L'Apiculteur,
D'heure en heure
L'apiculteur se meurt
Theo Angelopoulos
O Melissokomos, 1986.
Synopsis :
- "Spyros, un apiculteur vieillissant, assiste au mariage de sa fille, une triste cérémonie, dans une Grèce hivernale qui n'a rien à voir avec les agences de voyages. Devant le vide de sa vie actuelle et la vieillesse omniprésente, il abandonne sa femme et part vers le sud au volant de sa camionnette délabrée, chargée de ruches.
Rompant les amarres avec son passé d'ancien enseignant, d'ancien militant, il s'en va par les routes, les sentiers de fleurs, à la rencontre d'un présent qui évoque à chaque instant son passé, de vieux amis dont ce vieux compagnon de lutte français aujourd'hui grabataire; de la maison où il est né et surtout, de la jeunesse, en la personne d'une jeune fille qui n'a pas de prénom, mi-fugueuse, mi-routarde. Ils poursuivent ensemble leur voyage sans but, au coeur d'un pays triste, pluvieux, parmi les bistrots pouilleux et les hôtels sinistres. Bien après leur rencontre, dans une salle de cinéma minable, ils font l'amour au pied du grand écran. Un acte banal qui annonce et précède leur séparation.
Parvenu au bout de son itinéraire parsemé d'adieux à son passé, Spyros choisit la mort. Parmi les ruches et les fleurs des collines, il fait le sacrifice de sa vie; offrant son visage nu aux piqûres des essaims qu'il vient de libérer."
Raphaël Bassan :
- "D’une terrible beauté. L’Apiculteur est un témoignage implacable sur le vide idéologique et le reflux intellectuel qui nous tiennent depuis des années déjà, et dont il faudrait songer peut-être à sortir."
(La Revue du Cinéma n° 426 , avril 1987).
Spyros-Marcello... (DR).
Theo Angelopoulos :
- "Il faut tenir compte de ce que cet homme a cinquante-cinq ans et qu’il a derrière lui l’expérience historique de près d’un demi-siècle. Ce n’est donc pas un innocent mais quelqu’un qui porte le poids du passé. Même si à un certain moment il évoque avec ses amis ses espoirs anciens dans un changement du monde, tout ce contexte existe déjà au commencement du film. Il a vécu très intensément ces quarante dernières années qui, pour la Grèce et pour le monde, ont été très importantes. Années de guerre, années de répression, mais en même temps années d’espoir.
Donc c’est un homme d’aujourd’hui avec ce passé derrière lui et qui se trouve face à cette jeune fille qui n’a pas de mémoire et qui le surnomme « Monsieur-je-me-rappelle ». C’est le conflit entre la mémoire et la non-mémoire.
On m’a demandé souvent « pourquoi se suicide-t-il ? »
Mais pour moi il ne se suicide pas. C’est un geste de désespoir à la fin mais, au moment même où il renverse la ruche d’abeilles, il essaie de communiquer en tapant sur le sol comme le font les prisonniers. Car il est prisonnier d’une situation et il essaie de communiquer avec les données d’hier.
Mais il faut chercher de nouvelles données et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous vivons un grand moment d’attente qui va conduire à des changements qu’on ne peut prévoir. Mais il est certain que cela ne peut pas durer ainsi. Il y a toujours eu des trous dans l’histoire de l’homme, de grands silences. Et nous sommes dans un tel trou. D’autre part il y a la peur du silence."
(propos recueillis par Michel Ciment, Positif n° 315 , mai 1987).
(Re)Voir sur ce blog La chasse aux cigognes en cliquant ICI.
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