DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

dimanche 15 novembre 2009

P. 194. L'église fortifiée de Marly-Gomont

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Pour situer Marly-Gomont en Thiérache.
Carte d'après : Sur une frontière de la France. La Thiérache. Aisne, Textes, Photographies et Cartographie, sous la direction de Martine Plouvier, Association pour la généralisation de l'Inventaire régional en Picardie, 2003, 287 p. (Montage JEA / DR).

Sixième étape sur une route inventée
des églises fortifiées de Thiérache.

Village carrefour, Marly-Gomont cumule les départementales. Soit la D 26 (au sud de Chigny), la D 774 (au nord de Vervins) et la D 31 (entre Guise et Etreaupont). La localité frôle une Oise enfantine, encore jouette. Plus sérieusement, l'axe vert de Thiérache a adopté ce vallon pour les évasions des marcheurs et des cyclistes.

Marly-Gomont est encerclé par les Petits Villiers, les Jardins Garmouse, la Fosse Potelette, Lefaty, la Fontaine Colette, la Renardière, les Rejets, les Prés Echangés, le Mont des Loups...


L'église Saint-Remi, vue d'ensemble nord-ouest (ph. JEA / DR).

Loin d'occuper une place centrale dans le village, l'église est le premier édifice se dressant à l'arrivée de la D 774 provenant de Vervins.

La nef rectangulaire en brique, remonte à 1633 (sur des assises plus anciennes). Tandis que le chœur date du XVIIIe.
Pour sa protection, Saint-Remi compte quatre échauguettes d’angle. A hauteur d'homme, des meurtrières percent les trois murs de la nef, rendant défensif cet espace cultuel...

Porte du XVIIIe siècle (Ph. JEA / DR).

En comparaison avec plus de 70 églises fortifiées de Thiérache, Marly-Gomont présente une "fantaisie" exceptionnelle. A la base des échauguettes occidentales encadrant le proche, le grès a été taillé en forme de visages rustiques. Il est vrai que la dureté de la pierre s’opposa à tout travail ornemental délicat...

Echauguette nord-ouest (Ph. JEA / DR).

Comme tant d'autres, villages Marly-Gomont semble victime d'un certain mimétisme avec son cimetière. Les anciens se sont retirés. Mais les chemins sont déserts. Les fleurs rares. Les rires absents. Les enfants aussi.
Les nuages ont beau passer et repasser en boucle, pas un avion de papier ne décolle...

Cimetière de Marly-Gomont (Ph. JEA).

En 2006, un jeune villageois a jeté un fameux pavé dans la mare de cette morosité. Kamini, auteur compositeur à mobylette :

- "Dédicacé à tous ceux qui viennent des p'tits patelins,
Ces p'tits patelins paumés pour qui personne n'a jamais rappé,
Même pas un flow,
Ces p'tits patelins paumés que même la France elle sait pas qu'ils sont là chez elle,
Les p'tits patelins paumés que personne ne connaît, même pas Jean-Pierre Pernault *sanglots*

J'm'appelle Kamini,
J' viens pas de la Téci,
J'viens d'un p'tit village qui s'appelle Marly Gomont,
Alors qu'on monte sur le beat hein, le beat hein qui fait Ta da da da din,

A Marly Gomont, y'a pas d'béton,
65 ans la moyenne d'âge dans les environs,
1 terrain d'tennis, 1 terrain de basket,
3 jeunes dans l'village donc pour jouer c'est pas chouette,
J'viens d'un village paumé dans l'Aisne, en Picardie,
Facilement , 95 % de vaches, 7 % d'habitants, et parmi eux,
Une seule famille de noirs, fallait qu'ce soit la mienne, putain un vrai cauchemar.
J'ai dit à mon père « On aurait pu aller s'installer à Moscou, non ?
On aurait pas trop été dépaysés par la température et ni par les gens ».
Il m'a répondu : « Hé et comment ça, mais tu te moques de moi toi, mais ça va aller hein »
Tu parles, j'avais 6 ans, premier jour d'école et ben j'ai chialé à cause d'ces p'tits cons là bas,
t'sais comment y m' appelaient ? « Hé bamboula, Hé Petito, Hé Bamboula, Hé l'Noiraude hé ».
Dans la bouche des enfants, réside bien souvent la vérité des parents.

Refrain x2
J'viens pas d'la cité,
Mais le beat est bon,
J'viens pas d'Panam,
Mais d'Marly Gaumont.
Y'a pas d'bitume là bas,
C'est qu'des pâtures,
mais c'là n'empêche que j'ai croisé pas mal d'ordures.

A Marly Gaumont, les gens y parlent pas verlan,
« Y parlent à l'endroit comme ça, c'est ben suffisant » *accent Chti*
Des fois y t'aiment bien
« J'aime pas les arabes hein, J'aime pas les Noirs, mais toi j't'aime bien, même si t'es Noir »
D'temps en temps, y font d'la politique aussi, avec plein de philosophie.
« D'façon moi j'dis, tous des pourris hein».
Dans les p'tits patelins, faut pas être cardiaque, ah ouais sinon t'es mal,
Faut traverser vingt village en tout 50 bornes pour trouver un hôpital que dale,
Là bas y'a rien c'est les patures.
Des fois y'a un match de foot le dimanche.
Le stade c'est une pâture, sur lequel les lignes sont tracées,
les buts sont montés et les filets et dans l'équipe du coin,
Y'a toujours un mec qui s'fait surnommer Kéké « Allez Kéké, Allez Kéké »
Si c'est pas Kéké dans l'équipe d'en face, y'a toujours un mec qui s'appelle Biquette « Allez Biquette, allez Biquette »
Une journée type dans l'coin, le facteur, un tracteur et rien...

'fin si une vache d'temps en temps."

Kamini (DR).

-"Refrain x2 :
J'viens pas d'la cité,
Mais le beat est bon,
J'viens pas d'Panam,
Mais d'Marly Gaumont.
Y'a pas d'bitume là bas,
C'est qu'des pâtures,
mais c'là n'empêche que j'ai croisé pas mal d'ordures.

Et à l'école maternelle, j'étais l'seul black,
Et dans l'putain d'collège, j'étais l'seul black,
Et dans l'putain d'lycée, j'étais l'seul black,
De la maternelle au lycée, toujours autant d'claques
Qui s'perdaient dans la nature ou dans la raison,
Papa m'disait toujours « c'est bien, faut pas s'battre, hein fiston »
Mais moi j'voulais m'revolter, mais là bas, y'a rien à cramer
Y'a qu'un bus pour le lycée, c'est l'même pour le centre aéré,
Pas la peine d'aller brûler, l' voiture du voisin,
Les gens y z'en ont pas, y z'ont tous des mobylettes,
En plus el' boulangerie, elle est à 8 kilomètres,
8 kilomètres tout les matins à mobylette.
Il est parti où Vincent, il est parti en catimini ?
Ah ben non, pas de ça chez nous hein, l'parti en mobylette hein.
Parti en mobylette hein, l'métro des p'tits patelins,
C'est l' beat hein, le beat hein qui fait Ta da da da din,

Dédicacé à tous ceux qui viennent des p'tits patelins,
Les p'tits patelins paumés où c'est la misère
Là où ya rien à faire là où tout est fermé,
Ces p'tits patelins paumés que personne ne connaît, même pas Jean-Pierre Pernault *sanglots*

Refrain x4 :
J'viens pas d'la cité,
Mais le beat est bon,
J'viens pas d'Panam,Mais d'Marly Gaumont.
Y'a pas d'bitume là bas,
C'est qu'des pâtures,
mais c'là n'empêche que j'ai croisé pas mal d'ordures."


19 commentaires:

Brigetoun a dit…

fantaisies sculptées, le gentil Kamini, oui mais aussi magnifiquement tapie cette église

D. Hasselmann a dit…

Ah oui, vous laissez un certain suspense avant de nous mener au sympa Kamini : je me souviens fort bien de son "tube" qui avait pris, avec son succès sur Internet, à contre-pied toutes les maisons d'édition de musique !

Mais l'église reste imperturbable (si elle n'en pense pas moins et pardonne !) : vos échauguettes ne nous échaudent jamais.

"L'avion de papier" noté montre que chez vous l'esprit d'enfance est resté, ce qui est sans doute un bien très précieux !

JEA a dit…

@ Brigetoun

Hélas impossible de proposer Kamini en sons et lumières. Les vidéos sont chasses gardées.

JEA a dit…

@ D. Hasselmann

Pour créer des emplois sur place : des taxis nationalisés et remplaçant les mobylettes de service ?
Ce qui n'est pas incompatible avec un atelier artisanal de fabrication d'avions en papier, de cerfs-volant farfelus et autres fusées pacifiques...

Elisabeth.b a dit…

Et de jolis moulinets à vent colorés qui se vendaient autrefois sur les plages.
La chanson avait beaucoup amusé. Mais ce sont vos itinéraires en Thiérache qui incitent au voyage. Sculpter le grès...

JEA a dit…

@ Elisabeth.b

Oui... réhabiliter les moulins : ni les rus ni les zéphyrs ne font défaut.

TOLERANCE a dit…

Ah la France profonde, ce n'est pas l'idéal (sans commentaire).

JEA a dit…

@ TOLERANCE

Hélas mes insuffisances techniques m'empêchent de laisser joints à votre commentaire Perret et Lili...

Cactus , ciné-chineur a dit…

à Marly , si tu savais !
merci à nouvea !

Cactus , ciné-chineur a dit…

Tolérance de préférer plutôt " Gorge profonde " , je pense !

JEA a dit…

@ Cactus homme lézard

deux commentaires successifs : "un concert" (voir le billet 191 de ce blog)...

claire a dit…

Tiens, une église ouverte ? et encore: beau contraste entre les pierres et les clous, ciel fantasque et rebelle, bonne bouille de Kamini... tout cela se lit comme une histoire. Merci JEA !

claire a dit…

j'oublie... le 'Gloria in excelsis' c'est sérieux ? (avec ce billet)

JEA a dit…

@ Claire

voilà bien l'un des paradoxes de ces plus de 70 villages à églises fortifiées :
par un(e) passant(e) avec qui au moins parler des temps (météo et celui qui trépasse)
un peu une impression de coquilles vides
mais la plupart des édifices religieux sont ouverts (mais décatis)...

JEA a dit…

@ Claire/Gloria

Kamaini avait toute sa place en haut de la colonne de droite mais comme précisé déjà, ses vidéos sont frappés d'interdiction de transferts sur les blocs-notes
dès lors
église = musique religieuse mais aussi pour profanes et même mécréants

Elisabeth.b a dit…

Temps qu'il fait, temps qui passe. Et les temps qui s'inscrivent sur les partitions ? Dans vos églises deThiérache les pierres ont-elles gardé la mémoire des chants ?
Aussi sympathiques que soient les chansonnettes contemporaines, j'y entendrais mieux des accords plus anciens.
Comme Douleur me bat, attribué à Josquin des Prez. Enregistré à Amandsberg. Sous les ♪♪♪

Saravati a dit…

La révolte n'a pas de couleur de peau, le désoeuvrement, non plus.
Et les petits patelins paumés ont parfois de beaux édifices. Apprendre la tolérance, l'acceptation de la différence, apprendre à regarder avec des yeux neufs ...et chanter avec son langage à soi, même si on ne sait pas chanter, faire sortir ces mots qui parlent fort à l'intérieur pour enfin voir l'extérieur ... mais attention à la récupération qui est partout et qui sert à endormir les consciences ...Ah, la part des choses, ça part parfois en eau de boudin !

JEA a dit…

@ Saravati

une conclusion en chant de la légion ?
pour revenir aux églises fortifiées de Thiérache, elles ne sont même pas récupérées par les chauve-souris

Elisabeth.b a dit…

Un de ces chants qui disent
Venus d'Europe, venus d'Afrique,
A l'appel d'un destin mystérieux...
?
Oui, il y a tant de choses à regarder avec des yeux neufs.

Pour les chauves-souris je ne vois guère de solution. Mais elles ne doivent pas manquer de refuges.