DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

samedi 21 novembre 2009

P. 197. "A l'origine", le film...

.
Affiche du film de Xavier Giannoli (DR).

Au Nord,
il n'y a pas que les corons...

Synopsis :

- "Philippe Miller est un escroc solitaire qui vit sur les routes. Un jour, il découvre par hasard un chantier d'autoroute abandonné, arrêté depuis des années par des écologistes qui voulaient sauver une colonie de scarabées. L'arrêt des travaux avait été une catastrophe économique pour les habitants de cette région. Philippe y voit la chance de réaliser sa plus belle escroquerie, mais son mensonge va lui échapper."

Xavier Giannoli :

- "Je raconte l'histoire d'un homme qui reconstitue une famille. Un peu comme dans un western : un type arrive dans une ville. Les gens le prennent pour le nouveau sheriff. Et c'est parti.
C'est l'histoire d'un homme qui se lance dans une aventure trop grande pour lui, et qui va réussir à se dépasser lui-même, tout en étant dépassé par son mensonge. C'est un homme providentiel, surgi de nulle part, qui propose une aventure à tous les habitants de la ville. Il emmène tout le monde avec lui, alors que l'immobilisme régnait avant son arrivée. Il incarne un cri vital de colère face à une société qui, en permanence, veut nous réduire à n'être capable que de nous adapter aux réalités économiques. A la sortie du film, un spectateur m'a dit : «Votre film n'est pas seulement un divertissement, c'est une bombe sociale.» C'est vrai que dans le film, il est question du désir de croire que quelque chose de collectif est possible, qui va relier toutes nos solitudes à un mouvement qui vise à se sentir de nouveau vivant."
(Le Figaro, 10 novembre 2009).


- "Parmi les plus de deux mille figurants, il n'y avait que des gens de Cambrai et de ses alentours… C'était une première pour moi. J'ai rendu fou mon premier assistant parce que je voulais tous les diriger moi-même !
Cette région a été filmée par les gens que j'aime le plus, comme Pialat. Et les plaines du Nord ont une dimension mythologique qui me fait penser aux films de Sergio Leone. C'est l'ambiance que je recherchais. Surtout, il n'y a pas un terril dans le cadre : je voulais éviter les clichés."
(La Voix du Nord, 8 novembre).


François Cluzet, négatif de héros (DR).

Jean-François Pluijgers :

- "Si elle est assurément peu banale, l'histoire que porte Xavier Giannoli à l'écran s'inspire pourtant de faits réels. Passé l'étonnement - la ficelle est, de prime abord, un peu grosse, ce fond de vérité ne manque pas d'interpeller, tant s'y révèle un immense désarroi social sur lequel vient s'en greffer un autre, intime celui-là. Une situation dont A l'origine donne la mesure de façon sensible, en prise sur la réalité sans pour autant tomber dans la lourdeur démonstrative du film à message. C'est la vérité humaine que traque le réalisateur, dans un film porté aussi par un souffle romanesque incontestable. Et dont la mise en scène conjugue judicieusement l'âpreté du Nord à quelques élans lyriques de toute beauté.
Forte et frémissante à la fois, l'£uvre vibre encore de l'intensité de François Cluzet et Emmanuelle Devos, l'ensemble de la distribution étant d'ailleurs au diapason des intentions. Jusqu'à Gérard Depardieu qui, affichant 30 ans plus tard une dégaine à la Loulou , vient nous rappeler l'immense acteur qu'il demeure à condition d'être bien dirigé - ce qu'avait déjà éloquemment démontré Giannoli dans l'inoubliable Quand j'étais chanteur . C'est dire si A l'origine a tout d'un maître-film..."
(L’EXPRESS - Le Vif.be, 12 novembre 2009).


Frédéric Soto :

- "C’est l’histoire d’un petit escroc totalement dépassé par l’ampleur de son arnaque qui devient le bienfaiteur d’une ville toute entière en attente d’espoir et de renouveau économique.Ce long métrage est tenu par la qualité du casting – les acteurs ont beaucoup travaillé avec les victimes de ce fait divers – avec François Cluzet en tête qui nous livre sans nul doute l’un des plus beaux rôles de sa carrière. L’ambivalence entre sa culpabilité de l’appât du gain et son attirance de la solidarité collective des « gens du Nord » se lit sur son visage et dans ses longs silences hésitants. Son interprétation de Philippe Miller nous fait croire en l’être humain et François Cluzet nous emmène avec lui sur le chemin de « l’autoroute de la rédemption ».Quant aux seconds rôles, Stéphanie Sokolinski, en femme de chambre diplômée et comptable, est toute en justesse, tout comme Vincent Rottiers en voyou en quête de réinsertion et d’un modèle paternel.Malgré quelques longueurs – bien que le film ait déjà été amputé de 25 mn depuis le Festival de Cannes – Xavier Giannoli a réussi son pari en filmant l’alchimie entre un drame social et un thriller à l’atmosphère noire. Le spectateur sort envoûté et ravi de ce voyage."
(NORD-CINEMA.com, 11 novembre).


L'oeil de Xavier Giannoli à la caméra (Cadr. JEA/DR).

Jean-Luc Douain :

- "Construire une autoroute contre vents et pluies ou bâtir un Opéra en pleine jungle amazonienne : il y a du Fitzcarraldo (1982) d'Herzog chez ce Philippe Miller, mû par une quête que n'aurait pas désapprouvée John Huston, celle des conquérants en rébellion contre les éléments, déterminés à poursuivre leur quête blasphématoire, soûlés par l'épopée plus que par le butin. Miller transforme son périple de prospecteur d'or en croisade, il est "l'homme qui voulut être roi". Le conquistador d'une route n'allant "nulle part". Et qui distribue son magot à ses proies. "J'ai eu de la chance de les rencontrer" sera sa dernière phrase avant de disparaître. (…)
A l'origine raconte moins l'histoire d'une arnaque que la spirale qui entraîne l'usurpateur dans une sorte de rédemption, via l'alchimie du virtuel au réel. Giannoli fait exister une myriade de personnages "secondaires", qu'il enracine dans leur contexte géographique et social. Stéphanie Sokolinski fait une bien belle irruption dans le cinéma en femme de chambre d'hôtel propulsée comptable, Vincent Rottiers est parfait en voyou avide de réinsertion, Emmanuelle Devos est bouleversante dans le rôle du maire de la commune."
(Le Monde, 10 novembre).


Excessif.com :

- "Le réalisateur ne s'embarrasse pas de fioritures, filmant au plus près des hommes mais n'oubliant jamais de faire baigner ses images dans une atmosphère en lévitation. Avec sa musique synthétique, ses sonorités cristallines et ses nappes feutrées, Cliff Martinez participe grandement à ce sentiment et nous fait le même coup qu'avec sa sublime partition pour le Solaris de Steven Soderbergh. Enveloppé par ce mensonge incroyable, par une galerie de personnages secondaires caractérisés avec soin (mention spéciale à Gérard Depardieu et Soko), A l’origine envoûte par sa sincérité et emballe par sa densité dramatique. A l'origine, il y a un fait divers. Au final, il reste un grand film."
(s. d.)


Un cinéma qui n'est pas aux bottes du box office (DR).

Anthony Sitruk :

- "A l’origine, diamant brut qui élève le cinéma français à un niveau rarement atteint cette année, et certainement pas par les films dits populaires (au hasard Micmac à tire larigot ou Cinéman), est donc un grand film, un gros film, une épopée intimiste qui, sans laisser sur le bas côté un grand public adepte de divertissement et de grand frisson – et le film en est gorgé -, choisit de respecter ce public et de véhiculer autre chose qu’un spectacle décérébré. Si la durée du film passe donc sans trop de problème (on ne voit pas le temps passer, certains moments filant même à la vitesse d’un clip musical), c’est principalement grâce à ce respect qu’a le cinéaste pour un genre qu’il investit sans complexe, mais sans non plus de complaisance."
(FILMdeCULTE, s. d.)



19 commentaires:

Brigetoun a dit…

il faudrait que je redécouvre le cinéma

JEA a dit…

@ brigetoun

C'est le cinéma qui, avec vous, aurait une nouvelle chroniqueuse talentueuse...

D. Hasselmann a dit…

Un gros chantier, ce film. Et surtout un sujet peu "porteur" pour les producteurs à l'affût du "blockbuster" qui écrase toutes les autres salles.

François Cluzet, un acteur à part, qui vit toujours ses rôles à fond.

Le péage vaut sûrement le coup.

JEA a dit…

@ D. Hasselmann

Lundi prochain, c'est vous qui inaugurez les "pages voyageuses" de ce blog.
Avec un billet consacré à "Une si jolie carte"...
Plus que deux fois dormir !

Elisabeth.b a dit…

Un si joli rendez-vous ?

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

Des (re)trouvailles pas tristes...

claire a dit…

A l'origine sauvons les riches... une émission adaptée au sujet d'un film qui ne se prend pas la tête. J'irai le voir certainement. Merci JEA !

Zoë Lucider a dit…

J'ai entendu plusieurs interviews du réalisateur et d'Emmanuelle Devos qui expliquait la difficulté du tournage pour les hommes dans le froid et la boue. J'irais sans doute le voir d'autant que j'aime bien Cluzet (moins E. Devos hélas)

JEA a dit…

@ claire

Autant vous dire que je cherchais avec quelque désespoir une vidéo pour rendre hommage à Kriss.
Mais voilà, Kriss, c'est une voix, pas une image. Et rien à l'horizon des vidéos qui dédaignent, oublient, snobent la radio...
Finalement, je n'ai trouvé que cette séquence de l'émission "Kriss Crumble" (je suppose)...
Sinon, dans les liens à droite du blog, il a de beaux hommages à Krssi et auquels s'associer. Ainsi chez Christophe Borhen.

JEA a dit…

@ zoé lucider

Chez vous, l'arbre ne cache pas la forêt des palabres...
et cet arbre, à en croire les dessins secrets de son tronc, fut planté voici un an déjà
bon anniversaire à vous, à lui...

Elisabeth.b a dit…

@ Zoé : j'aime Emmanuelle Devos. Moins Cluzet. Ne pouvons-nous regarder À l'origine ensemble, chacune s'attachant à ses préférences.
Puis nous reconstituerons le film? Devant une tasse de thé, un café. Ou, plus adaptée à la saison, de la vodka au miel et aux épices (très supérieure au grog).

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

seule Zoé a un droit de réponse
mais si je puis glisser un mot ?
pour supposer que seul un arbre, au milieu de chemins et de jardins, pourrait faire de l'ombre à votre rencontre-partage ?

Saravati a dit…

Tout d'abord, je trouve l'affiche racoleuse, je n'aime pas qu'on veuille me prêter des sentiments ou des sensations avant d'aller voir un film (je sais, ce genre de présentation est courante...).
Ensuite, la bande-annonce ne m'attire pas vraiment, trop de machines, peut-être ...un peu décousue !
Pour le reste, le début du synopsis, historie d'escroquerie, me fait penser à l'histoire de "L'uomo delle stelle" (1995, de Tornatore, superbe film !). Mais ça s'arrête là.
Ici, il semble qu'on veuille se raccrocher à une espèce de parcours initiatique, très à la mode en ces temps.
L'histoire peut être intéressante.
Mais comme j'ai lu les commentaires, je n'irai pas voir ce film de sitôt.
Merci pour votre présentation multifacettes !

Saravati a dit…

Je voulais ajouter que le nord a la cote pour le moment et que quelque part , ces paysages atypiques méritent aussi d'être mis en valeur ... ((c'est un peu ma région prolongée de l'autre côté de la frontière !)
A voir aussi pour ce côté ethnologique !

JEA a dit…

@ Saravati

Quand vous déposez votre lance-flammes...
Ma première motivation en métamorphosant maladroitement un film en billet, c'est la vérification que cette pellicule ne sera pas à l'affiche au ciné le plus proche (48 km) dans le mois à venir.
Evidemment, je souhaiterais que ce soit du cinéma, tout "simplement" du 7e art. Et ni des pop-corns ni des chewing-gums sur grand écran racoleur...
Les affiches, les bandes annonces, ce sont des cloches. Et ces carillons-là peuvent être casse-pieds (osons l'image).
Mais "A l'origine", m'a semblé avoir une place ici. Pour ce Nord (mon voisin pour un grand marché du samedi, là où furent abattus par l'armée française des grévistes pour cause de mise en pratique du 1er mai). Reste que ma solidarité n'a pas à (m')aveugler ni à donner une cadence pour le pas de qui que ce soit.
Et là, et votre esprit, et votre critique oxygènent les commentaires.

Saravati a dit…

@JEA
Loin de moi, cette volonté d'ouvrir le feu. Et votre billet a le mérite d'exister, sans lui, je n'aurais même pas su que ce film existait, parce que je suis un peu loin de tout en ce moment !
Et puis mon film culte n'étant pas "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", je me permets de lancer quelques réflexions, peut-être mal-venues puisque n'ayant pas vu le film mais se resituant dans un contexte de campagne de publicité ronflante tous produits y compris ceux de la "culture".

JEA a dit…

@ Saravati

Nous sommes à égalité, n'ayant vu ni l'une ni l'autre ce film...
Par contre, j'ai une fâcheuse tendance à ne pas résister à l'usage d'images excessives.
Aussi j'efface le lance-flammes. Et le remplace par cette musique étonnante d'une montgolfière. Pour reprendre de la hauteur, un jet de flamme lui est vraiment nécessaire. Et cette mongolfière est très bienvenue dans le ciel de ce blog...

Saravati a dit…

@JEA
Sachez que les images excessives ne me dérangent en rien, bon la montgolfière, c'est pas mal aussi, ça permet de laisser les idées surplomber de grandes surfaces (paisibles, j'espère).
Et puis, la métaphore est aussi un des ingrédients du pain quotidien de ceux qui ont l'ambition d'écrire de grandes choses ou de petites phrases, chacun à sa hauteur !
A d'autres explorations, donc, ici et ailleurs ! Merci à vous !
Figurez-vous que j'ai connu votre blog au moment de ses remous et que je l'ai découvert, une fois que vous avez amorcé sa renaissance. Pour dire, qu'aucun évènement n'est jamais gratuit !

JEA a dit…

@ Saravati

Kriss proposait, elle, d'observer les "poissons volants"...
Mais comme chasseurs et pêcheurs abondent dans mon coin, la montgolfière (fière à juste titre)est sans doute moins risquée pour survoler ce blog. Merci de ne pas l'avoir jeté (ce blog) avec le bain des tempêtes.