DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

lundi 1 décembre 2008

P. 53. Première neige en Ardennes


(Photo : JEA. RV)

Franchement, nous étions prévenus.

Elle envoya des avertissements de fumée blanche. Des nuages de messages certes fantasques mais néanmoins très explicites. Et pour les avis à la population, les tourterelles (de Turquie) battirent leurs ailes comme des tambours baroques aux quatre coins du village, remplaçant les gardes champêtres disparus avec "les progrès de la société".

La neige ne s'en excusait pas mais annonçait qu'elle manquerait de patience cette année. Un vendredi soir, n'y tenant plus, et après avoir arraché spectaculairement toute une poignée de pages du calendrier, elle a sorti l'horizon de ses gonds. Par la très grande porte ainsi forcée, la neige s'est défoulée...

Dehors, c'est le sempiternel cortège de lamentations. Paraît-il qu'il manque du sel au menu des routes. Les camions se sentent pousser des ailes et volent dans les décors, les avions ne roulent plus des mécaniques tandis que les trains battent les records de lenteur des sénateurs.
Les bus scolaires sont donc restés au garage. De là à supposer que les enfants poussèrent, entre les flocons têtus, des cris de détresse et de rage face à la cruelle privation d'un jour sans tableau noir...

Un nouveau silence aiguise ses couteaux.

(Photo : JEA. RV)

Le village ne porte pas le nom de Byzance, ça se saurait. Dans les maisons dispersées, les vieux sont les plus nombreux. Même si un récent suicide vient d'éteindre l'un des foyers.

Bien planqué dans un autre département, un patron à la morgue débordante en profite qui tente d'empoisonner nos beaux restes de vie avec des concentrations de porcs surpuants.
Celui-là aurait été fabricant de gaz pour les tranchées en 14-18. Et c'est du patronat dur et pur : il paye un pauvre zigue un quart d'heure par jour pour "l'entretien" de 200 à 250 groins...
Jusqu'à présent, il semble se moquer allègrement des règlements et des avertissements, des inspections sanitaires et des plaintes de la population. Il fait engraisser pour s'engraisser lui-même, nous mettant dans la même auge que ses bestiaux.
Son mépris en devient caricatural. Fixant lui-même l'heure d'une rencontre avec les villageois, il s'y présente avec 90 minutes de retard... Sa 4x4 BMW ne doit pas supporter les routes imaginatives de nos campagnes...

Aujourd'hui, ces vagues malodorantes qui montent à l'assaut du village, comme si nous étions un ilot à submerger, la neige les atténue. Elle ne guérit certes pas mais apaise.
Elle repeint provisoirement les toits et murs. Elle propose aux arbres malades de ne pas trop broyer du noir.

Les pies se prennent pour des avocates et se hâtent de plaider par monts et par bosquets.
Les chasseurs ne vont pas se casser pour aller s'enfoncer dans d'instables espaces à la recherche de sangliers malotrus. Dès lors, ce sont les chevreuils qui vont passer à la caisse de ces "grands défenseurs de la nature", eux qui reconstituent régulièrement des battues nostalgiques leur rappelant les "événements" d'Algérie.

La complicité neige-brouillards en a vu d'autres !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

L'invasion des cochons, du lisier et des odeurs pestilentielles survient donc ailleurs qu'en Flandre ?
Bonne journée tout de même !

jean-jacques a dit…

heureusement il y a aussi la neige et ses transformations; et du bout de mon estuaire qui la voit si rarement, à travers vos mots expressifs , je retrouve la magie de ces instants de paix où la blancheur feutrée habite des souvenirs... émus

Anonyme a dit…

@ Jean Jacques...

De St-Nazaire, je ne connais hélas que le tout petit bout de la lorgnette.
Soit St-Nazaire-le-Désert en Drôme.
Plus exactement dans un proche village avec une Maire très officielle sur 4 habitants. Seuls un berger connaisseur en rouges et son épouse à la silhouette très adolescente se montraient de temps à autre.
Pour eux deux et pour les vallées environnantes, je tirais de là, à 850 mètres d'altitude, un vrai feu d'artifice le 14 juillet.
Les étoiles ne m'en gardèrent pas rancune.