Pour alimenter et prolonger ces perplexités, voici trois autres exemples, situés à quelques kilomètres seulement d'Esquéhéries.
Les illustrations réunies ici confirment le même constat (2) :
- "En dépit de leur caractère fonctionnel, ces bâtiments austères ne sont pas dépourvus de tout décor extérieur. L'ornementation des églises en brique repose sur un jeu chromatique de dessins en brique vernissée se détachant sur la maçonnerie en brique cuite. Ils affectent le plus souvent des formes traditionnelles de coeur, croix, croix losangée, croix de Saint-André, quadrillage, et autres formes géométriques. Diverses tentatives ont été faites, mais vainement, pour attribuer un sens ésotérique à ces motifs ou pour en faire la signature d'équipes de maçons (...).
Ceci (re)posé, veuillez suivre le guide :
Croix losangée à Leschelles.
A moins de 6 km d'Esquéheries, le village de Leschelles dépend encore géographiquement (et symboliquement) de son château. Un ruisseau l'alimente discrètement : l'Iron. Un chemin de grande randonnée (GR) passe par là, ce qui garantit des promenades paisibles et nullement mornes.
L'église Saint-Pierre a été bâtie au XVIe siècle mais elle a perdu son donjon avant la fin du XVIIe.
Ph. JEA (DR).
Autreppes. L'Oise borde ce village en X. Le lieu y gagne en prestige, lui qui n'est pas "perdu" au milieu de campagnes capricieuses mais se repose en une vallée fréquentée et dessinant un tracé de circulation. Le GR 122 passe par là de même que l'Axe vert de la Thiérache.
L'église Saint-Hilaire reçut ses fortifications à la première moitié du XVIIe s. Le clocher-donjon est resté flanqué de deux tours volontairement rébarbatives.
Ph. JEA (DR).
De g. à dr. :
- motifs géométriques sur la façade sud de l'église d'Esquéhéries,
- autres motifs sur la tour arrière sud de Saint-Hilaire d'Autreppes.
Ph. JEA (DR).
Coeur en briques vernissées : Esquéhéries.
Voilà pour le comment de quelques motifs décoratifs se détachant sur quatre églises de Thiérache. Le pourquoi reste donc une inconnue. Il y aura toujours des amateurs de complots et d'explications tirées par les cheveux de l'ésotérisme pour prétendre connaître la vérité gisant au fond du puits. Personnellement, ma sympathie se porterait plutôt vers Aurane, l'instituteur stagiaire et révoqué dans "Un jour viendra" d'André Dhôtel (3).
Non seulement cet Aurane exigeait que l'élève récitant une poésie en classe, monte sur la table. Mais encore :
- "Chaque semaine ce maître indigne consacrait aussi une heure de classe à exposer à ses élèves les questions pour lesquelles on n'avait pas de réponse et on n'en aurait jamais. C'était l'heure de l'ignorance." (4)
NOTES :
(1) P. 82 in Sur une frontière de la France. La Thiérache. Aisne, Textes, Photographies et Cartographie sous la direction de Martine Plouvier, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2003, 287 p.
(2) P. 83, op. cit.
(3) André Dhôtel, Un jour viendra, Phébus libretto, 2003, 265 p.
(4) P. 96, op. cit. "Indigne" ne correspond qu'au motif officiel de la révocation.
21 commentaires:
douce parure délectable.
Je suis toujours admirative devant le travail que représente chacun de vos billets
@ brigetoun
A lire votre commentaire, j'en rougis comme un chiffon...
Merci pour ce billet JEA mais
ne cherchons pas midi à quatorze heures, j'opte sans hésiter pour le bon sens: ce sont des signes protecteurs ou décoratifs, "question" d'alléger l'austérité du bâtiment.
Ah, mais ce petit institeur est génial...avoir instauré une heure d'ignorance où on met la question à l'honneur!! hum, hum, alors pourquio cette musique "tragicus" se demande l'hominus interrogatus en se grattant douloureusement le cerveau :-)
@ claire
Dans le roman de Dhôtel, chassé de sa classe, cet ex instituteur se retrouve à nettoyer les locaux de l'administration communale...
Il y aurait comme du tragique à priver les gosses d'une pédagogie des questionnements et libérée des réponses obligatoires et toutes faites...
Un peu du libre examen avec ses doutes face aux conformismes, voire aux dogmes.
Joli rite, cette heure de l'ignorance ! Et une belle chute pour cette évocation des décors de briques.
Merveille cette « heure de l'ignorance ». Nécessaire. Comme le temps inoccupé, la journée n'est pas une guerre.
Belle harmonie de gris et d'orange. Briques, tuiles, finesse des vitraux et ces motifs. Contemplation sans question.
@ Elisabeth.b
Des quatre villages, celui de Leschelles se prête le mieux, semble-t-il, à la contemplation. Même pas un chien pour se croire obligé de jouer au gardien du temple (ne parlons pas de marchands, aux abonnés définitivement absents).
Et cependant, ce monument aux morts de 14-18. Autant de disparitions irremplaçables et irremplacées. A noter que malgré les poids du château et de l'église, ce monument porte un coq républicain.
Dessins de Pierre en quelque sorte...!
@ Corynne
Merci pour votre commentaire qui ouvre une fenêtre sur une précision. Autant leurs murs de briques s'offrent quelques fantaisies décoratives, autant les pierres des églises fortifiées ont été délaissées. Sur tous les édifices religieux photographiés jusqu'à présent, seul St-Rémy à Marly-Gomont porte une tête sculptée sous une échauguette.
Les églises fortifiées ont comme certaines forêts, une puissance à recueillir...
Me plaît cette heure de l'ignorance. Et surtout vos chemins de grandes randonnées
Merci ! JEA, pour ce magnifique billet.
@ frasby
Hélas pas de récipocité.
D'ici, les regards ne s'évadent pas jusqu'à Montmelââârd, sommet quasi mythique de la Bourgogne d'où vous enregistrez et mettez actuellement en ondes des billets patoisants et gouleyants.
Alors que par beau temps (donc toujours), de la si haut, vous apercevez même les beuquettes ardennaises.
NB. Ici l'ombre : Un train attend en gare pour Lyon.
@ Tania
Au XVIIe, il est à craindre que les villageoises de ces paroisses de Thiérarche n'aient eu comme Ouest auquel rêver que quelques moments sans occupation de soldatesques capables des pires exactions...
Non ne rougissez pas comme dit si bien Hugues Aufray dans sa chanson "dis-moi Céline"
Sans hypocrisie de ma part, je suis également en admiration devant le travail si perfectionné que vous réalisez et en plein accord avec Brigetoun.
Merci encore, vous nous instruisez.
@ Visa
Venant de vous qui m'avez offert le regret de n'avoir pas pu vous asseoir au milieu de l'un de "mes" parlements d'élèves...
Je vais être affreusement indiscrète Mais ce chiffon rouge m'intrigue. Douce modestie, mais aussi déclancheur de colère connu (pas seulement des taureaux). Ou mouchoir rouge de Cholet ?
@ Elisabeth.b
Incollable en chanson française, VISA aura répondu la première :
- "Paroles de Maurice Vidalin en 1977"...
SC :
Vivement la suite !
@ SC
Il faudrait être biès de chez les biès pour ne pas effectivement continuer à parcourir ensemble ce patrimoine original.
J'aime Dhôtel mais n'ai pas lu ce titre : je le note.
@ Loïs de Murphy
Gallimard le publia en 1970...
Puis heureusement, Phébus eut le courage de reprendre en "libretto" ces romans jusque-là promis aux seuls bouquinistes.
Au passage, très chouette votre échange de blog à blog avec F. Martin. Elle aime Ferré. Sa plume semblait néamoins sortie du même encrier que Brel (les Vieux).
Magnifique.
A ma grande honte, je ne connais que Saint-Michel-en-Thiérarche pour y avoir fréquenté le festival de Musique. Autre époque, autres matériaux que la brique, certes...
Esquérhies est de 1670 je crois. Ma maison des Chevaliers du Guet est plus ancienne, du milieu du XVIè. Il est remarquable comme avec un même matériau de base et l'imagination aidant, nous retrouvons les mêmes décors.
Ces églises sont magnifiques et ont traversé le temps...
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