DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

samedi 20 mars 2010

P. 255. "Louise Michel, la rebelle" sur écrans

.
Affiche du film de Solveig Anspach ( Hévadis Films DR).


Entre étranges lucarnes et
salles de cinéma :
Louise Michel
déportée
après la Commune...

Nous n'allons quand même pas faire l'injure aux lectrices et aux lecteurs de ce blog, de leur retracer l'itinéraire toujours à gauche de cette femme-lumière que fut Louise Michel.
Qu'une histoire embaumée de France garde encore grandement dans ses placards la Commune de Paris, confirme l'influence à très long terme d'historiens "officiels" qui firent l'impasse sur des sujets dérangeants. Ces historiens-là, dont certains liés à Vichy, présentèrent des allergies philosophiques et/ou politiques marquant leurs choix, leurs démarches, leurs publications et leurs présences dans les médias. Il en résulta un formatage tel que des courants de gauche, dans l'histoire de l'hexagone, furent systématiquement ignorés ou caricaturés si pas délibérément falsifiés.

Louise Michel fut enterrée en janvier 1905. 104 années après, voici enfin un premier film. Cette longue absence de sons et d'images, un siècle, en dit long sur une personnalité exceptionnelle. Elle qui continue à horripiler de faux grands de ce monde...

Synopsis :

- "Louise Michel est une femme, une révoltée, une communarde. Condamnée pour avoir porté des armes contre les troupes Bismarck puis celles de Versailles, après son incarcération dans la forteresse de Rochefort, Louise est déportée avec des milliers d’autres révolutionnaires sur la lointaine… Nouvelles Calédonie, alors qu’à Paris, infatigable mais isolé, le jeune parlementaire Georges Clemenceau se bat pour arracher l’amnistie des communards.
Institutrice, proche de Victor Hugo, Louise va se révéler en déportation une résistante exemplaire. Tous l’admirent. Non seulement elle raffermit le courage de ses camarades de détention, mais encore elle se lie aux habitants de l’île, les Kanaks. Elle leur enseigne le Français, découvre leurs coutumes, leur identité et se sent solidaire de leur rébellion. Dans ce huis clos calédonien Louise Michel s’impose par sa personnalité.
À Paris comme à Nouméa, l’histoire de Louise, est celle d’une rebelle."


Solveig Anspach :

- "J’ai l’impression que la Commune et Louise Michel résonnent très fort aujourd’hui. Elle dit des choses qui font écho à ce que vivent aujourd’hui les gens au quotidien, pas seulement les femmes, mais les gens dans la misère, les ouvriers, les travailleurs ou les sans-papiers."

- "Emouvante et extrêmement moderne, jusqu’à sa mort elle a gardé ses idéaux. Elle s’intéressait à tout. En lisant les journaux des autres déportés que nous avons retrouvés, on sent qu’elle a eu de grands moments d’abattement. C’est aussi ça que nous avons voulu montrer, ce qui fait qu’on peut s’identifier à ce personnage…"

Sylvie Testud :


- "Les multiples gravures de Louise m’ont permis de mieux la cerner, car elles mettent en lumière ses contradictions."


Louise Michel, La Commune. Histoire et souvenirs, La Découverte/Poche, 2006, 378 p.

Hélène Delye :

- "Le prologue de ce beau téléfilm consacré à
Louise Michel résume bien la personnalité de cette figure emblématique de la pensée révolutionnaire et anarchiste. Alors qu'elle est jugée pour avoir pris une part active aux événements de la Commune de Paris, pendant lesquels elle a assisté à l'exécution de son ami Théophile Ferré
, la militante clame à ses jurés : "J'appartiens tout entière à la révolution sociale. (...) Prenez ma vie si vous la voulez, je ne suis pas femme à vous la disputer un seul instant. (...) Puisqu'il semble que tout coeur qui bat n'a droit qu'à un peu de plomb, j'en réclame une part, moi. Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance ! (...) Si vous n'êtes pas des lâches, tuez-moi !"
En 1873, Louise Michel est déportée en Nouvelle-Calédonie. Comme elle l'a fait et le fera tout au long de sa vie, elle se distingue, pendant cet exil forcé, par son courage et par la force de ses engagements."
(Le Monde, 28 février 2010).

Extrait du film (Hévadis Films DR).

Voix de Jeanne :

- "Amie et solidaire des Kanaks, Louise apprit leur langue et leurs coutumes. Elle alla jusqu’à publier des légendes kanakes. Son rêve, inaccompli, était d’ouvrir une classe mêlant enfants européens et mélanésiens. Les mentalités n’étaient pas prêtes. À la fin de son séjour forcé, consacrant sa semaine aux écoliers blancs de Nouméa, la « dame aux chats » réserva donc ses dimanches aux « nuées » de jeunes kanaks. Elle se lia également avec les révoltés kabyles déportés. De son exil, Louise écrivait beaucoup. À Victor Hugo avec qui elle correspondait depuis sa jeunesse. À Georges Clémenceau qui milita pour l’amnistie des Communards... avant de devenir ministre de l’Intérieur. Plus tard, le furieux Tigre réprimera dans le sang la révolte des vignerons en 1907 et les grévistes de Draveil en 1908. Le film nous la montre écrivant aussi au président de la République pour l’insulter tous les 28 du mois en mémoire de son compagnon Théophile Ferré qui fut exécuté le 28 novembre 1871.
Après l’amnistie générale de juillet 1880, la colère de Louise Michel ne se calma pas. Entre congrès et meetings anarchistes européens, manifestations de chômeurs et séjours en prison, éditions de livres et rédaction d’articles, sa vie fut tumultueuse. Elle mourut à Marseille le 5 décembre 1905 au retour d’une série de conférences en Algérie. Promesse faite aux insurgés kabyles rencontrés en Nouvelle-Calédonie. Cent vingt mille personnes bouleversées suivirent son enterrement. Révolutionnaire et romantique, l’Insoumise assurait que ''la révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur''.
(1 mars 2010).


Coline Crance :

- "Incarnée très justement par
Sylvie Testud, la force de ce personnage est affirmée dans ce film sensible, tourné dans les magnifiques paysages de Nouvelle Calédonie. Certes, l’idéalisme de ce personnage étouffe quelque peu le jeu de Sylvie Testud, mais elle ne livre pas moins une prestation honnête et touchante qui permet au spectateur de réfléchir sur des débats toujours d’actualité tel que le racisme, les discrimination, le féminisme, l’écologie ; inclus certes dans les idées des communards mais qui sont avant tout incarnés par cette femme , modèle pour tous ces bagnards. Plus que sur la théorie politique, la réflexion de ce film porte sur l’engagement de chacun vis à vis de ses propres convictions politiques ou choix de vie et sur leurs mise en pratique. Certes le film n’offre qu’ un bref aperçu de l’histoire de ces communards, mais il permet tout de même de remettre au goût du jour cette période souvent oubliée de l’Histoire française et de rendre hommage à cet extraordinaire personnage, cette « vierge rouge », comme les communards l’appelaient, qu’était Louise Michel."
(laboiteasorties.com, 7 mars 2010).


Virgile Dumez :

- "Au passage, les auteurs font également un bilan peu glorieux de la colonisation française et montrent avec férocité les exactions des militaires sur la population autochtone, les spoliations de terres et les déportations. Autant d’éléments qui ne sont guère à mettre au crédit de la 3ème République française naissante. Malgré le manque patent de moyens, Louise Michel la rebelle bénéficie d’un scénario plutôt solide (même si on peut regretter le manque de place laissé aux compagnons de route de la communarde) et surtout de l’interprétation encore une fois impressionnante de Sylvie Testud, magnifique de détermination et d’entêtement à vouloir améliorer le sort de tous les êtres humains. Son énergie insuffle à ce long-métrage une puissance qui lui fait parfois défaut dans sa réalisation. Même si l’on peut être légitimement frustré de ne pas avoir droit à ses années de lutte avant et après son exil, le métrage permet de se passionner pour un personnage dont on a aussitôt envie de lire les écrits. La mission des auteurs est donc en grande partie remplie."
(aVoi-aLire.com, 7 mars 2010).


Jean-Christophe Diedrich :

- "Encore une fois, le service public fait son travail (j'aime bien le défendre contre tous ces grincheux qui le critiquent par facilité et qui finalement regardent TF1 !) en produisant un film sur une femme qui est une grande figure de la Commune !"

(HISTOIREGEOLYCEEROMBAS, 5 mars 2010).

Photo de Louise Michel au cours de la tournée de conférences où elle perdit la vie en janvier 1905 (DR).

Nouvelle Calédonie - Chant des Captifs par Louise Michel :

- " l'hiver n'a pas de prise,
Ici les bois sont toujours verts ;
De l'Océan, la fraîche brise
Souffle sur les mornes déserts,
Et si profond est le silence
Que l'insecte qui se balance
Trouble seul le calme des airs.

Le soir, sur ces lointaines plages,
S'élève parfois un doux chant :
Ce sont de pauvres coquillages
Qui le murmurent en s'ouvrant.
Dans la forêt, les lauriers-roses,
Les fleurs nouvellement écloses
Frissonnent d'amour sous le vent.

Voyez, des vagues aux étoiles,
Poindre ces errantes blancheurs !
Des flottes sont à pleines voiles
Dans les immenses profondeurs.
Dans la nuit qu'éclairent les mondes,
Voyez sortir du sein des ondes
Ces phosphorescentes lueurs.

Viens en sauveur, léger navire,
Hisser le captif à ton bord !
Ici, dans les fers il expire :
Le bagne est pire que la mort.
En nos coeurs survit l'espérance,
Et si nous revoyons la France,
Ce sera pour combattre encor !

Voici la lutte universelle :
Dans l'air plane la Liberté !
A la bataille nous appelle
La clameur du déshérité !...
... L'aurore a chassé l'ombre épaisse,
Et le Monde nouveau se dresse
A l'horizon ensanglanté !"

Bande annonce (Hévadis Films).

14 commentaires:

Brigetoun a dit…

femme fascinante - l'absence de film tenait peut être aussi à un personnage un peu intimidant - la statue qu'on lui a dressé manque de souplesse

La Feuille a dit…

Très belle présentation de ce film. Je l'ai vu à la télé (eh oui ! il arrive parfois que je l'allume) et j'ai bien apprécié. Contrairement à mes appréhensions (je l'avais vue une semaine avant dans un rôle totalement différent), Sylvie Testud s'est fort bien tirée de la difficile mission qui lui était confiée et elle représente une Louise Michel tout à fait acceptable. Bravo pour les extraits de textes choisis. Au sein du mouvement libertaire, je crois que Louise Michel est l'une des personnalités pour laquelle j'ai le plus d'estime et d'admiration, avec, entre autres, Elisée Reclus.
Dès que l'occasion s'en présente, je vais retourner voir Louise Michel en salle, si nos mégas cinémas hollywoodiens jugent bon de le programmer.
Paul

JEA a dit…

@ brigetoun

il a peut-être été aussi nécessaire d'attendre un film de femmes ?

JEA a dit…

La Feuille

d'abord votre site :
- http://www.dometlydie.com/charbinat/?p=3951
(voir les liens, colonne de droite)
avec non pas un billet, non pas une page pour saluer l'anniversaire de la naissance d'Elisée Reclus
mais une somme bellement élaborée en soi
ensuite,
expliquer l'absence volontaire de tv ici, surtout pour des films : j'appartiens à l'arrière-arrière garde qui vit mal la réduction d'un grand écran au timbre poste tv...
même si je ne boude pas les récents cd sur lesquels un ami apporte dans ce coin paumé des longs métrages qui décoiffent eux aussi...

Anonyme a dit…

C'est vrai enfin un film sur Louise Michel.
Dommage que la vérité historique ait été tronquée de nombreuses fois dans ce film sur le passage en Nouvelle-Calédonie de Louise Michel.
Sans doute un film fait pour métropolitain.
Là où était Louise Michel, sur la presqu'île de Ducos, elle n'a pu assister à un massacre de Mélanésiens. D'après la production, il faut voir cette scène comme un rêve…
Ces mêmes Mélanésiens ont été affublés de colliers papous et non mélanésiens, etc, etc…
Une fiction, rien qu'une fiction, dommage !
La simple réalité aurait été avantageuse, pourquoi la salir.
P. Lenquette

JEA a dit…

@ Anonyme

Comme vous y allez. Ce qui est votre droit, mais enfin.
La réalisatrice a filmé sur place avec des Kanaks :
- "Vous avez fait jouer des Kanaks…
- Oui. C’était la première fois qu’ils jouaient dans un film de fiction. Ce n’était pas rien de les convaincre ! On m’avait dit que je n’arriverais pas à leur demander de porter le bagayou (étui pénien, Ndlr.) parce qu’ils étaient trop timides. J’ai expliqué aux chefs de tribus qui était Louise Michel, comment elle avait pris fait et cause pour eux quand ils se sont révoltés en 1878 et pourquoi c’était important qu’ils participent au film. Et ça a très bien marché."
(Ouest France, 3 février 2010).
Il me semble que si des erreurs (et non des salissures volontaires) ont été alors apportées aux vêtements et ornements, ces Kanaks étaient les mieux placés pour les refuser et se faire respecter ?
Dans ses écrits torrentiels, Louise Michel évoque effectivement un soulèvement qui, après recoupements post-mortem, semble sujet à caution. Du moins dans la mesure où elle en aurait été témoin. La réalisatrice est néanmoins restée attachée aux écrits - même contestables - de Louise Michel. C'est un choix certes discutable mais compréhensible. Et puis la vérité n'est jamais, jamais "simple"'.

Les causes de la déportation de Louise Michel et cette déportation même ne sont pas des fictions. Ni ses engagements sur place auprès des Kanaks. Voilà, me semble-t-il, l'essentiel.

MH a dit…

J'ai bien aimé ce télé-film mais je l'ai trouvé un peu court sous bien des aspects. Votre billet m'apporte l'épaisseur manquante. Merci JEA.

Zoë Lucider a dit…

Merci pour cette présentation riche de ce film. Elle est une des héroînes oubliées de la résistance, mais pas la seule. A quand un film sur Olympe de Gouges par exemple. Merci aussi du morceau musical que j'ai repris en coeur comme je le faisais dans ma jeunesse où nous avions enregistré un disque de chansons de la commune. "Tout ça n'empêche pas Nicolas qu'la commune n'est pas morte", c'est savoureux en ce moment.

Tania a dit…

Je vous attendais sur Simone Veil, "éternelle rebelle" (dixit d'Ormesson) - après l'émotion portée par cette réception académique hors du commun - et voilà "Louise Michel, la rebelle" loin des pompes de l'Etat.
"Femme-lumière", magnifique formule !

JEA a dit…

@ Tania

Madame Veil ?
j'avais déjà donné sur ce blog, page 51 :
http://motsaiques.blogspot.com/2008/11/p-51-simone-veil-lacadmie-franaise.html
avec une approche pas vraiment consensuelle
(mais sans aller jusqu'à placer une vidéo de séance parlementaire avec elle, Ministre, se faisant crier "A Auschwitz" par des élus de droite opposés à l'IVG).

JEA a dit…

@ zoé

Olympe de Gouge, ne voilà-t-il pas une page nomade qui serait plus que bienvenue ici ???

à propos, nous avons toujours un pré-projet de maison d'édition artisanale en suspens
quant à une chorale, je vous confirme qu'en Finistère, une chorale féminine (les hommes sont en mer) m'embarquait pour des concerts publics
mais chanter la Commune, ça manque à mes bonheurs...

JEA a dit…

@ MH

une après-midi de soleil pas morose, perdu du côté de la Meuse sans doute, mais puisque perdu...
un village
une rue
les oiseaux et les insectes seuls
quelques fleurs
puis un portrait de Louise Michel, là, pas de confusion possible !!!
elle y fut instit un bref moment de vie avant de monter à Paris

Lyvie a dit…

euh... je l'ai raté en tant que téléfilm déjà passé à la tv, ou pas encore vu au ciné parce que devant sortir début avril ?

JEA a dit…

@ sylvie

pour une diffusion sur des antennes française, je suppose que c'est passé
pour les salles de ciné, ce sera selon le "bon" vouloir des distributeurs
restent les circuits parallèles, et là il ne semble pas pleuvoir des échos négatifs sur le film, donc tout espoir n'est pas utopique...