Enfer et putréfaction. Autant l'avouer sans se dérober, avant "De loin, on dirait une île", je n'avais pas tourné une seule page d'Eric Holder. Que d'années creuses avant de le découvrir. Plus exactement de pouvoir suivre, hypnotisé, sa plume naturelle (pas une "ballon" métallique et crachoteuse d'encre scolaire ni celle à la captivité dorée au bout d'un stylo).
Une écriture aussi travaillée que la rose par les vents. Aussi inspirée que les mirages parmi les sables (é-mouvants) des pages. Epargnant aux mots les enflures et les boursouflures. Comme en apesanteur (n'attendez pas d'Holder des pavés même s'il écrit des barricades légères contre les banalités, les snobismes, les temps morts).
Holder trace des lignes comme celle de vie aux paumes de nos existences (paumées ?)...
De l'embouchure de la Garonne, air iodé, je me suis précipité sur "L'histoire de Chirac" (Ed. J'ai lu, n° 7729), vers l'Aubrac, les causses, Sauveterre, La Canourgue, air rugueux...
Puis direction "Les sentiers délicats" empruntés sans reprendre haleine. Ce n'est qu'après le huitième itinéraire de ce volume si peu volumineux, qu'est venu le temps de jeter un oeil sur ces "avis à la populace" précédés de roulements de tambours, et répandus sur les médias :
Ed. Le Dilettante :
- "Partir, dit-on, c’est mourir un peu. À suivre Éric Holder dans les méandres de ses sentiers délicats, on aurait l’impression de revivre. Bien plus que la destination, c’est le voyage qui compte."
Brigit Bontour :
- "Les sentiers d’Eric Holder pèsent le poids d’une plume, celui de la rêverie, de la nostalgie.
Il y a des menus plaisirs chez Eric Holder, mais graves et définitifs. Sans doute parce que sa langue est belle : on n’y sent pas le travail qui mène à cette épure. D’ailleurs on s’en moque : ne reste que le plaisir de lire un livre dense et bref, comme la jeunesse. Trop court."
Jérôme Garcin :
- "Quels que soient les chemins vicinaux, les routes forestières, les bords de mer qu'il emprunte dans ce livre en mouvement perpétuel, à chaque page souffle le vent de la liberté... C'est un écrivain sans bagages qui rend le lecteur plus léger, plus humain, et reconnaissant."
Martine Laval :
- "Holder, l'écrivain, est un musicien des mots. Poète des grands chemins, il a en lui l'art de la fugue... En équilibre sur l'infime, Eric Holder sait parler des photos de sa maîtresse qu'il n'a jamais prises, imaginer les à-côtés et leur trouver les mots de la sincérité. Il donne de la poésie (de l'espoir ?) aux choses et aux gens qui n'en ont plus. Il lui suffit d'aller, à pied, à vélo, à moto, de traverser le monde doucement, d'embrayer, de s'échapper à vive allure, de s'arrêter, de regarder, de respirer. D'écrire."
"Le temps avait changé, il était devenu noir, cependant sans froidure." (P. 83). Graph. de ciel ardennais, JEA. DR.
Le troisième sentier passe par Charleville. Holder l'annote sur sa carte en évoquant : "Un instant d'éternité" (P. 79 à 84). Sans vous priver du plaisir de parcourir à votre guise cette étape ardennaise, en voici quelques cailloux :
- "J'avais vu large, ou bien je devais avoir perdu le sens de la buissonnière, j'atteignis Charleville-Mézières à cinq heures du premier soir. J'avais effectué les trois quart du trajet. En hôtant mon casque, je pris la mesure du ciel farouche : plein de vent, jaune à l'horizon, flanqué de nuages esseulés, effilés et bleu nuit. Je ne connaissais rien de la ville, sinon Rimbaud, sa vie, les photos qui l'illustraient dans la collection "Ecrivains de toujours" : le quai de la Madeleine, le Square de la Gare, le Vieux Moulin depuis la place du Saint-Sépulchre. Je m'étais garé sans m'en apercevoir devant la bibliothèque. Ce n'était pas la plus mauvaise case pour commencer le parcours de l'étranger, cette variante du jeu de l'oie."
Une petite parenthèse. La bibliothèque centrale de Charleville ? Anciennement place de l'Agriculture... Le Dilettante a publié ces sentiers fin 2004. La même année, la même bibliothèque avait abrité une exposition résumant mes recherches historiques (du 9 septembre au 28 octobre) et j'y avais proposé deux conférences (les 4 février et 30 septembre). Nous avons partagé, sans le savoir, le même ciel...
- "Le lendemain... Le temps avait changé, il était devenu noir, cependant sans froidure. Un peu de pluie, le vent, les reflets sur les pavés luisants, la figure de Rimbaud, on avait des visions de fiacres."
- "Au soir tombant, les rafales de vent forcissaient, elle se tourna vers moi, j'ouvris mon cuir, elle s'y blottit. Je sentais sa joue écrasée contre ma poitrine, et son haleine chaude à travers mon pull. Des feuilles valdinguaient depuis les hauts arbres jusque dans la Meuse, et je me demandais, Qui suis-je pour mériter cela ? Mais le cours des choses, pas plus que la Meuse, ne cesse de couler."
"Mais le cours des choses, pas plus que la Meuse, ne cesse de couler" (P. 84). Ph. Meuse à Vrigne -JEA. DR.
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