- "En cette année de commémoration du 90e anniversaire de la fin de la Grande Guerre, et alors que le dernier poilu vient de disparaître, Tardi renoue avec la mémoire de 14-18 à travers son nouveau projet : une évocation en bande dessinée du premier conflit mondial, et de la place qu’y ont occupée, au quotidien, les hommes qui s’y sont affrontés et entretués.
Un récit de fiction, mais où le souci de véracité et la rigueur de la reconstitution historique occupent une place primordiale.
Ce nouveau projet, dans la forme, reprend le découpage en 3 strips par page déjà utilisé dans l’album. C’était la guerre des tranchées. Le récit débute en couleurs, mais, au fil de sa progression chronologique, et à mesure que la guerre s’enkyste, s’étend et s’approfondit, adopte les tonalités de plus en plus monochromes de la boue et de la grisaille.
Avant d’être proposé en librairie en album, fin octobre, ce nouveau grand récit de Tardi fait l’objet d’une publication sous la forme d’un journal grand format, à raison de trois numéros de vingt pages chacun.
Chaque numéro du journal, centré par ordre chronologique sur l’une des années de la période 1914-1916, comporte d’une part quinze pages de bande dessinée et d’autre part cinq pages de textes et d’articles, consacrés à l’actualité non-militaire de la période.
L’ensemble de ces textes, illustrés par Tardi, est signé de l’historien Jean-Pierre Verney, qui assure depuis des années, aux côtés du dessinateur, le travail de documentation."
Tardi (Le Soir, 24 octobre 2008) :
- "J'essaie juste de faire comprendre les choses. Le souvenir de la Première Guerre mondiale, c'est très flou pour les ados de 2008. Pourtant, le XXe siècle ne s'en est pas remis. Aujourd'hui encore, on vit sur des bases historiques héritées de cette époque.
L'idéal, c'est que ces livres incitent les lecteurs à aller plus loin, à se faire leur propre opinion sur ces événements.
J'ai travaillé avec l'historien Jean-Pierre Verney pour que le fond soit solide. Mais je crois que mes images restent très éloignées de la véritable horreur du conflit. Le texte et l'image ne peuvent pas rendre l'odeur des cadavres. En 14-18, on a véritablement industrialisé la mort. On ne peut pas trouver du plaisir à dessiner ça. Mais c'est nécessaire de le faire. On ne peut pas accepter l'accoutumance à l'horreur quotidienne. La Guerre de 14 a montré jusqu'où peut aller la boucherie. J'ai lu ce témoignage inimaginable d'un soldat qui glissait dans les viscères d'un mec monté à l'assaut juste devant lui !"
Dominique Bry (Mediapart, 11 novembre 2008) :
- "Putain de guerre !, par Tardi, c’est 14-18 vu par le prisme du monologue d’un soldat sans nom, sans courage, sans envie belliqueuse. C’est une suite de pensées, celle d’un homme singulier – au sens de seul, aussi – mélancolique et désabusé, à la première personne.
« Je ferais un très bon mort, évaporé dans la confusion. Une sorte de putréfaction anonyme, un disparu. Qui s’inquiéterait d’un ouvrier tourneur aux établissements Biscorne de la rue des Panoyaux - Paris XXème Arrt ? Après tout, un pauvre ça crève dans l’indifférence totale. »
C’est une guerre déjà lasse vécue par ce soldat obscur en garance et horizon qui traverse le champ de bataille et ses stigmates, solitaire et individualiste au milieu des ferveurs nationales, se voyant « cadavre, embarqué […] dans le flot des imbéciles, avec des milliers, des millions d’autres cadavres ».
La crudité du texte de Tardi, par le biais de son personnage raconteur, voix-off de la folie meurtrière ambiante, fait la force de cet album. L’humour est omniprésent, entre le cynisme du commentateur et l’absurde insouciance de la France d’alors. Dans la bouche du soldat de Tardi il n’y a aucune tendresse, aucun patriotisme, peut-être de la lucidité, de la trouille et une grande, une immense désillusion."
Yves-Marie Labé (Le Monde, 14 novembre 2008) :
- "Dans Putain de guerre ! le monologue d'un ouvrier tourneur parisien sert de fil d'Ariane à la description des trois premières années de la guerre, quand, transformés en "clochards en armes", les poilus vivent les pieds dans la boue et la trouille au ventre.
Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney racontent les mutilations et maladies que s'infligent des soldats du front (l'huile de sardine bouillante qui garantissait une jaunisse carabinée), leur peur de se savoir coincés entre la "balle teutonne et le poteau (d'exécution)" pour désertion ou révolte, les épouvantables sacrifices des forts de Vaux et Douaumont, le froid, l'ypérite qui aveugle et étouffe, le rata pourri et l'alcool frelaté, les "Alboches" en face, aussi pauvres bougres qu'eux.
Comme dans C'était la guerre, chaque page se compose de trois cases d'un réalisme graphique parfait - couleurs comprises - et d'une richesse de détails épatante. Jean-Pierre Verney, spécialiste de la Grande Guerre, signe en outre un cahier explicatif de la progression du conflit, étayé par des photos d'époque et un glossaire des tranchées."
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