"Cette nuit n'était que le premier coup de pelle à la tombe que je me creuse - c'est désormais indubitable - dans les nuages."
Imre Kertész
Poncé par les siècles. Le marbre fatigué de porter le souvenir d'un curé de la paroisse, mort avec une escarcelle encore garnie. Et qui offrit ses deniers aux enfants pauvres de Burelles. Sauf son respect, à certaines heures et humeurs sombres, on croirait un drapeau de pirate hissé-là comme pour faire peur aux croyants devenus rares ou encourager à rêver les gosses...
Cimetière de l'église de Lavaqueresse (Ph. JEA / DR).
Lutte mortelle entre l'ange et les racines du mal ? Le métal et le végétal ? La tombe est devenue anonyme mais est restée de dimension discrète. Un enfant ?L'ange est défiguré, les ailes rouillées. Le lierre a perdu ses racines (ne parlons pas des ailes de ses feuilles).
Cimetière de l'église de Prisces (Ph. JEA / DR).
Face au portail de l'église de Prisces, dans la certitude que les sorties de messe les mettront en évidence, les trois ou quatre tombes les plus imposantes. Excusez, mais un peu les "m'as-tu vu ?" du cimetière.
A perpétuité, svp (il y en a qui ne doutent de rien).
Mais voilà. Soit vraiment un gros gros vent. Soit des ennemis intimes se vengeant post-mortem. Soit un entrepreneur en sépultures impayé et qui le fait savoir. Soit, dans la famille concernée, le regret de n'avoir pu commander des gisants et dès lors ce compromis... Et ce jour-là, un soleil de feu de dieu qui grillait les grilles...
Cimetière de l'église de Lavaqueresse (Ph. JEA / DR).
Pour compenser une vie-vallée de misères, ce trèfle à quatre folioles offert pour l'éternité. Fuite des réalités, fatalisme, abandons, trahisons préférés aux barricades, aux résistances...
Revient en mémoire Anna Akhmatova :
- "L'on se couvre de rouille, l'acier tombe en poussière et le marbre s'effrite. Tout est prêt pour la mort, ce qui résiste le mieux sur la terre, c'est la tristesse."
Cimetière de l'église de Lavaqueresse (Ph. JEA / DR).
L'actualité n'éprouve aucune pudeur. Même en cette période de Toussaint, même dans l'enceinte inféconde d'un cimetière !
Car la lecture de cette sagesse populaire, illustrée dans un style agricole presque lyrique, vous met à l'oreille la voix chevrotante du maréchal-dictateur :
- "Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. Elle est la patrie elle-même."
(Discours du 25 juin 1940)
Et lui succédant sans transition, la voix du président nous voit là :
- "La France à un lien charnel (...), j'ose le mot, avec la terre. Le mot "terre" a une signification française, et j'ai été élu pour défendre l'identité française."
(Discours à Poligny, 27 octobre 2009).
25 commentaires:
entre ma détestation des liens (et volonté de ne pas laisser trace) et vieil instinct (les terriens étant très loin dans mon arbre généalogique) du travail de la terre, sans qu'une idéologie s'en mêle
@ brigetoun
Pas de traces mais à l'aurore, entre les feuilles résistantes, échappant aux galets d'un ruisselet, sous les ailes du dernier oiseau de nuit ou du premier éveillé, plus léger que les nuages volatiles, par les vallées itinérantes...
à l'aurore, votre billet quotidien...
Cher JEA,
Quelle n'est pas ma surprise de lire votre texte et de l'entendre par la voix de Pétain exactement en même temps (l'émission Mangin Palace de France Inter). vérifiez, la même mise en comparaison entre les propos tenus par le vieux Maréchal et ceux de notre actuel (via Guaino sans doute)
@ Zoé lucider
Pierre Laborie, Libé 29 octobre.
- Lilian Alemagna :
"Peut-on faire un parallèle entre ce discours de Pétain et la phrases prononcées par Nicolas Sarkozy lundi ?
- Pierre Laborie :
- "Il ne faut pas trop charger la barque... Et se méfier des fausses analogies. Cependant, qu'il y ait une pensée tactique, cela paraît évident. Il s'agit, on l'a vu avec les actions du ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Eric Besson, de récupérer des électeurs d'extrême droite."
L'identité et l'anonymat, deux grands thèmes appelés à se rejoindre dans cette tombe devenue inconnue, plutôt qu'anonyme.
Si la terre est anonyme, la tombe en est une appropriation d'un bout de celle-ci, provisoire et stérile.
L'identité dans tout ça... Un ressort de l'existentialisme ?
ArD
inconnue au bataillon
mais pas anonyme (!)
P.-S. : Joili « la voix du président nous voit là » ;-)
@ Anonyme A.
Bigre. Même abrégés, les commentaires sont ébréchés. Effectivement, une tombe de bébé portait - semble-t-il - rarement un nom.
Celle-ci, dans mon souvenir imprécis, aurait plutôt perdu son identification...
Un peu de rigueur n'aurait pas été superflue. Etre léger avec la terre et ses voyageurs cadavériques, pas de quoi être fier.
De même, j'ai (trop vite ?) vu un trèfle là où, hors commentaire, il est demandé si ce n'est pas une pensée en fleur...
Ce qui ouvre les horizons des douces heures, des souvenirs partagés et non ceux des supposés porte-bonheur...
@ Zoé (suite)
Faute de temps, manquait la suite de l'interview de Pierre Laborie :
- "Mais ce lien privilégié que la droite possède avec le monde paysan est une chose vieille comme la République ! Et même à gauche, François Mitterrand, avec son affiche de campagne en 1981 (avec les champs et le petit clocher en arrière-plan), a récupéré cette même thématique."(...)
- "Il y a une légitimité à s'intéresser sur ce qu'est être français. Le problème commence quand on fait le lien entre identité et immigration. Quand on laisse croire que l'immigration pose problème pour notre identité. Avec un tel lien, on ouvre la boîté de Pandore, on risque d'aller trouver des boucs émissaires. C'est un lien extrêmement dangereux pour le futur."
la bibli aussi , est très intéressante !
@ Cactus homme lézard
homme les arts...
"La voix du président nous voit là", moi aussi, comme ArD, me conquiert, ainsi que ce billet rouille et or.
Merci.
Merci, pour Léo Ferré. Avec le temps on oublie tout.
Quant à E. BESSON, ce renégat, il est assis entre deux chaises, une fois à gauche et puis à droite selon les vents.
Mais connait-il les paroles de la "Marseillaise" hum ! hum, il faudrait lui
demander
Viviane -----
@ Sophie K.
Les commentaires plantent des forêts chez vous...
Quand vous souhaitez une clairière, vous serez toujours la bienvenue ici...
@ Chère Viviane,
I rattack à plur' véssi !!!
(celui-ci n'est pas de Liège, j'en suis incapable).
Hahahaha !
Merci ! ;-)
@ Sophie K.
Faut-il le préciser : ceci à titre strictement confidentiel ?
Mais que des forêts entières de commentaires s'épanouissent chez vous, ne signifie nullement que les sentiers en soient battus. Et encore moins que l'innocence y soit comme fouillée à corps et à cris.
Merveilleuse façon de battre la campagne, cette "nature" qui laisse échapper de confuses (?) paroles. L'univers est contenu dans chaque grain de sable qui s'envole au gré du vent et du temps...
@ noël
battre la campagne, oh oui,
mais sans l'assaisonner, la bigorner, la botter en touche, la dérouiller, l'écharper, lui enfoncer les côtes (et ses descentes), l'estourbir, la passer à tabac (nous ne sommes pas sur la Semois), lui rentrer dans la moutarde, lui tomber sur le paletot (et tard), la calotter (même avec du thym), la lyncher, lui damer le pion, la marteler, la baratter... ni même la baratiner !
Que de cimetières pour se taire , en terre , ça ne manque pas d'air ? ^^;o)
Douce fin de journée ...
@ MARIE
Manquer d'air ? Mythe...
Ah, ça dépend des jours, Cher JEA, ça dépend des jours.
:-)
@ Sophie K.
c'était écrit avant que j'apprenne "en tenir une couche" et "avoir la digestion difficile"...
mais bof, les "belgicains" passent et la gens canine aboie aussi...
on apprend l'air là ; soyez béni !
même Marie vous salue !
Le fait est que Mon Chien Aussi, Belge d'adoption d'origine Italienne, vit à Bruxelles depuis fort fort longtemps... Je voulais vous le dire, parce que son second degré vous a (à mon avis, à tort) dressés l'un contre l'autre, hélas. J'espère que vous saurez vous retrouver, au détour d'un chemin virtuel, cependant.
:-)
@ Cactus homme lézard
Avec ce "béni" vous m'apportez une révélation soudaine : dans la dizaine d'églises fortifiées de Thiérache photographiées jusqu'à présent, aucune ne protégeait un bénitier un tant soit peu remarquable ! Alors que les grenouilles sont une spécialité appréciée par ces monts et ces vaux-là...
@ Sophie K.
Un second degré de ce genre ???
- "@JEA. Franchement, ce Paul Hermant est un borné, petit-bourgeois raisonneur et qualunquiste à la sauce n'importe quoi. Comme la Belgique en connaît des kilos, voire des tonnes... On dirait pépère au coin du feu expliquant que, après tout, hein, on va tous crever donc, menons notre petit tout petit bonhomme de chemin passque nous, les ceusses de la province, on est beaucoup plus tranquilles et sereins... Pour ménager la chèvre et le chou, on peut faire confiance aux Belges...
Que Paul Hermant soit votre ami ne change rien aux conneries qu'il débite sur un ton patelin. Et pour l'analyse de la situation belge, j'en sais probablement autant que vous : j'y suis depuis toujours. D'ailleurs, royaume bourgeois me paraît une expression un peu légère pour qualifier l'état de la Belgique : royaume bananier me paraît plus juste."
Désolé, franchement, de manquer d'humour au point de ne pouvoir escalader ce second degré pour en respirer l'air des sommets.
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