- "Le Père Duchesne, le célèbre journal de Jacques René Hébert, parut de 1790 à 1794.
Journaliste de génie, à l’avant-garde du combat révolutionnaire, Hébert se fit, à l’apogée de son influence politique, l’écho et le porte-parole des sans-culottes parisiens.
À coups de métaphores familières, de jurons désopilants, de situations improbables, il savait faire mouche et mettre les rieurs de son côté, qu’il s’agisse de railler le « daron » (Louis XVI), l’« architigresse » (Marie-Antoinette) ou le « général Blondinet » (La Fayette).
Son héros, le Père Duchesne, toujours heureux de « s’en foutre une pile » en « étouffant des enfants de choeur » à la santé de la Nation, voulait « dépapiser Rome », « foutre à la lanterne » les aristocrates et faire monter dans la « voiture à trente-six portières » (la charrette des condamnés) les adversaires de la Révolution. Hébert lui-même allait périr en mars 1794, victime de la « cravate du docteur Guillotin ».
Les mots du Père Duchesne traduisent, parfois avec outrance, souvent avec justesse, la culture de la rue, le climat politique d’une époque, et sa radicalisation entre 1790 et l’an II. Plus encore, ils témoignent de la richesse d’une langue, de ses évolutions et de ses survivances dans le parler quotidien et l’« argot » de notre siècle."
L’auteur :
- "Agrégé d'histoire et docteur de l'université Paris I, Michel Biard est professeur d'histoire du monde moderne et de la Révolution française à l'université de Rouen. Il dirige en outre les Annales historiques de la Révolution française.
On lui doit notamment Collot d'Herbois. Légendes noires et Révolution (1995), Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission, 1793-1795 (2002), La Révolution française. Dynamiques, influences, débats, 1787-1804 (avec Pascal Dupuy, 2004) et Les Lilliputiens de la centralisation. Des intendants aux préfets : les hésitations d'un " modèle français " (2007).
"La République ou la mort..." (DR).
Laurent Lemire :
- "Le Père Duchesne était un journal redoutable, virulent, contestataire et ordurier. Il s’y exprimait néanmoins le langage de la rue. Entre deux réunions politiques, Jacques René Hébert (1757-1794) traînait ses guêtres sur les trottoirs de la Révolution. Il en relevait les mots, les figures, les idées qu’il distillait dans son journal qui parut de 1790 – 1794. Il alimenta la Terreur en dénonçant le « modérantisme » de l’Incorruptible Robespierre et finit lui aussi la « cravate du docteur Guillotin » autour du cou.
(…)
Dans ce dictionnaire plein de malices et d’irrévérences, c’est la rue révolutionnaire qui résonne avec sa truculence et ses trouvailles qui perdureront dans la langue verte. D’ailleurs aujourd’hui, le gouvernement pourrait trouver dans le Père Duchesne quelques expressions toujours bien compréhensibles par le bon peuple comme « nous allons dorer la pilule pour te la faire avaler plus facilement »...
(l’@mateur d’idées, 30 janvier).
Laurent Lemire :
- "Le Père Duchesne était un journal redoutable, virulent, contestataire et ordurier. Il s’y exprimait néanmoins le langage de la rue. Entre deux réunions politiques, Jacques René Hébert (1757-1794) traînait ses guêtres sur les trottoirs de la Révolution. Il en relevait les mots, les figures, les idées qu’il distillait dans son journal qui parut de 1790 – 1794. Il alimenta la Terreur en dénonçant le « modérantisme » de l’Incorruptible Robespierre et finit lui aussi la « cravate du docteur Guillotin » autour du cou.
(…)
Dans ce dictionnaire plein de malices et d’irrévérences, c’est la rue révolutionnaire qui résonne avec sa truculence et ses trouvailles qui perdureront dans la langue verte. D’ailleurs aujourd’hui, le gouvernement pourrait trouver dans le Père Duchesne quelques expressions toujours bien compréhensibles par le bon peuple comme « nous allons dorer la pilule pour te la faire avaler plus facilement »...
(l’@mateur d’idées, 30 janvier).
Jacques René Hébert (DR).
Jérôme Gautheret :
- "Le Père Duchesne, c'est un type comme vous et moi. Un sans-culotte sans histoires, un citoyen comme tout le monde. Un quidam, quoi. Ce personnage imaginaire est né au XVIIIe siècle, au milieu des bateleurs et des poissardes, dans les baraques de foire des faubourgs de Paris. A la faveur des bouleversements révolutionnaires, ses aventures ont été reprises au théâtre, puis dans des journaux. L'un d'entre eux fut porté par un plumitif de talent, Jacques-René Hébert (1757-1794), ancien employé du Théâtre des Variétés devenu un des leaders de la section des Cordeliers. Son Père Duchesne s'imposa comme le journal de référence de tous les sans-culottes.
Outrancier, violent, ordurier, il avait tout pour plaire. Et comme on dit de nos jours, l'auteur assumait. "Si j'avais voulu trancher un bel esprit, je m'en serais aussi bien tiré qu'un autre. Moi aussi, je sais parler latin ; mais ma langue naturelle est celle de la sans-culotterie ; j'aime mieux être des pauvres bougres (...) que de prendre le ton de nos journalistes freluquets qui, pour plaire aux petites maîtresses et aux prétendus honnêtes gens, n'osent nommer les choses par leur nom. Il faut jurer avec ceux qui jurent, foutre !"
Comme la Terreur a mal tourné, depuis deux siècles, le Père Duchesne a plutôt mauvaise presse. Pourtant, Michel Biard, directeur de la revue des Annales historiques de la Révolution française, a entrepris de lui rendre honneur, d'une manière assez inattendue. Il a exhumé, dans les quelque 400 numéros du journal d'Hébert, les mots et expressions typiques du "parler sans-culotte", et en a retracé le sens, et l'origine. Le résultat est un dictionnaire inattendu, à la fois hilarant et érudit."
(Le Monde, 26 février)
Fabrice Pliskin :
- "Bon connaisseur de notre histoire nationale, Sarkozy rappelait récemment que la France est un «pays régicide». Un dictionnaire de l'historien Michel Biard vient confirmer cette expertise. «Parlez-vous sans-culotte ?» recense les tonitruants idiomes du «Père Duchesne», le journal de Jacques René Hébert, paru entre 1790 et 1794.
A l'origine, la figure populaire du père Duchesne n'est pas une invention de Hébert; elle est née sous la plume d'un auteur anonyme en 1788, l'année où le roi consent à convoquer les Etats généraux. Dans sa première apparition, on voit ce gueux fondamental inspecter les fourneaux du souverain à Versailles et donner un coup de truelle sur les ongles du dauphin.
«Tous ceux qui aiment la franchise et la probité ne s'effarouchent pas des bougres et des foutres dont je larde, par-ci, par-là, mes joies et mes peines», avertit Hébert dans sa prose coupante comme la «cravate du Docteur Guillotin».
Dans son journal, le grand démagogue du club des Cordeliers travaille à «débadauder» (détromper) son lecteur, à «mettre en cannelle» (en pièces) les «marchands de phrases», les faiseurs d'«aristracasseries» et les «foutus frelons qui mangent le miel des laborieuses abeilles».
Toute coïncidence entre cette époque «monarchieuse» et la nôtre serait évidemment fortuite, comme toute similitude entre l'«architigresse» (Marie-Antoinette) et la première dame de France ou entre la «clistérisation» de Louis XVI et les exercices de musculation intimes du président, dont se gobergent toutes les gazettes d'Angleterre.
Hébert fut guillotiné à son tour en 1794. Il va sans dire que ce poète terroriste eût voué à l'échafaud l'auteur de cet article rédigé dans une «langue sucrée» et languissamment sociale-démocrate."
(Le Nouvel Observateur, 5 février).
"Le véritable père Duchesne" (DR).
Quand nous parlons sans-culotte sans le savoir :
Avoir une dent contre quelqu'un.
C'est mon petit doigt qui me l’a dit.
Couper le sifflet à quelqu'un.
Dorer la pilule...
Enfoncer des portes ouvertes.
Entre la poire et le fromage.
Etre au bout du rouleau.
Il n'y a plus à tortiller.
La cinquième roue du carosse.
Le rasoir national.
Manger de la vache enragée.
Manger la laine sur le dos.
Mettre des bâtons dans les roues.
Mettre le grapin sur...
Mettre les pouces.
Prendre la balle au bond.
Reculer pour mieux sauter.
S'amuser à la moutarde.
S'en foutre comme de l'an quarante.
Tirer les vers du nez...
Autant de plaisirs du langage et de l'écriture qui perdurent...
1 commentaire:
Merci pour ce message. ce livre m'interesse bien, et m'en voilà curieuse à présent... Comme toutes les blogueuses "lectures", me voilà donc écrivant encore une fois : "Je note!"
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