DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

lundi 21 septembre 2009

P. 175. La "Liberté" de Gatlif primée à Montréal

.
Le Grand Prix des Amériques à
Tony Gatlif pour son
"Liberté" (Korkoro).

Aucun de ses films ne véhicule une seule image banale. Gatlif ne fait pas son cinéma avec les siens, les gitans, mais il leur élabore leur propre cinéma. Pas du folklore. Une culture pour des gens dont les voyages incessants n'ont cessé de déranger, d'irriter, d'être stigmatisés, ciblés, criblés de préjugés, de rejets, de persécutions...

Depuis 1975, avec sa caméra jamais fixe, il a tourné :
- La Tête en ruine, La Terre au ventre, Corre gitano, Canta gitano, Les Princes,
Rue du départ, Pleure pas my love, Gaspard et Robinson, Latcho Drom, Mondo, Gadjo Dilo, Je suis né d'une cigogne, Vengo, Swing, Exils, Transylvania…


Et voici que sa dernière pellicule est récompensée à Montréal, avant sa sortie en France (en décembre ?). Comme la Francophonie ne se résume pas en un nombril parisien, cette page sans attendre des projections dans les chambres noires des cinémas rive gauche ou rive droite, hexagonaux et autres.

Communiqué de Presse :

- "C'est le tout nouveau film du réalisateur français Tony Gatlif, "Liberté", qui a remporté en septembre 2009 les grands honneurs du jury et du public au Festival des films du monde de Montréal (FFM).
Le film de Gatlif ("Exils", "Gadjo Dilo") a reçu du jury le Grand Prix des Amériques, et a été le plus populaire auprès du public du festival, en plus de recevoir une Mention spéciale du Jury oecuménique.
« Parfois, le cinéma peut aussi être l'avocat des opprimés, a déclaré le lauréat. Ce prix-là, c'est une bougie qui s'éclaire dans le trou noir de l'histoire des Tsiganes en France et en Europe


Tony Gatlif sur le tournage de "Liberté" dans la région de St-Bonnet-le-Château (DR).

Synopsis :

- "Théodore, vétérinaire et maire d'un village situé en zone occupée pendant la Seconde Guerre mondiale, a recueilli P'tit Claude, neuf ans, dont les parents ont disparu depuis le début de la guerre. Mademoiselle Lundi, l'institutrice fait la connaissance des Tsiganes qui se sont installés à quelques pas de là. Ils sont venus pour faire les vendanges dans le pays. Humaniste et républicaine convaincue, elle s'arrange, avec l'aide de Théodore, pour que les enfants Tsiganes soient scolarisés. De son côté, P'tit Claude se prend d'amitié pour Taloche, grand gamin bohémien de trente ans qui se promène partout avec son singe sur l'épaule.
Mais les contrôles d'identité imposés par le régime de Vichy se multiplient et les Tsiganes, peuple nomade, n'ont plus le droit de circuler librement : Théodore cède alors un de ses terrains aux bohémiens, désormais sédentarisés. Tandis que les enfants Tsiganes suivent les cours de Mademoiselle Lundi, P'tit Claude est de plus en plus fasciné par le mode de vie des Bohémiens - un univers de liberté où les enfants sont rois.
Mais la joie et l'insouciance sont de courte durée : la pression de la police de Vichy et de la Gestapo s'intensifie et le danger menace à chaque instant. Comme ils l'ont toujours fait depuis des siècles, les Tsiganes devront reprendre la route...

Dans Liberté, Tony Gatlif dirige le petit-fils de Charles Chaplin, James Thiérrée connu pour ses créations théâtrales fantaisistes et poétiques, ainsi que Marc Lavoine (Le Coeur des Hommes) et Marie-Josée Croze (Le Scaphandre et le Papillon)."

Tony Gatlif :

- "J'ai voulu donner d'eux une autre image que celle forgée par la peur et la haine, et qui a conduit directement aux chambres à gaz les Gitans, les Manouches et les Bohémiens, peuple nomade et libre." (1)

Extrait du film, tfm distribution (DR).

Odile Tremblay :

- "Ce film humain et coloré du cinéaste de Latcho Drom, avec Marie-Josée Croze en vedette, enchantait par ses images, son rythme et sa musique.
Gatlif a déclaré que le cinéma pouvait parfois être aussi un avocat pour les sans-voix, ici les Roms dépouillés de leur histoire et de leur génocide. À lui également le Prix du public et une mention spéciale du jury oecuménique. Si après cette manne, le film ne trouve pas un distributeur au Québec..."
(le devoir.com, 8 septembre 2009).

Claudia Guerra :

- "Quand on regarde un film de Tony Gatlif, on sait d’avance qu’on évoluera dans son univers habituel : celui des Tsiganes, qu’ils soient de Roumanie, du Maroc, de la France. Et c’est ce qu’on veut. Cette fois, dans Liberté, en compétition mondiale du Festival des films du monde, le réalisateur s’intéresse aux tsiganes de la Seconde Guerre Mondiale et raconte une histoire finalement pas si éloignée de la réalité actuelle (…).

C’est à la suite de plusieurs demandes de Roms qu’il a rencontrés, de sa participation à un colloque international des Roms à Strasbourg et à la lecture d’un ouvrage de Jacques Sigot que Tony Gatlif, lui-même gitan, a concrétisé le tournage de ce film sur ce peuple et de raconter l’ histoire de leur déportation, un sujet qu’il voulait explorer depuis longtemps et qu’il n’avait pas abordé auparavant par manque de maturité.
Le film revêt d’autant plus un caractère particulier pour Tony Gatlif qui voulait témoigner de ce pan d’histoire oublié dans les ouvrages d’histoire ou les manuels scolaires."
(Pieuvre.ca, 31 août 2009).

Extrait du film (DR).

Anicée Lejeune :

- "Aucun acteur n’avait le scénario. Je leur donnais les scènes la veille au soir et je leur racontais l’histoire pour qu’ils s’imprègnent de leur personnage."
Une façon pour les acteurs de vivre pleinement leur rôle, de lui donner plus d’émotion et de s’engager pleinement. La présence de 11 Roms venus de Translyvanie pour le film apporte de la spontanéité et du caractère au scénario.
"J’avais peur de faire un film historique parce qu’on est obligé d’être droit. Alors, oui, on peut être emprisonné dans la reconstitution historique, mais j’ai trouvé le moyen d’être libre comme dans un film contemporain."

Avec Liberté, Tony Gatlif a concrétisé sa grande envie de tourner un film sur ce peuple et sur le génocide dont il a été victime. Mais il souligne aussi que l’histoire n’a pas servi de leçon.
"Aujourd’hui encore, nous vivons la même chose. L’étranger fait toujours aussi peur. La façon de penser et de juger les gens est toujours identique."
Tony Gatlif livre également à travers ce film sa définition du mot liberté."
(Métro Montréal, 28 août 2009).


NOTE :

(1) Pour éviter toute équivoque, il importe sans doute de préciser qu'en France, les Gitans ont été pourchassés et enfermés ès qualité. Dans 27 camps dont 22 pour eux seuls. S'il faut citer des noms : Beau-Désert (Mérignac), La Morellie (Indre-et-Loire), Saliers (Midi)...
Ils furent environ 3.000 à subir cette totale privation de liberté et des conditions très dures qui entraînèrent des morts par sous-alimentation, par manque de soins...
Mais de France, les Tsiganes ne furent pas déportés. Et donc que ces Gitans des camps sur le territoire français n'ont pas été mis derrière les barbelés de Birkenau avant les chambres à gaz.
Une seule exception, le convoi XXIII Z du 15 janvier 1944 au départ du Sammellager de Malines pour Auschwitz. Dans ce convoi furent mis 351 Tsiganes de Belgique et du Nord de la France (rattaché à l'administration militaire de Bruxelles) dont 175 enfants. A la libération, il ne restait que 12 survivants.
Cette remarque ne vise nullement à établir une hiérarchie des horreurs, à participer à une sorte de compétition indécente entre les victimes. Mais elle me semble s'imposer par simple volonté de réalité historique. Il y eut persécution mais pas génocide des Gitans de France.

16 commentaires:

Brigetoun a dit…

vais si peu au cinéma que je ne le verrai sans doute pas - pourtant un préjugé hautement favorable

JEA a dit…

@ brigetoun

Au moins une bonne nouvelle : votre nouveau MAC ne serait plus techniquement allergique aux noirceurs des pages de ce blog...

Elisabeth.b a dit…

Heureuse de ce prix, comme de l'apprendre ici. Les Tziganes, ces Européens au statut incertain sur leurs terres elles-mêmes. Gadjo dilo n'inventait pas la haine des villageois qui brûlent une maison et son occupant dans la Roumanie contemporaine.
En Europe Centrale, des années 70 à 2000, on a stérilisé de force des femmes rroms. Peu d'échos de ces crimes encore aujourd'hui. Oui elles ont eu le courage de se battre et ils sont reconnus.

Samudaripen, génocide au nom rarement prononcé.

Vous avez choisi la voix de Margita Makulova. Je songe aussi à celle de Mónika Juhász Miczura, aux fabuleuses fanfares roumaines ou serbes.
Un ouvrage requarquable : Couleur de fumée. Épopée tzigane, de Menyhért Lakatos (Actes Sud).

D. Hasselmann a dit…

Encore un incendie à Montréal !

On attend impatiememnt que Gatlif vienne mettre le feu à Paris, et qu'il n'oublie pas d'envoyer une invitation pour la première à Eric Besson !

Cactus , ciné-chineur a dit…

un de mes cinéastes militants préférés !
ha ce nez !!!!!!!!!!!!! Cyrano peut aller se déshabiller !

Elisabeth.b a dit…

Les paroles de la chanson de Růžena Danielová qu'interprète Margarita Makulová peuvent se lire ici.

Zoë Lucider a dit…

Quand j'étais petite, on disait à ma mère, "ma parole, ils vous l'ont échangée à la maternité" et elle m'appelait tendrement ma gitane. Or je percevais bien que ce peuple n'était pas tenu en haute estime. Quand j'ai vu les films de Gatlif, je me suis sentie en effet des leurs, aussi ai-je un doute, ne m'aurait-on pas échangée à la maternité ? J'irais voir ce film, le sujet, le titre, le metteur en scène, tout m'y invite. Merci de l'information

JEA a dit…

@ Cactus homme lézard

Vous seul l'oseriez : Gatlif homme au pif respirant tous les alizés des libertés.

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

Parfois, sur des sujets qui nous importent vraiment et sans vouloir me montrer impérialiste, il me semble qu'une page écrite à quatre mains, vous acceptant d'apporter les chemins et les jardins, serait portée par des vents favorables...
Merci pour vos liens et mes excuses pour les noms propres dont l'orthographe n'a pas été respectée (accents...).

JEA a dit…

@ zoé lucider

Et si les légendes avaient été à l'envers ? Imaginons que, bébé encore emmaillotée, vous ayez été dérobée subrepticement à une famille de gens qui voyageaient lentement, vous supposant endormie et bercée par les cahots d'une roulotte ?
Et à défaut de vous, si c'était la véridique histoire soigneusement cachée de votre mère ou de votre grand-mère ?
Enfin, me souvenant de votre photo, n'y réduisiez-vous pas en fumée une cigarette papier maïs "gitane" ???

JEA a dit…

@ D. Hasselmann

Invitation pour une projection à Calais : la "jungle" plus des voleurs de poules; la totale pour Besson le son des discours hypocritement officiels...

Elisabeth.b a dit…

Oh la plupart de mes accents ne sont que copiés. En dehors des á et des ó faciles à écrire. Il est naturel de franciser les noms. Mais j'avoue que je les aime avec tous leurs signes. Les langues sont autant de musiques.

Vous soupçonner d'impérialisme ? L'idée m'a fait tant rire...
J'accepte mais crains de n'avoir aucune compétence. Une attention certes, des attachements, quelques lectures et tant de questions. Cela pèse si peu. Non, ce n'est pas humilité. J'évalue simplement l'étroitesse du chemin.

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

Du sémaphore, je vous envoie des signaux quand un sujet apparaît à l'horizon...

CHALOT a dit…

L'histoire commence à reparler d'eux, ces oubliés de ma mémoire qui ont été chassés, parqués puis emprisonnés par la police de Vichy avant qu'ils ne soient pour la plupart déportés. Plusieurs centaines de milliers d'entre eux, sans que l'on puisse en connaître le nombre, sont morts en camp de concentration.
Ce film émouvant au possible nous fait partager la vie difficile et dramatique d'une grande famille tzigane qui cherche tout simplement à vivre dans cette France occupée où la police aux ordres les poursuit.
Théodore, vétérinaire et maire d'un village de la zone occupée les accueille et cherche avec l'institutrice Madame Lundi à les protéger de la vindicte populaire.
La population paysanne accepte ces gens venus d'ailleurs à la condition qu'ils ne restent pas longtemps et quand Théodore propose leur sédentarisation provisoire afin qu'ils ne soient pas envoyés en camp par les nazis, les vieux réflexes quelque peu xénophobes prennent le dessus.
Les personnages sont très attachants et le réalisateur a évité toute caricature, c'est ainsi que le spectateur découvre la vie de ces « roms » et très vite il se prend d'affection pour Taloche, le grand enfant de 30 ans magnifiquement interprété qui protège P'tit Claude, un enfant dont les parents ont disparu .
Le spectateur n'a pas le temps de souffler ou de respirer car si au début de l'histoire, les images et la musique nous plongent dans un milieu chaleureux ou l'on se sent bien, très vite on perçoit le danger qui guette et le drame qui arrive.
Evidemment Marc Lavoine est plus vrai que nature dans se rôle taillé pour lui mais ce sont les tziganes qui nous attirent par le jeu étonnant haut en couleurs et en mouvements de Taloche qui saute, court, bondit et volerait presque ou par la belle Tsigane sur son cheval au galop.
Des questions bien actuelles sont posées par ce film comme celles sur les conditions de scolarisation et d'accueil de ces enfants.
En effet si ce film qui ne laisse aucun spectateur indemne nous plonge dans l'histoire noire de notre pays et de l'Europe, il nous conduit aussi à réfléchir sur la situation actuelle.
Comme l'a exprimé un homme du voyage à la fin d'une projection : «  aujourd'hui encore nous sommes obligés de pointer touts les trois mois avec des carnets qui ressemblent étrangement à ceux d'hier ».
Comme « autrefois » , les panneaux indiqués « interdit aux gens du voyage » sont apposés un peu partout et des barrières les empêchent d'occuper des terrains alors que ceux qui devraient être aménagés ne restent qu'en l'état de projet...
Le débat actuel sur l'identité nationale nous montre que les périls sont encore là.
La France a effectivement un devoir de mémoire à remplir, non seulement pour rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont disparu dans les campas de la mort mais aussi pour que plus jamais cette patrie des droits de l'homme ne soit souillée par le racisme et la haine de l'autre.
Ne manquez pas ce film qui sortira le 24 février 2010, emmenez y vos amis . Les tsiganes vous feront danser et vous vous souviendrez longtemps de cette histoire sociale et humaine dramatique.

Jean-François CHALOT

Unknown a dit…

bon bah comme tout le monde j'attends la sortie de Liberté (hihihi!!!). j'ai jamais été déçu par un Gatlif. Et je vous invite à aller sur le myspace de Gatlif pour écouter mp3 de Liberté (pour ceux qui sont pas au courant) MySPace Tony Gatlif

Unknown a dit…

bon bah comme tout le monde j'attends la sortie de Liberté (hihihi!!!). j'ai jamais été déçu par un Gatlif. Et je vous invite à aller sur le myspace de Gatlif pour écouter mp3 de Liberté (pour ceux qui sont pas au courant) MySPace Tony Gatlif