DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

lundi 10 novembre 2008

P. 45. Automne en Ardennes

Aurore frileux mais point grincheux (RV, photo JEA).

Faute d'été, l'hiver semble impatient.
Entre les deux, l'automne ne s'en laisse pas conter...

Dans ce pays, le soleil est le plus souvent aux abonnés absents. Et c'est très bien ainsi. Ni lui, ni nous, ne nous lassons les uns de l'autre.


Merci à lui car, ici, il ne lui vient jamais la fantaisie de briller à minuit. Il respecte ainsi les chouettes et autres effrayes qui, dans l'obsurité propice, tissent encore la soie comme aux temps vraiment révolus.

Le soleil est donc plutôt rare en apparence. Libertaire. Il se méfie avec raison de ceux qui le reconduiraient aux frontières avec l'étiquette d'immigré évident car basané (en Italie, il a subi un Berlusconi le "plaisantant" sur sa peau "bronzée", un bouffi reprenant ainsi le vocabulaire des fachos mussoliniens).

Mais quand il est parvenu à s'arracher aux rives chaudes, aux régions où il fait même pousser des roses dans les sables, le soleil un peu épuisé, aime à venir se reposer sur le ventre voluptueux de nos collines et dans le lit fragile de nos cours d'eau.

Aurore éblouissant mais point aveuglé (RV, photo JEA).

Ici, les silences ne sont pas des abstractions. Ni les espaces des fictions. Et les oiseaux sont tout sauf empaillés.


Profitant de ses vacances en Ardennes, le soleil se désintoxique provisoirement du pastis pour entamer une ronde aventureuse des bières ou respirer la distillation du cidre sur un marché paysan.

Puis, lui qui n'est pas barbare, se plonge avec volupté dans les bibliothèques de nos forêts. Il feuillette. Apprécie les vieux parfums d'encres et de papiers bavards. Bouquine. En oublie le temps. Prend même des notes qu'il relira plus tard, quand il baillera d'ennui sur des plages lointaines mais désespérément banales.
L'autre crépuscule, l'une de ces notes est tombée de son sac-à-dos. La voici, telle qu'elle fut griffonnée :


- "Quand on n'aura plus rien à faire de soi-même, parce qu'on ne le peut plus, il convient alors d'en finir, quand l'humanité marchera depuis longtemps à l'échelle des étoiles, ceux qui vivront alors seront loin d'imaginer la crèche barbare où, pour une tasse de cacao, nous avons livré nos pitoyables combats, seuls ou avec d'autres, mais même à ce moment là on ne pourra toujours pas corriger le destin de celui qui n'a sa place dans la vie de personne."
Magda Szabo, La Porte, Viviane Hamy, 2003.

Lorsqu'il nous quitte sans se retourner, le soleil, en cadeau sompteux d'automne, s'est décarcassé pour dorer sur tranches les livres de tous nos arbres, eux qui en rougissent de plaisir (et non de suffisance, ce n'est vraiment pas le genre du pays).



Verlaine par la voix de Ferré : La chanson d'automne.

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