Après la 65e Nostra de Venise,
le Festival International du Film Francophone (Namur)
vient de primer "L'apprenti" de Samuel Collarday.
Mille excuses pour la tarte à la crème. Mais le monde du travail : ouvriers, paysans... est presque systématiquement aux abonnés absents du cinéma francophone actuel (du moins sur le vieux continent). A peine quelques caricatures de temps à autre. Ou alors des retours dans un passé plus ou moins décomposé.
A l'horizon des documents, le "Silence dans la vallée" de Marcel Trillat, a néanmoins rappelé voici peu que les usines ne portent pas quatre étoiles, que ceux qui y triment ne sont pas au club med et que la crise s'aggravant, les dernières structures industrielles de zones déjà sinistrées entraînent dans leur naufrage celles et ceux qui s'accrochaient comme des désespérés aux derniers emplois d'une région (dans ce cas, Mouzon, dans la vallée de la Meuse, Ardennes de France).
Or la 65e édition de la Nostra de Venise a réservé une surprise de taille. Loin des acteurs célébrés, des metteurs en scène vénérés, la Nostra a décerné son Prix de la Semaine internationale de la Critique à "L'apprenti" de Samuel Collarday. Un documentaire-fiction.
Vous imaginez. Dans la ville des canaux et des palais au luxe alangui, une telle récompense pour un tel long métrage? Celui d'un réalisateur français inconnu ? Un film reposant tout entier sur un ado allant se frotter durement aux réalités d'un monde rural (Doubs) symbolisé par un fermier authentique et qui ne fait surtout pas du cinéma ?
Pardon, mais soit on court le risque de tomber dans le gnan-gnan, dans le larmoyant, dans le tract (illisible) pour syndicat paysan, soit c'est du 7ème art, rare et convainquant.
La Nostra avait tranché. Le Festival international du Film Francophone de Namur persiste et signe en attribuant à "L'apprenti" une avalanche de prix :
- Prix spécial du Jury,
- Prix de la première oeuvre,
- Prix Émile Cantillon remis par un jury de sept jeunes (18-25 ans)...
(Photo : Samuel Collarday en tournage. DR)
Présentation FIFF Namur :
- Né en 1975, Samuel Collardey, ancien élève au sein du département image de la Fémis, s'est essentiellement illustré ces dernières années sur des productions en tant que directeur photo. Il a ainsi travaillé sur des courts métrages comme "Tempête" (2004) et "À deux" (2005) de Nikolay Khomeriki ou encore "Contre temps" (2005) de Armel Hostiou. En 2005, il réalise "Du soleil en hiver", un court métrage qui a été présenté dans de nombreux festivals et a remporté le Bayard d'Or du meilleur court métrage international. "L'Apprenti" est son premier long métrage.
Samuel Collardey :
- "J’ai perdu mon père quand j’étais assez jeune. Dans ce film, je voulais raconter la relation au père lorsque ce dernier est absent."
Synopsis :
- Mathieu, 15 ans, élève au lycée agricole, part faire son apprentissage d’une année dans une ferme isolée. C’est une petite exploitation laitière des plateaux du haut Doubs. Paul, le fermier, y vit avec son épouse et leur fillette. Jusque là, Mathieu vivait avec sa mère depuis le départ de son père. Cette absence lui pèse à cette période charnière de sa vie et il traîne ce manque avec lui.
Au début, Mathieu peine à s’intégrer dans la vie de la famille. Paul est toujours jovial mais distant et pudique et il tarde à Mathieu que celui-ci lui accorde plus d’importance. Petit à petit, Mathieu se glisse dans les traces de Paul et devient son apprenti. Le travail commun les rapproche insensiblement…
(Photo : Mathieu Bulle. DR)
Terre de chez nous :
- Mathieu, élève à la Maison familiale et rurale de Vercel va devenir l’apprenti de Paul, le paysan. Tous comme les autres protagonistes du film, ils jouent leur propre rôle.
"Je les ai rencontrés tous deux indépendamment" : Samuel Collardey s’appuie sur la réalité pour raconter une histoire. "Je leur impose des situations qui ne sont jamais éloignées de leur vie. Je mets en scène. Après ils vivent la situation et improvisent avec ce qu’ils ressentent."
Avec Catherine Paillé, un scénario est établi. "Mais dès la première semaine de tournage, j’ai rangé le scénario pour inventer le film au fur et à mesure."
Pendant peu ou prou une année, à raison d’une semaine de tournage par mois, Samuel Collardey a posé sa caméra dans la ferme de Paul Barbier à la Lizerne, à 2 km de Maîche, mais aussi à la Maison familiale et rurale de Vercel, dans le foyer de Mathieu… Une année pendant laquelle l’apprenti grandit, apprend et se construit. La caméra le suit à travers des gestes du quotidien : nettoyage de l’étable, conduite du troupeau de montbéliardes, discussions avec Paul, veillée avec la famille Barbier, mais aussi mort du cochon, naissance du veau, jeux dans la neige, dispute avec sa mère, beuverie avec les copains…
Conflit de générations et conflits d’idées émaillent le film. Pour Paul on n’exploite pas la terre, on la cultive. Il mène sa ferme plus à l’instinct, quand le jeune voudrait que tout soit mieux organisé. Malgré les différences, le jeune garçon se rapproche du paysan. Ils se confient l’un à l’autre lors de deux séquences poignantes.
(Photo : la ferme de la Lizerne. DR)
Marion Pasquier :
- Ce que l'on retient surtout du film est l'authenticité du portrait qu'il fait du monde rural. L'histoire de Mathieu est en partie autobiographique et le cinéaste l'a tournée dans la région où il a grandi. On sent pourtant aussi dans son regard la curiosité et l'attachement pour ceux qu'il filme.
Les comédiens ne sont pas professionnels, Paul-personnage se confond même avec le vrai Paul, derrière un même visage charismatique. Tous parlent avec un accent fort, leurs activités manuelles, leur façon de vivre, semblent presque anachroniques. L'observation de ce monde par Collardey et la justesse avec laquelle il en rend compte permettent à L'Apprenti de proposer un univers particulier et original.
(Présentation pour la 65e Nostra de Venise).
Sur FR3 Bourgogne Franche-Comté : interview de Samuel Collarday après Venise. Cliquer : ICI.
SORTIE en France : 3 décembre prochain. En Belgique ???
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