Cette proximité immédiate avec la Belgique ne fut pas sans handicaper Signy du fait de l'interdit militaire frappant la construction de routes permanentes à la frontière. Après d'âpres débats et efforts de la part de la municipalité, le réseau routier actuel ne put se structurer qu'entre 1850 et 1890.

Prenant votre compas, la pointe posée sur l'église, vous obtiendrez une circonférence qui partant de l'ouest, passera par :

- La Fosse Aubry, la Croix Colas, la Taille de la Forge, la Pierre à la Vierge, le Pré Hugon, la Taille de la Croix Bala, la Garenne Madame, le Pré Patin, la Valeroy, les Hautes Soquettes, la Buse, la Justice, le Bois de la Rouchette, les Evallées…

Tour-Porche (Ph. JEA / DR).

Les familiers de ce blog et plus encore les passionnés des églises fortifiées de l'Aisne se passeront volontiers de lourds commentaires sur ce qui distingue du premier coup d'oeil cette fortification religieuse de ses cousines de Thiérache. Ici pas de briques. Mais du schiste quartzeux.

Il faut reconnaître qu'à Signy, la population devait être sursaturée des guerres, des violences et des vandalismes à grande échelle. En effet, la localité avait été marquée par :
- une première destruction par le feu en 1340,
- une mise-à-sac générale en 1521,
- un incendie général bouté par les Espagnols en 1636, ces troupes très catholiques n'oubliant pas au passage de réduire à néant l'église...

Façade sud (Ph. JEA / DR).

Non seulement le schiste quartzeux assurait une solidité de nature à impressionner la soldatesque agressive, mais en fortifiant cette église du XVIIe, ses bâtisseurs ne chipotèrent pas sur les moyens et lui voulurent des murs épais de 3 mètres à la base de la tour-donjon !

Machicoulis, échaugettes, bretèches... Ce lieu du culte n'avait visiblement plus l'intention de servir de défouloir aux spadassins et autres mercenaires grands amateurs de crimes, de viols et de dévastations...

Arrière sud-est de l'église (Ph. JEA / DR).

Quelques chiffres pour les amateurs de concret :

- 36 mètres de long,
- un peu plus de 10 mètres de largeur,
- 12 mètres de hauteur sous les voûtes
- 30 mètres de hauteur pour la flèche du clocher.

Par contre si je me garde bien d'être fâché avec l'Office du Tourisme, sa présentation de l'église St-Nicolas me laisse perplexe quant aux dates.
Selon l'OT :
- "La construction demanda 6 années de travail, entre 1680 et 1686, comme le montrent les dates situées, pour l'une dans la façade de la Tour (1680), et l'autre à l'extérieur, au dessus d'un machicoulis (1686)".
L'actuelle météo avec nos routes peu praticables exclut l'ouverture du pavillon du Tourisme et donc empêche de l'interroger sur ses références.

Cependant, le cliché ci-après, pris sur la façade Est, atteste d'une autre date, antérieure à 1680 puisqu'il s'agit de : 1656.

Bretèche avec datation (cliquer sur la photo pour l'agrandir, Ph. JEA / DR).

A l'arrière de l'église, le monument aux morts sous forme d'une déesse de la victoire. Elle tourne le dos à la mairie qui servit de "Commandantur" lors de l'occupation de 14-18.
Dépouillant actuellement des archives municipales, j'y ai retrouvé des preuves des aides apportées par la populaion du canton à des soldats français cherchant à échapper à leur capture par les Allemands. Et même à regagner le front, mais par le Nord.
De lourdes sanctions financières ont cherché à punir collectivement les Ardennais d'ici, avec prise d'otages parmi les notables. Les hommes furent internés à la citadelle d'Hirson (Aisne) et les femmes à Signy, dans le bâtiment des Franciscaines Réparatrices de Jésus-Hostie.
Mais c'est une autre histoire... Tout comme celle de Claude Piéplu qui a laissé son nom à la médiathèque.

Signy-le-Petit à ses enfants morts pour la patrie (Ph. JEA / DR).

jeudi 28 janvier 2010

P. 230. Auschwitz, 3 témoignages.

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Carte envoyée le 13 juin 1943 par Cudik Zyntak depuis Jawischowitz, camp annexe d'Auschwitz et à destination d'Anvers. Ces cartes (censurées et sans texte significatif) furent imposées par les SS pour "rassurer" la Croix-Rouge Internationale (Arch. JEA / DR).

Primo Levi :
"Nous ne reviendrons pas. Personne ne sortira d'ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l'homme, à Auschwitz, a pu faire d'un autre homme."

Auschwitz n'a pas été "libéré". Mais l'anniversaire symbolise la confirmation au monde des crimes contre l'humanité programmés et appliqués par le nazisme. Et plus singulièrement la Shoah. A travers le camp où l'extermination transforma le plus d'étoiles en cendres.

Pour le 65e anniversaire de la fin d'Auschwitz, voici trois témoignages symboliques. Ils proviennent de mes recherches en archives où ils n'avaient pas encore été consultés ni enregistrés pour des travaux.

Ces trois témoignages marquent chacun une étape :
- les convois ;
- la mise au travail forcé des déportés n'ayant pas été assassinés dès leur arrivée, et ici, il a été retenu un camp annexe d'Auschwitz, la mine de Jawischowitz ;
- le sort de quelques déportés dans l'impossibilité d'être astreints aux marches de la mort et que les SS n'eurent pas le temps d'éliminer avant l'arrivée des Soviétiques.

Cudik Zyntak :

- "Pour le convoi XV...nous avons reçu un pain pour 6 à 8 personnes. Nous avons eu également deux tomates, du miel ou de la gelée. Le pire, c'était la soif. Nous n'avions absolument rien à boire.
Le tri avait lieu à l'arrivée du train à Auschwitz-Birkenau. Dans notre convoi, aucune femme n'a été désignée pour le travail. Toutes les femmes, les enfants, les vieux et les mal portants étaient emmenés par camions au crématorium.
- Avez-vous été battu ?
Immédiatement." (1)


Les convois XIV et XV furent jumelés au départ de Malines (Belgique).
Date de départ : 24 octobre 1942.
Nombre de déportés : 1472 dont 321 enfants. 41 survivants.
Né à Lodz (Pologne) en 1902, Cudik Zyntak avait émigré à Anvers. Déporté le 18 juillet 1942 dans les Ardennes de France pour le Judenlager des Mazures. Renvoyé le 24 octobre 1942 pour le convoi XV dont il portait le numéro 231.
Matricule 70 812 à Auschwitz. Détaché au kommando de Jawischowitz.

Extrai de la ollection de photos prises à Auschwitz pour le SS Hocker (au centre). Ici, sa "visite" de la mine de Jawischowitz (DR).

David Kleinmann :

- "Le jour même de notre arrivée {à Auschwitz}, 180 hommes ont été désignés pour aller travailler dans les mines de charbon. D'après ce que j'ai entendu, les autres étaient envoyés dans les chambres à gaz...
Nous sommes donc allés, à 180 hommes, à la mine de Jawischowitz où on nous a mis en tenue de prisonniers et où on a été tatoués. Le matricule 70 790 a été tatoué sur mon bras.
Nous avons ensuite été obligés de descendre dans la mine sous la menace d'hommes armés... Nous devions extraire du charbon, à trois, sur 12 m de long, 2 m de largeur et 1m50 de hauteur.
Nous devions travailler de 6h du matin jusqu'à ce que le travail désigné pour un jour soit exécuté. J'ai, plusieurs fois, continué à travailler jusqu'à 23h.
Au lever, nous recevions 300 gr de pain avec du thé. Après le travail, nous avions quatre pommes de terre, un demi-litre de soupe aux lentilles et 300 gr de pain.
Dans cette mine, nous étions 400 de toutes nationalités.
Le jour de repos (le dimanche) mais aussi en semaine, nous étions obligés de subir des exercices-punitions pour des futilités. Ainsi, courir très vite, faire des sauts en position accroupie, se coucher et se relever etc... Pendant ces exercices, ceux qui ne satisfaisaient pas les chefs, recevaient des coups de bâtons.
Un jour, alors que j'étais allé me réchauffer auprès d'un poêle, on m'a fait sortir et j'ai été battu par un SS qui m'a cassé le nez. Une autre fois, c'était le 2/2/43, j'ai voulu aller me faire soigner à l'infirmerie et j'ai été battu par le docteur de service car je ne savais par dire de combien de bandages j'avais besoin pour soigner toutes les plaies que j'avais sur le corps." (3)


David Kleinmann était né en 1910 en Tchécoslovaquie. Son immigration en Belgique remonte à 1930. Déporté au camp pour juifs des Mazures, il fait partie du même groupe que Cudik Zyntak et donc reçoit le numéro 167 du convoi XV.
Matricule 70 790 à Auschwitz. Il survivra ensuite aux camps d'Oranienburg puis de Dachau (kommando de Schwerin).
Dans la mine de Jawischowitz, descendent d'autres Belges dont le père de Maxime Steinberg et des Français au nombre desquels Henri Krasucki...

Entrée du block 21 à Auschwitz (Graph. JEA / DR).

Meyer Klein :

- "Perpétuellement, les punitions corporelles rendaient la vie insupportable. Le travail était extrêmement dur avec une nourriture insuffisante.
Malade, je n'ai pas fait partie des convois des évacués d'Auschwitz.
Le 18 janvier 1944, je suis resté au block 21 où j'avais subi des expériences médicales.
Le 24, les Allemands sont venus chercher les malades mais, par suite d'un bombardement intensif, ce transfert n'a pu être effectué.
Le 27, les Russes sont entrés dans le camp et ont libéré les malades qui se trouvaient dans les blocks 20 et 21. Ceux-ci ont reçu des soins des femmes-médecins russes." (3)


Meyer Klein était de nationalité tchèque bien que né en Hongrie en 1922. Emigré vers la Belgique à l'âge de 5 ans.
Mis au travail forcé aux Mazures. Tout comme Cudik Zyntak et David Kleimann, transféré des Ardennes françaises vers Malines. Mais il s'évade de la gare de Schaerbeek à Bruxelles le 24 octobre pour être repris à Anvers et mis le jour même dans le convoi XV (n° 11).
Alors que les Soviétiques lui sauvent la vie le 27 janvier 1945, il sera rapatrié en Belgique le 7 septembre.


NOTES :

(1) Procès Verbal de Police, 28 mars 1951, Tr 72 937/Rap 497, Service des Victimes de la Guerre - Bruxelles.

(2) Interrogatoire de Police Judiciaire 3593, 8 décembre 1945, Rap 492, SVG.

(3) PV, 22 septembre 1952, Tr 102 805, SVG.

Fiche d'entrée à Buchenwald, le 22 janvier 1945 de Cudik Zyntak (Arch. JEA / DR).
"B Jude" en provenance d'Auschwitz, mat. 70 812.
Mat. 117 271 à Buchenwald.
Rapatrié le 25 mai 1945.
Son épouse Szifra ainsi que leurs deux enfants, Maurits (10 ans) et Sofia (7ans) ont été gazés à l'arrivée du convoi VII à Auschwitz (septembre 1942).

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Les commentaires sont désactivés pour mettre ce blog à l'abri de la répétition de propos tombant sous le coup de lois réprimant le racisme, l'antisémitisme, la calomnie etc...

Le sujet de ce billet appelle à un minimum de dignité, encore et toujours 65 ans après !


mardi 26 janvier 2010

P. 229. Antwerp, 1940.

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Antwerp-Anvers, Gare du Sud (Détail d'une carte postale / DR).

Fiction :
0y vey iz mir…

Antwerp. 10 mai 1940.
Les parents connaissent les exodes où l’on s’en va les mains presque vides. Avec leurs cinq enfants (Elya est l’aînée), Johanna et Jacob rassemblent quelques baluchons et se hâtent comme dans un film en accéléré, en noir et blanc aussi, vers la Gare du Sud.
Le hall est parsemé de brancards. Pêle-mêle, malades et blessés des hôpitaux. Vieillards grabataires des hospices. Hallucinés et camisoles de force des asiles. Fumées acres et odeurs grises. Cris aigus et affolements prolongés.
Avant deux semaines, il n’y aura pas de train accessible et qui permette de prendre ses distances avec les avancées allemandes. Pendant ce temps interminable, la Belgique se consume au même rythme que sa neutralité, papier chiffonné et jeté au bûcher de la guerre.

Au soir, devant Elya, le père se confie pour la première fois et regrette :
"En Pologne, nous tentions de supporter l’antisémitisme comme une catastrophe naturelle. Ailleurs, on parle des sauterelles ou des inondations ou encore des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre. Là-bas, des Polonais semblent l’avoir sucé dans le lait de leur mère. Ils ne se sentent plus. C’est plus fort qu’eux. Et mon père disait de même. Et mes grands pères. Et les plus vieux encore. Toujours les pogroms. Voler, casser, violer, humilier, assassiner.
Sans doute pourrait-on retrouver un début mais, je te le dis, c’est sans fin…
Aussi quand s’arrondit le ventre de ta mère, nous avons décidé que tu ne connaîtrais pas les mêmes horreurs à répétition. Dès que tu as eu deux ans, ce pays de malheur n’a plus vu que nos dos s’éloignant.
Nous pensions aux Etats-Unis. Bien des choses contradictoires se racontaient alors. Qu’un juif aussi pouvait y trouver sa place en paix. On parlait d’un monde moderne où ne plus s’éclairer à la chandelle ou à l’huile. Avec des machines qui rendraient le travail moins abrutissant. Des voitures partout et pas des chariots traînés par des chevaux malingres. Des maisons solides et brillantes, plus celles de bois malade d’un shtetl (1) et qui brûlaient comme des allumettes au premier pogrom nous tombant dessus. Et parler yiddish (2) sans se faire cracher au visage.
Je ne te l’avais jamais expliqué jusqu’ici. Mais voilà pourquoi la mer nous attirait. Un dernier port sur la rive du vieux continent. Puis le bateau cap sur New-York. La statue dans la brume d’un matin tant espéré, la liberté, Elya, même pour les juifs !
Tu vois, nous étions en 1919. Encore bébé, tu as été si gentille tout au long de notre fuite à travers l’Europe. Comme si tu respirais un air de moins en moins lourd.
Pour te bercer, ta mère chantonnait :

shlof, shlof, shlof !
der tate vet forn in dorf,
vet er brengen an epele,
vet zayn gezunt dos kepele !
shlof, shlof, shlof !
der tate vet forn in dorf,
vet er brengen a nisele,
vet zayn gezunt dos fisele !
...
vet er brengen an entele,
vet zayn gezunt dos hentele !

...
vet er brengen a hezele,
vet zayn gezunt dos nezele !
...
vet er brengen a feygele,
vet zayn gezunt dos eygele !"
(3)

Port d'Antwerp (Graph. JEA / DR).

"Et voilà Antwerp. Un port en ébullition. Ça grouillait sur les quais. Des tas de langues parlées dans tous les sens. Et des juifs qui ne se cachaient pas. S’exprimaient à voix haute, en public, sans honte et sans craintes. J’ai voulu aller mettre mes papiers en ordre à l’Hôtel-de-Ville. Personne ne m’a envoyé promener. Au contraire. D’un guichet, on m’a invité dans un immense bureau sentant bon la vieille cire et les cuirs. Méfiant, je me suis assis tout au bord d’un fauteuil trop grand pour moi. Parce que, tu sais, à force d’en avoir reçu des coups de pieds au cul en Pologne, je voulais pouvoir me lever et fuir le plus vite possible. Je me souviens du soleil qui tentait de passer à travers des vitraux. Et de la barbiche de celui qui me recevait. Il avait des yeux étrangement gris. Un costume trois-pièces très cher mais mal coupé. Le plus stupéfiant : il n’avait pas besoin d’un traducteur. Je parlais allemand et lui aussi.
« Ah Monsieur Farkas (tu t’imagines, il m’appelait « Monsieur »), je connais un peu l’Allemand, savez-vous. Ils nous ont occupés de 14 à 18, ces boches. Quelle affreuse époque. Heureusement, cette guerre-là est la der des ders, il faut bien tourner la page. Mais je dois vous expliquer qu’en rentrant chez eux, ils ont laissé Antwerp dans un état exsangue. Combien de nos bons concitoyens se sauvèrent-ils en Hollande voire même en Angleterre ? Et pendant quatre années, ils eurent le temps de se rendre sympathiques et indispensables, de travailler comme les Flamands savent travailler, dur, dur et encore dur, et puis aussi le temps de se marier, d’avoir des enfants, d’allonger les bonnes raisons pour ne pas revenir au pays après l’armistice. De faire semblant d’oublier Antwerp, comme si c’était possible !
Bref Monsieur Farkas, je vous le dis tout net. Pourquoi partir de l’autre côté de l’océan ? Alors qu’ici, vous êtes le bienvenu, avec Madame, et avec vos enfants. Nous allons vous proposer un logement confortable. L’école est gratuite. Vous êtes horloger ? Voilà qui tombe à pic. Les professionnels comme vous manquent ici. En attendant que vous installiez votre commerce, la Ville va vous employer à temps partiel. Ce ne sont pas les mécanismes défectueux qui font défaut… Déjà que les boches avaient imposé leur heure de doryphores et que tout est détraqué depuis qu’ils ont repassé la frontière.
Réfléchissez bien, Monsieur Farkas, ne lâchez pas la proie, si j’ose dire, pour l’ombre. En tant qu’échevin de la Population, je m’engage à ce que tous vous receviez des cartes d’identité comme les vieux Anversois. Des cartes vertes. Aucune différence avec les Belges. Pas de racisme ici. Pour ce que j’entends dire, Antwerp est le jour après la nuit polonaise. Bon, trêve de discours. Pendant que vous réfléchissez, je vous propose du café ou un thé, pour de la bière, c’est un peu tôt, mais si vous préférez… Et laissez-moi vous servir, c’est la moindre des choses…»

Voilà pourquoi et comment j’ai cru que nous n’avions pas besoin de partir en mer jusqu’au Nouveau Monde. Parce que nous fûmes vraiment reçus à bras ouverts et qu’ici, le monde se montrait déjà totalement nouveau. De plus, en 1919, jamais, même dans nos cauchemars les plus noirs, nous n’envisagions que la terre serait assez malade pour se jeter une seconde fois dans les fosses communes d’une guerre mondiale. Ni qu’un fou furieux comme Hitler mettrait l’Allemagne à sa botte. Et désignerait les juifs comme responsables de tous les maux imaginables…
J’ai été naïf, Elya. Aveugle. Sourd. A quel prix ?!?
Oy vey iz mir..." (4)

Extrait d'une fiction.

JEA.

Tailleurs juifs à Antwerp (Doc. Sylvain Brachfeld / DR).

NOTES :

(1) Petit village juif en Pologne.

(2) Subtil et vivant mélange à base de vieil Allemand avec des doses variables d’Hébreu, de Polonais, de Russe, de Français ancien lui aussi, mais encore de Grec, de Latin, de Perse, d’Italien, de Roumain etc…

(3) "Dors, dors, dors, ton père va aller au village.
Il te rapportera une pomme et ta tête sera guérie.
… Il te rapportera une noix et ton pied sera guéri.
… Il te rapportera un canard et ta main sera guérie.
… Il te rapportera un lapin et ton nez sera guéri.
… Il te rapportera un oiseau et tes yeux seront guéris."

(4) "Oh quelle douleur est la mienne".

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NB : En proposant ce bref extrait d'un roman en écriture, je n'imaginais sincèrement pas voir ce blog devenir un champs de mines. Non pas sous formes de critiques du style, ou de relevé d'erreurs historiques sur le fond, ou encore de faiblesses par exemple du vocabulaire. Ces critiques-là sont élémentaires et même souhaitables si l'on sort quelques pages d'un tapuscrit pour les proposer à tous les lecteurs venus (masc. gram.).
Mais des commentaires partent vers des affrontements si loin de mon texte...
L'antisémitisme ici. L'anachronisme là-bas. Des violences auxquelles, personnellement, je refuse mon hospitalité.
En conséquence, je prends mes responsabilités. Les commentaires resteront fermés pour cette page. Qui ne me laissera que de tristes souvenirs.

dimanche 24 janvier 2010

P. 228. Autres minimaximes

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Jeantes (Ph. JEA / DR).

Miettes de mots
mots en miettes...


demandez le programme,
vous verrez le pluriel
de solitude :
les plaines vides

depuis la nuit
où la boussole a perdu
le nord,
elle se sent moins superflue

Boussolitaire (Ph. JEA /DR).

l’arbre a gardé une feuille
pour rédiger ses dernières
volontés
mais cherche encore ses mots

le soleil a joué sa mélancolie
aux dés
tout perdu et rendu
les nuages encore plus périmés

le vent s’est cassé
un ongle repeint
sur la rumeur
de l’avant-dernier horizon

Le général hiver et les oiseaux dégâts collatéraux (Ph. JEA / DR).

les grands froids
expulsent par charters entiers

les oiseaux des bois
et je n’aime pas ça

nouvelle réconfortante :
les routes inutiles
ne conduisent nulle part ailleurs
qu’ici


22 janvier 2010 (Ph. JEA / DR).

quand ils font du porte-à-porte
les hiboux revivent des cauchemars
de clous et
les clochards dorment debout

si vous suivez les traces
du brouillard,
vous n’avez pas fini
de gagner votre temps


Cauchemar éveillé, la Rotonde d'Hirson (Ph. JEA / DR).


vendredi 22 janvier 2010

P. 227. Le "Drôle de jeu" de Roger Vailland

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La dernière réédition de "Drôle de jeu", Phébus libretto, et un portrait de Roger Vailland (Mont. JEA / DR).

De Daniel Cordier à Caracalla
de l'histoire au roman...

Avertissement : ce billet a prioritairement été rédigé pour les Textes & prétextes de Tania, blog au sommaire duquel il figure toujours.

La première page porte la date du 17 juin 1940. Ce Journal se referme le 23 juin 1943.
Son auteur, Daniel Cordier, « Alias Caracalla », y décrit scrupuleusement son itinéraire depuis Bayonne. Quand le dos tourné à une France se pétainisant, il va s’engager à 19 ans dans les Forces françaises libres à Londres. Y rongeant à sang toutes ses impatiences. Jusqu’au 25 juillet 1942. Volontaire, il est parachuté près de Montluçon. Envoyé pour devenir le radio (Bip W) de Georges Bidault (1), il se retrouve secrétaire de… Jean Moulin. Daniel Cordier en sera inséparablement fidèle jusqu’à l’arrestation de Rex, le 21 juin 1943.
Parti en Angleterre antisémite impur et dur, son cheminement le conduit à voir de ses propres yeux les préparatifs et les applications journalières du judéocide en France. Il ne s’en guérira pas.

Parti d’Angleterre avec la conviction que la résistance en France était idéaliste et « efficace », il est obligé de comprendre que « la réalité est tout autre : les mouvements sont incapables de mobiliser des hommes déterminés, même peu nombreux, en vue d’opérations de choc » (2) telle la libération de Jean Moulin…
D’ailleurs, quels responsables de mouvements ont-ils voulu seulement lever le petit doigt pour arracher aux bourreaux nazis ce président du Comité National de la Résistance ?

Et Daniel Cordier de conclure sans exagération : « La vérité est parfois atroce ».

Des résistants meurent. Réponse de Pétain : ou ce sont des étrangers ou ils sont à la solde des étrangers...Affiche de 1943, toujours d'actualité à Gonneville-sur-Mer ? (DR.)

Ce Journal de Daniel Cordier pages s’ouvre sur cette explication du titre :

-« En 1943, je fis la connaissance de Roger Vailland, dont je devins l’ami. Après la libération, il m’offrit Drôle de jeu, récit à peine romancé de notre relation. « J’ai choisi pour votre personnage le pseudonyme de « Caracalla ». J’espère qu’il vous plaira. »
Aujourd’hui, pour retracer une aventure qui fut, par ses coïncidences, ses coups de théâtre et ses tragédies, essentiellement romanesque, ce pseudonyme imaginaire a ma préférence sur tous ceux qui me furent attribués dans la Résistance. » (3)


Drôle de jeu ? Buchet-Chastel l’a publié en 1945. « Le livre de poche » l’inscrivit ensuite à son catalogue en 1973. En avant donc pour le tour des bouquinistes… Avec des prix parfois indécents. Mais au Journal de Daniel Cordier mis en librairies en mai 2009, succède en novembre une réédition du roman de Vailland par Phébus libretto. Avec sans doute un lien de cause à effet. Ce libretto 303 sera notre référence.

Dès la découverte du 4e de couverture, les lecteurs (masc. gram.) coincent sur ces précisions soulignées par Roger Vailland en 1945 :

Drôle de jeu est un roman – au sens où l’on dit romanesque -, une fiction, une création de l’imagination.
Ce n’est pas un roman historique. Si j’avais voulu faire un tableau de la Résistance, il serait inexact et incomplet puisque je ne mets en scène ni les maquisards ni les saboteurs des usines (entre autres exemples), qui furent parmi les plus purs et les plus désintéressés héros de la Résistance. Mais Drôle de jeu n’est pas un roman sur la Résistance. Il ne peut fournir matière à aucune espèce de polémique – autre que purement littéraire -, et tout argument d’ordre historique ou politique qu’on y puiserait serait, par définition, sans valeur.

Si enfin le nom ou le pseudonyme d’un de mes « héros » se trouvait appartenir à un personnage existant réellement, ce serait pure coïncidence, indépendante de ma volonté et sans aucune signification. »

Voilà qui, avec du recul, semble distillé par des cornues bien précautionneuses. Si pas hypocrites. Vailland se réfugie dans les brumes de la fiction pour mieux enfumer ses lecteurs. Ou se protéger des antagonismes entre gaullistes et communistes, entre résistants de la première heure et de la dernière seconde, entre partisans d’une littérature réaliste et ceux qui s’embarquent pour des navigations plus surréalistes ???

Propagande de Vichy. Les ennemis de la France : pêle-mêle, le Pastis, le communisme, le parlement, l'antimilistarisme, la franc-maçonnerie, la démocratie, le capitalisme, la juiverie etc... Mais pas un mot sur la résistance (Mont. JEA / DR).

Mais dès la première page, l’auteur se dément lui-même. En présentant immédiatement « le patron » :

-« Caracalla, qui bien qu’admirateur de l’Armée rouge (4), est loin d’être un révolutionnaire ; on raconte même qu’avant la guerre, il était inscrit à l’Action française. » (P. 13).
Et d’insister, deux pages plus loin :
-« Au fait, tu ne sais pas, Caracalla c’est un des chefs de la délégation gaulliste…
- Une huile !
- Dissident de juin 40, école spéciale en Angleterre, envoyé en France avec trente de sa promotion ; les vingt-neuf autres ont été pris ou tués… Il n’a que vingt-trois ans.
- Tu travailles avec lui ?
- Pas directement, mais c’est un ami personnel… » (P. 15).

Impossible de ne pas reconnaître Daniel Cordier.

Ainsi, les voies de deux lectures (au moins) sont-elles ouvertes dans ce Drôle de jeu. L’histoire. Le roman. En complément, voire se confondant, et non au détriment l’une de l’autre.

Pour l’histoire, se distingue par exemple, la figure immédiatement identifiable de Lucie Aubrac. Elle va vraiment arracher Raymond, son mari, des griffes de la Gestapo (5) :

-« Un jour, elle apprit qu’il allait être transféré dans une autre prison. Elle parvint à avoir la date et l’heure du transfert. Elle courut chez les camarades, ils restèrent sceptiques – on se méfie des illusions d’une femme aimante. Elle parvint à les convaincre. Ils n’avaient pas d’armes, tout venait d’être raflé, elle les secoua tellement qu’ils s’en procurèrent et réunirent quelques copains. Elle eut une mitraillette pour elle, car elle les avait persuadés de la laisser participer à l’affaire. Une heure avant l’action, elle parvint à s’isoler quelques instants avec le plus jeune, celui qui lui avait paru le moins sévère :
« -Montre-moi comment on se sert de cet outil-là, demanda-t-elle. » (P. 34).

Quant à la fiction, Pierre-Robert Leclercq la décrit en ces termes :

Drôle de jeu, le plus étonnant des romans que la période de l'Occupation ait inspirés. Son personnage central, François Lamballe, dont le nom de résistant est Marat, mène en effet une vie double, celle d'un combattant et celle d'un libertin. Une coexistence qui n'a rien de schizophrénique.
Guerre et hédonisme. Les compagnons de Marat s'interrogent. Au cours d'une conversation avec son camarade Rodrigue, Marat donne sa réponse : "La guerre exige la même loyauté que l'amour, c'est pourquoi l'homme noble n'admet que deux occupations, la guerre et l'amour." Lui entend vivre les deux. Homme de plénitude, il est entré en résistance comme on entre en religion, sans renoncer à la sienne, qui est la religion du plaisir (…).
En filigrane, et donnant une dimension supplémentaire à son propos, le roman nous dit aussi qu'il ne sert à rien de combattre une oppression si c'est pour aller vers la servitude. Quelque peu oublié, Drôle de jeu est en tout cas une grande oeuvre à retrouver ou découvrir. Un livre nécessaire. »
(Le Monde, 12 novembre 2009).

Juillet 1944 : des miliciens français encadrant des résistants et/ou des réfractaires (Bundesarchiv 146-1989-107-24 / DR).

Extrait : Monologue de Marat, personnage central, résistant (et libertin)

- « … C’est vrai, je mange seul, je parle seul. Un conspirateur est bien obligé de vivre seul : le métier l’exige. Je monologue à longueur de journées dans les rues et les jardins, les cafés et les restaurants, les trains et les gares, les salles d’attente et les chambres d’hôtel, ah ! j’aurai mené mon monologue intérieur dans tous les hôtels de France, zone sud et zone nord, commis voyageur en terrorisme. La Résistance, le terrorisme comme disent les journaux, est essentiellement une longue promenade solitaire avec toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets, d’amours secrètes et de rages étouffées, qu’on remâche sempiternellement, entre les rendez-vous d’une minute, entre deux signaux, entre deux messages attendus huit jours et qu’il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l’interminable itinéraire qui mène – malheur à soi s’il n’y mène pas -, qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes… »
(p. 48).

NOTES :

(1) Georges Bidault (1899-1983), succèdera à Jean Moulin comme président du Comité national de la Résistance.
(2) Daniel Cordier, Alias Caracalla, Coll. Témoins Gallimard, 2009, 931 p., pp. 899-890.
(3) id., p. 9.
(4) Un oubli se creuse. Jusqu’aux débarquements de Sicile puis d’Italie, l’URSS fut seule en Europe à tenir tête aux nazis.
(5) Le 21 octobre 1943, avenue Berthelot à Lyon, le groupe de Lucie Aubrac (1912-2007) libère d’un fourgon cellulaire Raymond (né en 1914).


mercredi 20 janvier 2010

P. 226. "La Terre de la folie", le film

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Luc Moullet :
10 longs métrages
et
28 courts...

Synopsis

- "Vous connaissez Godard, Chabrol, Rohmer... Pas Moullet ?

"L'arrière-petit-neveu du bisaïeul de ma trisaïeule avait tué un jour à coups de pioche le maire du village, sa femme et le garde-champêtre, coupable d'avoir déplacé sa chèvre de dix mètres. Ça me fournissait un bon point de départ... Il y a eu d'autres manifestations du même ordre dans la famille". Originaire des Alpes du Sud, Luc Moullet, avec son sérieux imperturbable et son humour décalé, a constaté que les cas de troubles mentaux étaient particulièrement nombreux dans cette région. Meurtres, corps découpés en morceaux, suicides, immolations, à travers sa famille, ses proches et les différentes « affaires » des cent dernières années. Il étudie les causes et les conséquences de ces phénomènes psychiques locaux..."

Jean-Luc Porquet

- "Il y le sérieux imperturbable d’un professeur Nimbus, se met face à la caméra, nous montre une carte des Alpes du Sud, déclare qu’il a fait une découverte de première importance : en reliant les villes de Castellane, Montclar, Rosans, Sault, Quinson, on obtient un pentagone à l’intérieur duquel se sont accumulés les coups de folie, les assassinats déments, les suicides inexpliqués, les meurtres sauvages et sans mobile. Et le cinéaste Luc Moullet de se déplacer caméra à la main, d’interroger des témoins, de retourner sur les lieux des crimes…"
(Le Canard enchaîné, 13 janvier 2009).


Sandra Benedetti

- "Luc Moullet est un étrange personnage. Quelque part dans son arbre généalogique, il y a un tueur en série qui a charcuté de l'humain à la pioche au prétexte qu'on lui avait déplacé sa chèvre. Partant de cette découverte, Moullet, originaire du Sud de la France, dresse la cartographie des folies meurtrières dans les Hautes-Alpes, témoignages à l'appui. C'est d'autant plus surréaliste que tout est vrai et que Moullet détaille les anecdotes les plus scabreuses avec cette candeur affectée qu'on appelle l'ironie. Un Ovni."
(Studio Cine Live, 12 janvier 2010).



Luc Moullet in situ (DR).

Julien Demets

- "Dans le sillage de ‘Faites entrer l’accusé’ (France 2), il n’est plus une chaîne de télé qui ne consacre un de ses programmes au récit de crimes célèbres. ‘La Terre de la folie’ est un peu le versant opposé de ces thrillers qui, alors qu’ils relatent justement des faits réels, croulent sous les artifices.

C’est sur un ton neutre inadapté, à la manière de Droopy ("Et hop, un coup de pioche…"), que Luc Moullet énumère les crimes fous, ceux qu’aucun motif rationnel n’a justifié, perpétrés dans le sud des Alpes depuis presque un siècle. But de l’entreprise, identifier les causes qui font de cette région le théâtre régulier de ce genre d’affaires.
En réalité, l’enquête ne s’aventure pas au-delà de quelques considérations sociologiques connues ou invérifiables. Luc Moullet le concède lui-même dans la dernière scène, qui voit sa femme devancer tous les reproches que le spectateur aurait pu formuler si le film tenait à cette seule trame. Qui n’est bien sûr qu’un prétexte. Le sel de ‘La Terre de la folie’ réside plutôt dans ce mariage pervers entre le sordide des meurtres rapportés (les immolations sont “tendance”…) et leur narration nue, parfois maladroite, leur reconstitution sommaire (un coup de pioche dans l’herbe devant suggérer un triple meurtre) et certains témoignages d’une longueur telle que leur inclusion au film procède d’une inconscience presque héroïque.
Pendant plus d’une heure, le public étouffe ses rires, de peur que le réalisateur ne les ait pas voulus. Mais c’est surtout sa propre étrangeté que Luc Moullet interroge, jouant jusqu’au bout sur l’idée qu’il puisse être de ceux qu’il étudie. Ce n’est qu’à la dernière seconde du générique qu’une intention est révélée, par la grâce du seul gag "avéré" du film, brillant d’intelligence.
Entre documentaire glauque et autoportrait cocasse, ‘La Terre de la folie’ est le plus audacieux manifeste du premier degré et demi de son auteur."
(Evene, 16 décembre 2009).


Julien Welter

- "Il ne faut pas se fier à ses airs de vieux radoteur : Luc Moullet est un grand farceur. Sous couvert d'explorer les troubles mentaux à l'oeuvre dans sa famille, le cinéaste à l'éclectisme débridé se lance dans une analyse des meurtres irraisonnés survenus dans les Alpes du Sud, sa région natale.

Récits décalés des témoins, commentaires sérieux de spécialistes, interventions malicieuses du réalisateur : La Terre de la folie se pose en documentaire étrange autour d'un sujet qui ne tient pas debout.
Cet humour pince-sans-rire est savoureux, la mise en scène exemplaire, mais l'idée d'un film dérangé parce que issu d'un cerveau dérangé tourne vite à la bonne blague d'intello. Certes, ce sont les plus étonnantes d'un point de vue artistique, mais pas les plus drôles."
(L’Express, 12 janvier 2010).


Samuel Douhaire

- "Tous les fans de Luc Moullet vous le diront : un type capable d'expérimenter dans un court métrage (Essai d'ouverture, 1988) vingt-cinq manières d'ouvrir une bouteille de Coca a forcément un grain. Une ­folie douce qui trouve son aboutissement dans ce nouveau documentaire. Le cinéaste le plus burlesque de la Nouvelle Vague explore les cas de démence meurtrière dans sa région d'origine, et ce n'est pas triste (…).
Au passage, La Terre de la folie reprend les tics télévisuels des émissions de faits divers pour mieux les moquer. Les personnes interrogées semblent encore moins « normales » que les actes épouvantables qu'elles décrivent. Et quand Moullet décide de flouter ses « témoins », il ne pixellise pas leur visage, mais leur nom...

On pense souvent à une parodie rurale de Faites entrer l'accusé, dans laquelle Christophe Hondelatte et son manteau de cuir auraient été remplacés par un professeur de pataphysique en short de randonneur. On vous avait prévenu : Luc Moullet est complètement fou."
(Télérama, 16 janvier 2010).


Toujours Luc Moullet, encore in situ (DR).

J. B. Morain

- "Luc Moullet, à l’instar d’autres cinéastes contemporains comme Tariq Teguia et Gus Van Sant, ou de plus anciens comme Robert Flaherty et Howard Hawks, est un cinéaste géographe, topographe : un géopoète. En témoignent ses légendaires courts métrages sur les terrils du nord de la France (Cabale des oursins, 1991) ou sur la bonne ville de Foix (Foix, 1994) ; certaines longues fictions comme Les Naufragés de la D17 (avec son titre très “IGN”).
La manière pointilleuse qu’a Moullet de décrire plan après plan, carte sur table, règle à la main et œil au viseur chaque élément géographique (qu’il soit humain, politique ou physique), fait partie des sommets du film documentaire, et plus précisément pédagogique, à la française (…).

Une heure et demie durant, il arpente le terrain de long en large, du nord (Sisteron) au sud (Manosque), et d’ouest (Apt) en est (Digne), rencontre l’autochtone, fait témoigner le voisin ou la sœur, et révèle au spectateur sur le cul les causes et les conséquences inquiétantes de la folie meurtrière dans cette région célèbre pour l’affaire Dominici (crime fameux sur lequel Welles inacheva un documentaire).
Il en profite aussi pour décrire la situation hospitalière psychiatrique dans une région reculée. Mais le petit révèle toujours le grand. Et nous savons bien, nous, que derrière le rire microgéographique de Moullet se tient un moraliste macrogéographique : cette terre (avec une minuscule) terrifiante, où la violence et la folie font loi, où l’irrationnel et le mal règnent, c’est bien entendu notre Terre (avec une majuscule)."
(les inrocks, 11 janvier 2010).

Bande annonce.

lundi 18 janvier 2010

P. 225. Vergers ardennais

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Ph. JEA (DR).

Toponymie 22 :
fruitiers d'ici...


La Côte du Cerisier,
la Croix des Trois Cerisiers,
la Fontaine du Cerisier,
la Haie aux Cerisiers,
le Cerisier des Fosses,

le Cerisier Proisy, le Cerisier Ste-Catherine, le Cerisier Tondu,
le Grand Cerisier,
les Deux Cerisiers,


Derrière les Noyers,
Fond du Petit Noyer,
le Jardin Noyer,

le Noyer Canard, le Noyer Jacquot,
l’Orle des Noyers,


Ph. JEA (DR).

la Route des Poiriers,
le Comble du Bon Poirier, le Fond du Bon Poirier,
le Haut Poirier, le Long Poirier,
le Poirier Aubertin,

le Poirier Bachart, le Poirier Bayard, le Poirier Béguin,
le Poirier Chaudron, le Poirier Comtesse,
le poirier Fanart,
le Poirier Grand’Mère,
le Poirier Madeleine, le Poirier Magot, le Poirier Médard, le Poirier Michel,
le Poirier Payen, le Poirier Pichette,
le Poirier Robin, le Poirier Ronsin,
le Poirier Trainard,
le Poirier au Chat,
le Poirier de Bouc,

le Poirier de Fer,
le Poirier de Froment,
le Poirier de St-Pierremont,
le Poirier de la Cour, le Poirier de la Demoiselle, le Poirier de la Hamette,
le Poirier des Fillettes,
le Poirier du Bon Dieu, le Poirier du Guet
Poirier le Gascon, le Poirier le Prêtre, le Poirier le Vert,

le Poirillon,
les Petits Poiriers, les Ronds Poiriers, les Trois Poiriers, les Quatre Poiriers,
Bois du Poirier,
Fond de Rouge Poirier,

Pré Poirier,
la Rouge Poire,

Ph. JEA (DR).

la Hoque de Pommier,
la Voie du Pommier,
le Pommier de Marly,
le Fin Pommier, le Plat Pommier, le Rond Pommier,
le Fond des Trois Pommiers,
le Pommier Simon.

Ph. JEA (DR).




jeudi 14 janvier 2010

P. 224. Frasby : le Royaume des Morts

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Pages nomades (Ph. JEA / DR).

Après Dominique Hasselmann,
Tania,
Clopine,
et Zoé Lucider...
ne soyez pas médusés :
Frasby rejoint le radeau
des pages nomades

Certains jours, les horloges cessent d'égrener leurs chapelets de minutes sans papillons. Les arbres oublient leurs racines encombrantes et leurs ailes déplumées par l'autre automne. Les rivières abandonnent leur obsession de se tenir toujours au courant. Le cirque des nuages offre son spectacle à guichets ouverts.
Ce sont les jours où Frasby publie un billet. Aller sans détour. Sans rebours. Vers un monde que les cartes géographiques tenteraient vainement de circonscrire entre Lyon et le pays de Nabirosina. Où les vents connaissent encore le patois. Où les mains des chemins sont creusées de lignes de survie. Où les horizons ne font pas tout un plat des saisons qui les pigmentent. Où les reflets sourient de tomber dans le lac.
La page de chaque billet rassemble mille feuilles à elle seule. Un seul mot en recouvre un recueil. Elle joue à cache-cache avec une multitude de mondes en fusion. Frasby écrit sur les genoux des cailloux, sur les pétales des étoiles. Son secrétaire qu'on lui souhaiterait en merisier rare, possède des multitudes de tiroirs secrets. Dans ses jardins, les statues, sans rien devoir à Dali, s'ouvrent elles aussi sur des dédales intérieurs.
La générosité, les enthousiasmes de Frasby ne connaissent aucune unité, aucune mesure. A ma connaissance certes très limitée, elle est la seule magicienne qui ait métamorphosé un nagra en plume... Je ne lui souhaite qu'un malheur : être publiée (sans pub et sans être liée)...

Landouzy (Ph. JEA / DR).

La page nomade
de Frasby :

le Royaume des Morts...


- Le jour de la Toussaint, ils ne peuvent pas venir, parce qu'ils fleurissent les tombes du côté de sa famille à elle, donc ils viennent le dimanche, et pour l'occasion, la mère fait toujours un gigot avec des flageolets et eux, ils apportent le dessert. En général la tante elle prépare un gâteau, toujours le même à base de yaourts et de poires. L'après midi, on part tous dans la 504, "c'est pas la peine de prendre deux voitures" dit le tonton. Le coffre est grand, on case les chrysanthèmes, et la tatan elle monte devant. Elle prend le plus gros de ce qu'il y a à prendre, sur ses genoux. Les pastilles de Vichy sont dans la boîte à gants. Après on essaie de se caler de chaque côté de Grand-Mère, à cinq derrière, avec les arrosoirs entre les genoux, parce qu'au cimetière, on n'est pas sûrs que tous les arrosoirs ne soient pas utilisés par les autres gens. Ensuite on roule des kilomètres, en général il pleut. La radio fait des parasites, une station, on ne sait pas trop quoi, qui passerait tantôt d'Europe 1 à RTL, dans les virages. Les hauts parleurs sont réglés tout dans l'aigu. Le tonton dit à la tatan : "mets-nous dont une petite cassette, ils nous cassent les pieds avec leur blabla". La tatan regarde en dessous du tapis pour les pieds, tire une cassette , n'importe quoi. Au crayon feutre sur la pochette découpée dans du papier à dessin Canson, quelqu'un a écrit noir sur blanc "les plus grands hits" - compilation des années 70" avec en plus petit une liste des titres : face A, Face B : "Laisse-moi vivre ma vie - Du côté de chez Swann - Made in Normandie - C'est ma prière - Tata Yoyo". La mère dit qu'elle a oublié la bruyère qu'elle voulait déposer sur la tombe du Nono. Le tonton grogne tout bas "Pour ce qu'on en a à foutre de la tombe du Nono"... La mère reprend, "Dis donc ! tu pourrais pas faire demi-tour, je voudrais qu'on aille chercher la bruyère le Nono , il a plus personne..." "Ben justement, répond le tonton, comme il a plus personne, je vois pas qui ça gênera si on ne fleurit pas sa tombe!" mais la tante engueule le tonton, "S'il te plaît, Guy, pas devant les petites ! Y'a le respect des morts quand même !"... Le respect des morts, d'accord ! On fait demi-tour. Le tonton en colère monte le son du radio cassette, toute la voiture s'emplit d'un air bonnasse d' Annie Cordy, la cousine est malade, il faut ouvrir les fenêtres, c'est normal crie la tante, "avec tes cigarettes !", le tonton lève les bras au ciel, "Ouh ben ! si on a même plus le droit de fumer ! c'est pas quand on sera là bas dessous ..", "Oui mais maintenant tout le monde a froid !" la mère ose un : "J'croyais que vous aviez la clim dans c't'auto ?" La tante ricane : "La clim ! mais si on l'a ! mais il n'a jamais été foutu de comprendre la notice!" "Ouais, dit mon oncle, la notice en chinois ! pis ces machins j'y comprends pas !" , "T'y comprends pas , t'y comprends pas !" ... Je ne sais pas si ça vient de la cassette, mais tout à coup plus rien ne va. "La clim c'est maintenant qu'il faut la comprendre, pas quand tu seras dans le trou!", l'oncle marmonne, "Quand je serai dans le trou, je serai bien tranquille, au moins je pourrai faire ce que je veux ! ","Dis tout de suite que je t'en t'empêche ! T'es pas bien malheureux, quand même !". Tatan, tonton, 45 ans de mariage. On n'entend pas grand mère qui tourne la tête de gauche à droite, pour, on dirait, ne rien perdre du paysage. La cousine vire au vert, elle coince sa tête entre la vitre et la fenêtre, avec ses cheveux qui pendent de chaque côté à l'extérieur, on dirait ces chiens de chasse à l'arrière des autos... La tatan dit "Ouvre grand la fenêtre !" la cousine pleure "Chui malaaaade", elle répète plusieurs fois "malaaaade!". J'ai 12 ans et je pense en secret, qu'il me reste six ans à tirer. J'ose un "C'est encore loin ? le cimetière ?" La mère dit : "Si c'est pour soupirer et faire la gueule, c'est pas la peine, t'as qu'à rentrer en stop". Des parfums montent d'une forêt. La tante se demande si on verra la Guite. "Parce que si on la voit, pas besoin de faire demi-tour, elle est pas loin, elle pourra bien mettre une bricole sur la tombe du Nono, même un truc en plastique". Le tonton ne décolère pas: "Faut savoir si tu veux qu'on fasse demi-tour, ou bien si tu veux pas !" La tante se ratatine. Dans sa bouche cinq onomatopées "Moui, bof, oh, bah, pfff !", je me dis qu'en boucle ça ferait une putain de rythmique de jazz. Sur la cassette, Dave revisite Combray. Après un long silence, mon oncle reprend la conversation, il s'agit de faire l'inventaire de tous les maires de Belmont : "Y'avait qui avant Léon Troncy ? Jean Verdellet ou Camille Chavanon ?". Un silence abyssal. Tonton insiste "Y'avait qui ?". La tante s'énerve, "Mais Guy, tu vois ben qu'on n'y sait pas! tu parles d'une conversation !". Grand-Mère me regarde gentiment : "Et toi alors ? L'école comment ça va ? Est ce qu'elle est gentille ta maîtresse ?". Grand-Mère sourit. Son regard est doux. Je suis en 5ème, j'ai plusieurs profs. Je réponds "Oui, elle est gentille". La vie reprend son cours, la tatan parle, elle cause, et quand elle cause sa mise en plis bouge d'avant en arrière, de là où je suis on dirait une très grosse salade beige ou un nid pour oiseau géant. La tatan interroge le monde, l'interroge indéfiniment, "Il devient quoi Dave ?", "Elle est où la lampe électrique ? Est ce qu'on va avoir assez de pain pour ce soir ?".

Bouquelon (Ph. JEA / DR).

Sous des couleurs laiteuses, des panneaux bleus défilent "Ecoche, St Igny de Roche, St Germain la Montagne, Belleroche, Coublanc". Des panneaux blancs : "Ranchal, Le Cergne, Thel, Arcinges, Azolette, Anglure Sous Dun, Cours la Ville, Cuinzier, Propières...". Et le ciel se couvre de ces milliers d'oiseaux géants qui sortent des cheveux de ma tante : Tangre noir, Ombrase, Aigrelot cendré, Palunier de Smyrne, Antarche, Erythor champoisé. A quelques mètres du village, des milliers de petites croix. Grand-Mère me serre fort dans ses bras. Nous entrons au Royaume des Morts. Tatan porte les arrosoirs. Tonton, les pots. Bruyère et chrysanthèmes. La cousine semble manger l'air, son visage est si pâle qu'on voit presque à travers. Il y a des lis blancs sur la tombe du Nono, aux étamines d'or, dans un vase de cristal en forme d'étoile de mer. Grand-Mère me prend la main, son coeur bat sous la peau et sur chacun de ses doigts, mes doigts peuvent lire le passé. Je reste là longtemps, au milieu de l'allée, debout sur les cailloux. Grand-Mère s'est esquivée. Je la cherche partout. Partout des fleurs artificielles, des plaques, des petites photos "A Robert, mon époux " "A mon épouse bien aimée", des gerbes pâles "De la part des amis de Tony Bertillon". Du marbre partout, beaucoup de marbre, et des mottes de terre, pour les demoiselles des Ursulines. Je vois au loin ma tante qui me fait de grands signes, "Viens ! Viens ! j'vais t'présenter, l'arrière-neveu du Nono ! c'est un grand professeur, il travaille dans les hopitaux". Je serre le gant tanné d'un dadais à chapeau et costume chevron. "Ca fait longtemps, dis donc.", je dis "ça fait longtemps !". Je me souviens de ce petit garçon qui adorait craquer des allumettes, pour brûler les yeux des crapauds. De cet enfant gynécologue, le plus illustre de la région, qui auscultait les petites filles, avec trois doigts... Il me dit "Je vais te présenter ma femme et mes enfants", je vois débouler d'entre les tombes deux petits clones précédés d'une grosse plante mêchée arrogante. Je crie : "Non, non !". Je cours par les allées, repèrant au cas où, la sortie de secours. Là-bas, mon oncle remplit les arrosoirs. Il me rejoint. "Dis donc t'as pas l'air d'aller bien, tu es sûre que ça va ?", je ne sais plus où j'en suis. Je lui dis "Non, ça va pas bien je ne sais pas où est la Grand-Mère". Mon oncle me dévisage. Il s'assoit sur une tombe, il secoue sa grosse tête, longtemps. Puis il m'emmène "Viens avec moi !". Nous entrons dans un labyrinthe, des allées, des chapelles. L'oncle porte religieusement ses deux grands arrosoirs et un pot plein de fleurs mauves. Il s'arrête devant un bloc rose granité surmonté d'une discrète croix blanche. Il est gêné. Il essaye de remplir le vide, de me faire la conversation. "Et comment ça va, toi ? Les études ? Le bac français, c'est pour c'printemps ?" J'ai 22 ans. Je termine un mémoire sur "le Rivage des Syrtes". Je réponds "Oui, le bac français c'est pour ce printemps". Il fait très sombre. On commence à sentir les gouttes. Je lève les yeux, je tourne en boucle "Faut que j'aille chercher Grand-Mère !". Mon oncle me répond "Tu es sûre ?", " Sûre de quoi ?", " Es tu sûre que ça va ?". La pluie ruisselle sur sa figure. Je ne sais pas trop pourquoi. Je lui dis : "Je reviens dans cinq minutes, si Grand-Mère a fait un malaise, je ne me le pardonnerai pas". Il me rattrape, il me retient: "Tu veux pas qu'on aille boire un coup ?" "Après, peut-être. Là, je suis inquiète, il faut que j'aille voir !" Il me retient. Il me serre très fort dans ses bras, Il me dit à l'oreille tout bas : "C'est pas la peine !". "C'est pas la peine ?... Pourquoi ?". Il me montre sur la croix blanche, une inscription sculptée : "Ci-gît Lucie Laure-Marie, 1908 - 1979". Je toise l'inscription, les prénoms. "Ce n'est pas elle, tonton, ça ne se peut pas !". Mon oncle s'exaspère : "Mais enfin tu ne te souviens pas ? En 1979, quand on a eu cet accident, en revenant du cimetière ! Sur la route de Propières, c'était la toussaint comme aujourd'hui, sauf qu'il pleuvait..." Je regarde le ciel, je m'aperçois qu'il ne pleut pas. Il ne pleuvra sans doute pas aujourd'hui. Mon oncle parle de l'accident, du sang, du mien, de celui de grand-Mère, c'est un vrai charabia ! Peut-être qu'avec l'âge, il commence à perdre la tête..."Tu comprends... C'était difficile, à cette époque, on manquait de sang, on m'a demandé de faire un choix. J'ai signé un papier. Et puis ils t'ont transfusée toi".

Cimetière de Landouzy (Ph. JEA / DR).

Il y a sous la terre une mâchoire d'où sortent des milliers d'oiseaux, des aigrelots de Thel, des tangres de Ranchal. A dos de palunier j'étudie les excavations. La belle main de Grand-mère m'offre des coraux noirs. Entre les tombes, mon oncle, continue ses fadaises. Je nous vois tous les deux, distinctement dialoguer. Je me dis, vu d'ici, que mon corps est vraiment différent de mon âme. Heureusement, les silhouettes rétrécissent à vue d'œil.

(S) Frasby.


mardi 12 janvier 2010

P. 223. "Le Rayon vert" d'Eric Rohmer

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Couverture de l'Edition Hetzel (DR).

Voyages extraordinaires
dans les bibliothèques,
Contes et Proverbes

sur les écrans de cinéma...

Si Jules Verne n'est pas immortel
du moins n'est-il pas mort
son espérance de vie
est celle des livres
brûlés ici
relus là-bas
parfois au rebut
plus souvent reliés
redorés
et relus
caractères d'imprimerie
qui ont un fameux caractère
gravures graves
et toutes ces émotions
pour celles et ceux qui retournent en enfance
ou qui rêvent de vieillir dans un monde
sans mode d'emploi...

le Rayon-Vert de Jules Verne
s'est faufilé sur une nouvelle vague
(24 plages à la seconde)
celle d'Eric Rohmer.

(Affiche : DR).

les yeux peuvent se fermer
et les paupières devenir tombales
le Rayon restera aussi rare
aussi énigmatique
authentique
insaisissable sur le sable des plages
à l'heure inexistante
entre deux silences
quand le soleil aura fini de crever
l'écran de l'horizon.

Edouard Civière :

- "Les dix dernières minutes du Rayon vert affirment magnifiquement une croyance dans le cinéma et dans son pouvoir d'émotion et d'émerveillement. Chaque élément a tendu vers cet instant où tout fait sens, où, selon l'adage, on voit en soi et en ses proches.
Là, sur cette falaise, face au soleil couchant, un phénomène météorologique parfaitement connu est aussi un événement magique, Baudelaire ("Ah ! Que le temps vienne. Où les coeurs s'éprennent", sous-titre du film) et Jules Verne dialoguent, le cinéma devient à la fois peinture et musique, le début (d'un amour) et la fin (d'une journée, d'un récit) se rejoignent.
Comme un faisceau lumineux, tout converge, et cela avec l'économie de moyens habituelle au cinéaste. Si Le rayon vert n'est pas la plus pure des oeuvres de Rohmer, c'est assurément l'une des plus émouvantes."
(Kinok.com).

(Montage JEA / DR).

Le Rayon Vert
celui qui s'obstinera à rimer avec Rohmer...

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Autres tristesses, par "ordre" d'entrées en scène sur les blogs :

- Cactus

- Dominique Hasselmann