Réalisé par : Keren Yedaya (Caméra d'or à Cannes en 2004).
Avec : Dana Ivgy, Mahmud Shalaby, Ronit Elkabetz, Moni Moshonov, Roy Assaf.
Film français, israélien.
Durée : 1h 45 min.
Site : rezofilms, cliquer ici
Synopsis :
- "Situé au cœur de Jaffa, une ville que les Israéliens surnomment « la fiancée de la mer », le garage de Reuven est une affaire familiale. Il y emploie sa fille Mali et son fils Meir, ainsi que Toufik et Hassan, un jeune palestinien et son père. Personne ne se doute que Mali et Toufik s’aiment depuis des années. Alors que les deux amants préparent en secret leur mariage, la tension monte entre Meir et Toufik…"
Interview de Keren Yedaya :
- "Q. : La schizophrénie de la famille que vous dépeignez (dans le film) est-elle symbolique ?
- Keren Yedaya : Elle incarne notre tragédie. J'essaye toujours d'évacuer les symboles, de les dissoudre dans le réel. Ils ont du mal à communiquer entre eux et ne prêtent pas attention au point de vue de l'autre. Ils ne se voient pas, ne se parlent pas, ne s'écoutent pas. C'est une famille apparemment normale, mais très perturbée..."
(Le Monde, 10 juin 2009).
Mali et Toufik (Photo rezofilms / DR).
Jean-Luc Douin :
- "Jaffa est un film sur la dégradation des rapports affectifs, sociaux et politiques par le non-dit. Keren Yedaya observe ce clan qui biaise avec ses désirs, sa vérité, qui ne perce jamais les abcès, cultive une cohabitation factice. Mali, la fille mère qui va continuer à vivre chez ses parents, n'a jamais osé avouer sa liaison avec un homme qui est devenu l'assassin de son frère, et le père de son bébé. Insidieuse subversion : Meir, le fils, la brebis galeuse, odieux personnage de prime abord, et dont la mort rend la vie familiale plus apaisée, est le miroir d'une hypocrisie, le seul qui ne camoufle pas son malaise.
Mine de rien, Keren Yedaya signe un film extrêmement dérangeant, où elle s'en prend aux hypocrisies politiques, aux mensonges sociaux, aux contradictions de la société israélienne.
Ses critiques sont à déceler dans une histoire romanesque, une chronique où l'avenir d'un pays passe par la responsabilité de chacun de ses individus. Les comportements des personnages y échappent à la caricature, tous respectables dans le mystère de leur être, dans le souci de leur accomplissement. L'hypocrisie politique y transpire sous un drame humain complexe."
(Le Monde, 9 juin 2009).
Les parents de Mali, elle, Osnat, est séfarade et Reuven ashkénase (rezofilms / DR).
Pierre Murat :
- "Apparemment, c'est un mélo. Une de ces histoires d'amour contrariées qui font pleurer les foules : une jeune fille songe à s'enfuir avec le garçon dont elle est enceinte. Accidentellement, le jeune homme tue le frère de son amoureuse. Le voilà en taule. Une dizaine d'années passent...
Sujet éternel et universel. Keren Yedaya (Caméra d'or en 2004 pour Mon trésor) a choisi de le situer à Jaffa. L'amoureux est, donc, palestinien (c'est un « Arabe israélien », comme on dit là-bas), l'amoureuse est juive, ses parents sont ashkénaze (le père) et séfarade (la mère). Ce qui permet à la réalisatrice de tisser entre les personnages d'infinies tensions secrètes et subtiles."
(Télérama, 13 juin 2009).
Christophe Ayad :
- "Par quel miracle le cinéma israélien est-il de plus en plus juste et nuancé dans la description d’une société toujours plus insensible à la souffrance des autres - les Palestiniens - et à la sienne propre ? Il faudra bien un jour élucider ce paradoxe. En attendant, allons voir Jaffa, dernier avatar de cette belle vitalité. Keren Yedaya, révélée par Mon trésor, caméra d’or à Cannes en 2004, revient avec une fausse bluette, une histoire d’amour tragique et contrariée, un Roméo et Juliette arabo-israélien, qui peut aussi se lire comme la métaphore d’une société aveugle et sourde.
La première moitié du film se passe à Jaffa, l’un des rares lieux de cohabitation en Israël. Reuven y tient un garage minable, où sont aussi employés son fils Meir et sa fille Mali, ainsi que Hassan, un vieil ouvrier palestinien taciturne, et son fils, le beau Toufik. Toufik et Mali s’aiment secrètement, tandis que Meir, raciste, violent et faible, supporte mal les avanies de son père - qui lui préfère presque Toufik - et la dureté de sa mère, Osnat. Voilà posé le décor, filmé «à plat» à la manière des temseliya, les feuilletons égyptiens à l’eau de rose. Le drame peut exploser, qui enverra chacun tourner seul sur sa propre orbite, comme un météore solitaire."
(Libération, 10 juin 2009).
Toufik (rezofilms / DR).
Sophie Wittmer :
- "Keren Yedaya filme avec beaucoup d'émotion le cheminement de Mali, dont la vie se retrouve soudainement brisée, dans sa féminité et sa maternité, brisée par une haine latente et dévastatrice. Dans Mon Trésor elle dressait le portrait d'une prostituée et celui de sa fille, ici elle s'arrête sur la blessure d'une jeune femme retenant sa passion, retenant ses sentiments pour protéger hypocritement les traditions, les valeurs religieuses et sociales de sa famille avec laquelle elle n'a pas le courage de rompre, qu'elle n'ose pas affronter lorsqu'elle se retrouve seule.
Au travers de sa douleur, la réalisatrice revient sur le conflit Israélo-Palestinien, sur la violence de comportements extrémistes, minant la vie de ces deux peuples, sur une fausse convivialité reposant sur une hypocrite apparence de paix derrière laquelle se profilent toujours de sourdes tensions racistes.
Un constat qu'elle dresse de manière intelligente, sans juger, juste en filmant avec pudeur le regard désarmant de son héroïne, un regard perdu devenant le symbole d'une intolérance destructrice, le symbole de la bêtise humaine."
(dvdrama).
Bande annonce.
8 commentaires:
"La bêtise humaine" est le dernier mot de votre billet.
Voilà un film à voir, comment être intelligent ?
Un film si bien raconté que j'ai envie de le voir ... ;o)
Douce journée ...
@ Marie
C'est du Brel non ? "Marieke est reveeenueeee..."
Nous nous interrogions : "A Caen votre reconnexion" ?
@ Claire
Un film à voir mais cette interrogation inquiète : finira-t-il par être projeté en Ardennes ? Les frustrations stimulent, certes. Mais les manques peuvent aussi rendre l'intelligence gruyère.
Il passera bien un jour (dans un an, dans dix ans) à la télé, vers 23 heures, non ?
@ D. Hasselmann
Ce jour-là, cette année-là, il me faudra louer un téléviseur (en râlant pour les pertes de dimension de l'écran et d'atmosphère partagée d'une salle obscure)...
Même si on regarde avec des amis, sur un écran absurdement grand, on perd une dimension. Il y a un dépaysement propre au cinéma. Il y a aussi la rue, tout un mouvement qui précède et suit la scéance.
La salle qui s'obscurcit, c'est toujours un peu magique.
Le cinéma israélien est d'une grande richesse. Il commence à être mieux diffusé en France. En province il faut guetter l'unique semaine où un film sera projeté. Et avoir les sens des dates et des horaires. On mène une vie très fatigante.
@ Elisabeth.b
Elevé (jusqu'à la 3e primaire) par un propriétaire de salle de cinéma, je ne puis que confirmer combien ces lieux se révélèrent faussement obscurs, réellement magiques, irremplaçables.
D'autant qu'à l'époque, les films étaient programmés en plusieurs épisodes s'étendant donc sur autant de semaines de suspens... Le cinéma devenait comme un rite.
De plus, cet oncle, estimant que des interdictions aux enfants relevaient de la bêtise la plus plate, me faisait ouvrir les portes pour par exemple "Le Troisième homme"... M'offrant des moments inoubliés.
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