DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

dimanche 10 janvier 2010

P. 222. L'église fortifiée de Parfondeval.

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Pour situer Parfondeval en Thiérache.
Carte d'après : Sur une frontière de la France. La Thiérache. Aisne, Textes, Photographies et Cartographie sous la direction de Martine Plouvier, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2003, 287 p.
(Montage JEA / DR).

Dixième étape sur la route
des églises fortifiées de Thiérache :
Parfondeval.

Si l'on excepte Plomion, la plupart des églises fortifiées visitées jusqu'à présent sont boudées par les circuits touristiques. Elles se dressent dans des coins laissés à l'ombre. Leur nombre, plus de septante si pas soixante-dix, semble lasser les amateurs de vieilles briques au visage guerrier et au choeur religieux...
Parfondeval fait exception. Le village compte parmi les plus beaux de France. Les gîtes abondent. En périodes non creuses, on y dénombre une majorité de véhicules à plaques étrangères. Derrière les haies, vous entendez jurer ou rigoler en Néerlandais ou en Allemand, voire en Anglais... Il faut préciser qu'il ne reste plus que 149 habitants entourés donc de résidences secondaires ou louées.

Si vous étalez une carte IGN (pub gratuite), vous verrez le rectangle de Parfondeval être contourné au sud par la D 520 qui va et vient entre Archon et Grandrieux. Si vous préférez la marche, alors vous allez choisir entre Louvet et Rouvroy-sur-Serre le GR 122 qui ne pouvait ignorer Parfondeval.

Le village marque le centre d'une circonférence à la toponymie variée :

le Bois des Broises, le Bois Armé, le Bois de Tupigny,
le Pumereau,
le Mont de Leu,
les Effades,
la Garde de Dieu,
le Fond des Clercs,
la Chèvre...

A l'entrée sud-est du village, sur la D 520 (Photo JEA / DR).

Une "porterie" joue un rôle d'écran protecteur pour accéder à l'église Saint-Médard. Jusqu'en 1779, impossible d'approcher autrement l'église pour cause de fossés profonds...
Les lecteurs assidus ne manqueront de retrouver ici encore le jeu chromatique de formes géométriques en brique vernissée.

Le Patrimoine de France n'en décrit guère plus :

- " Façade occidentale ornée d'un portail de pierre blanche de style Renaissance. Donjon de plan carré encadré de deux tours rondes. Nef à pans de bois."

Portail (Ph. JEA / DR).

Saint-Médard a été construite au XVIe siècle et remaniée fin XVIIIe.

Le donjon flanqué de ses deux tours atteste de ses origines militaro-religieuses. Deux autres tours protégeaient les arrières mais ont été détruites en 1760.
Alors que la très grande majorité des églises fortifiées ne présente pas d'autres décorations que les motifs en briques, à Parfondeval, les deux portes jumelées bénéficient d'un encadrement en calcaire avec des reliefs style Première Renaissance.

Décor sculpté de la porte gauche (Ph. JEA / DR).

Présentation dans la presse régionale :

- "Un véritable fleuron architectural qui en fait tout son prestige. L'église de Parfondeval, témoin des guerres de religion et de périodes d'insécurité entrecoupées de trêves où l'habitant pensait à aménager et à fortifier son lieu de culte, est un véritable chef-d'œuvre. Un ensemble situé aujourd'hui dans un cadre bucolique, champêtre, près de pâtures ponctuées de pommiers à cidre et de vaches laitières.
Comme à Burelles, en Thiérache, l'organisation architecturale de défense active de l'église de Parfondeval révèle parfaitement ce qui se faisait de mieux, avec des ressources locales, à l'époque où l'on ne pouvait pas compter sur la protection d'un château fort.

Ce monument, remanié à différentes époques, au charme fou, qui mérite, sans conteste, un détour et une pause, date du XVIe siècle. Il est entouré d'une double enceinte percée d'un porche. Il s'intégre dans le sanctuaire avec un clocher-donjon carré, flanqué de deux tours circulaires percées de bouches à feu et de meurtrières. Ces dernières ont pour fonction de protéger le portail grâce à un chemin de ronde à mâchicoulis. Tout cela devait pouvoir être barricadé à la moindre alerte afin de se protéger de hordes de brigands, une nécessité pour la population. Les douves qui l'entouraient ont disparu.

Le XVIe siècle correspond à une période de production de briques qui servent à bâtir des éléments à caractère défensif. Les briques rouges sont fabriquées sur place. Les murs sont aussi parés de briques vitrifiées noires appareillées en quinconce.
L'église, par elle-même, respecte l'habitat rural traditionnel notamment par son plafond et des piliers constitués de chênes entiers, selon une architecture que l'on retrouve dans la petite église de bois et de torchis, à Rouvroy-sur-Serre.
L'autre particularité de l'église de Parfondeval comme à Montcornet est de posséder un portail Renaissance sculpté en pierre blanche qui tranche avec la couleur des briques et qui vient adoucir la puissance de l'édifice.
Ce porche permet l'accès, par un escalier, à une salle de refuge de 7 mètres de côté, au-dessus du vestibule. Les maisons aux alentours, - en particulier, l'auberge avec le musée des outils d'antan, chez Françoise et Lucien Chrétien et l'ancien presbytère, demeure de caractère -, font office de remparts mais surtout des lieux d'accueil de touristes."
(L'Union, 20 août 2009).


Tour de droite, sur trois étages (Ph. JEA / DR).

Pour son pittoresque, voici la présentation retenue par le Conseil général de Picardie :

- "Ce village est classé parmi les "plus beaux villages de France", mais la star locale, c'est l'église, tapie au fond de la place. Surfortifiée, elle ne dévoile ses charmes qu'aux plus téméraires. Pour la voir de plus près, vous devez opérer une drôle de gymnastique. Les maisons voisines, en brique rouge, coiffées d'ardoise, semblent dessiner une enceinte continue."

Le jour, entre Noël et Nouvel An, où ces photos furent prises, l'église était hélas fermée au public. Un caprice de "star" ? Mais nous n'avons pas gardé le souvenir d'avoir montré grande "témérité" pour mériter d'en approcher les "charmes"... La gymnastique se limita à quelques pas, même pas "drôles" faute de neige et/ou de glace...

Tombes du cimetière protestant de Parfondeval (Ph. JEA / DR).

Saint-Médard s'élève à l'extrémité sud-est du village. Tout à l'opposé, au nord-ouest, est engourdi un petit cimetière protestant.

Le protestantisme s'est implanté en Thiérache vers les années 1525-1530. Mais en 1685, la révocation de l'Edit de Nantes marque la fermeture si pas la destruction de temples tels ceux de Gercy et de Leval. Ces lamentables temps de persécutions persisteront jusqu'à la Révolution.
En 1803, un recensement officieux chiffrera à 419 le nombre de familles protestantes en Thiérache, dont 49 à Parfondeval. Les premières constructions de nouveaux temples (aux dimensions plus que modestes, sans orientation particulière) suivirent à Parfondeval, à Grougis, à Landouzy, à Esquéhéries et à Hannapes...
Dans le cimetière protestant de Parfondeval, balayé par les vents, des tombes portent des versets bibliques. Ainsi à droite, sur la photo, la stèle de Louise Grassart-Daret (1850-1906) : "Dieu est amour".



12 commentaires:

Brigetoun a dit…

comment cette région n'est elle pas envahie par les touristes - beauté du portail, et du blanc de la pierre sur la chanson des briques

JEA a dit…

@ brigetoun

peut-être aussi par crainte de la neige alors qu'actuellement, elle est plus impressionnante en Avignon que par ici...

MH a dit…

En effet, ce rouge des briques est beau et la photo des tombes retouchée en parme est magnifique.
Je suis intriguée par l'étage de la "porterie"... l'église fortifiée (Bach lui va à ravir!) a souvent ses annexes, plus ou moins importantes, sont-elles parfois habitées ?

JEA a dit…

@ MH

le tour des 70 églises fortifiées de Thiérache n'est pas encore bouclé, loin s'en faut
mais jusqu'à Signy-le-Petit et à Bancigny, mes dernières photos, le constat est constant :
- les pièces refuges se situent en étage, soit dans le donjon même, ou au-dessus du choeur
les murs extérieurs de ces mini-châteaux ne sont percés que de joyeusetés militaires du style meutrières, dressant des surfaces aussi hautes que possible et totalement lisses...
l'édifice ne supporte point d'autre bâtiment mitoyen, il se dresse nettement isolé
sans annexes donc
l'étage de la porterie étant sans commodités ni moyen de chauffage, il n'a pas été recyclé en gîte contrairement aux anciennes fermettes proches

Elisabeth.b a dit…

Sous le charme...
J'avoue un faible pour la dentelle de pierre de la porte gauche.
Belle journée à vous JEA.

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

En cet épisode hivernal, pierres calcaires et neige ont des airs de famille...

Dominique a dit…

Bonjour, mon commentaire n'a rien à voir avec votre billet mais avec la fonction "recherche" de votre blog
je voulais mettre un lien vers un article de votre blog sur Caracalla et Daniel Cordier, mais malheurement qand on utilise recherche on en revient à ce billet
merci à vous de m'indique l'adresse URL de ce billet ici je viendrai le récupérer et permettre ainsi à un autre bloggeur de découvrir votre site

JEA a dit…

@ Dominique

http://motsaiques.blogspot.com/2009/07/p-145-daniel-cordier-une-si-rare.html

donc P. 145 en date du 17/07/2009
libellés : Bibliothèque, Histoire 40-45

JEA a dit…

@ Dominique

il semble que la fonction "recherche" place le ou les liens avant le billet du jour, sans modifier celui-ci

JEA a dit…

@ Dominique

A propos de Daniel Cordier, sur son blog, Tania a publié l'un de ems billets :
- http://textespretextes.lalibreblogs.be/archive/2009/12/12/drole-de-jeu-par-jea.html

Anonyme a dit…

Ah... le mâchicoulis, quel joli mot qui pourrait faire accroire à une recette de cuisine, pas du tout!

ArD

Le Chevalier Dauphinois a dit…

Magnifique article qui m'a rappelé mes 10 jours de vacances dans cette région peu touristique et pourtant emplie de beautés architecturales.
Hors saison, le silence est impressionnant. Excepté un chien aboyant parfois et un tracteur au loin, j'ai savouré le calme de la vraie vie.
Ce qui m'a surpris, c'est la variété des systèmes défensifs pour chaque église du Thiérache.