DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

mardi 15 juin 2010

P. 297. Quand la "défense des auteurs" se traduit par un film "symboliquement" déprogrammé

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Pour "Utopia"
impossible de trouver "sympa"
"à 5 heures de Paris"


Mon premier est film. D'amour incertain, improbable. Toute politique est absente des images. C'est un couple qui rêverait de voir Paris. Avec des chansons ringardes ou nostalgiques, selon les goûts et les couleurs.
Après que le sang ait hélas coulé au large de Gaza, mon second se traduit par une déprogrammation "symbolique" du film ne contenant pas une seconde sur le conflit entre Israéliens et Palestinens. Pas un seul mot de propagande. Pas l'ombre d'un soupçon de manipulation.
Mon tout est une France où un artiste est ciblé à cause de son passeport qui le rendrait complice d'événements à charge de son gouvernement.

Voici peu, nous eûmes un responsable politique socialiste qui se métamorphosa en chevalier des bonnes moeurs et, à Amiens, décréta l'interdiction d'une expo. 
Voici maintenant Utopia, ces "défenseurs du cinéma d'auteurs" établissant un tri entre ceux-ci et posant la condition que ces derniers aient un gouvernement changeant de politique... Ils vont avoir du boulot avec des cinéastes iraniens, chinois, américains, égyptiens, russes, congolais, turcs, vietnamiens, cubains pour n'en citer que quelques-uns...

Mon premier.

Synopsis :

- "A seulement 5 heures de vol de Paris, dans la banlieue de Tel-Aviv, deux solitaires se rencontrent. Lui est chauffeur de taxi. Elle est professeur de piano. Lui n’a jamais quitté Israël, elle est en transit entre deux pays. Lui a délaissé toute ambition, elle a abandonné ses illusions.
Tous deux redoutent l’avion qui les attend : il a la phobie des airs et doit pourtant s’envoler pour Paris où sera célébrée dans quelques jours la bar-mitsva de son fils, elle ne sait plus si elle doit prendre l’avion qui l’emmènera au Canada où son mari doit s’installer. Leur histoire d’amour est-elle une simple escale sans lendemain ou le point de départ d’une nouvelle vie ?"

Avoir-alire :

- "A cinq heures de Paris, réalisé par Leonid Prudovsky, est un long-métrage israélien qui se distingue des œuvres actuelles issues de ce pays, par le fait que le cinéaste exclut toute portée politique de son film ; le conflit israélo-palestinien (et plus largement les troubles au Proche et Moyen-Orient) n’y est évoqué d’aucune façon.
L’action aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs dans le monde : cette comédie retrace effectivement les tribulations d’un homme et d’une femme, quadragénaires, maladroits, n’osant s’avouer leurs sentiments."

Diagonal Montpellier :

- "L’idylle qui se noue entre Yigal et Lina n’emprunte rien aux clichés de la comédie romantique américaine. Ici, c’est la complexité des relations amoureuses, décrite avec tendresse et humour, qui donne le ton. Porté par deux acteurs remarquables (Dror Keren dans le rôle de Yigal, parfait dans son rôle d’homme au charme discret, hésitant et parfois faible, et la belle et émouvante Elena Yaralova, impeccable en professeur de piano romantique et frustrée par une carrière de concertiste jamais réalisée), «A 5 heures de Paris» détonne dans un cinéma israélien habituellement plus axé sur des thématiques sociales, politiques ou historiques.
Preuve indéniable de son universalité, de sa maturité et de son étonnante diversité.

La musique est au coeur de ce film empli de charme et de sensibilité, entre vieux tubes français d’Adamo, Alain Barrière, Joe Dassin... chansons populaires russes et sonates de Beethoven et Chopin. Chacune correspond aux personnages qui vont se croiser et s’aimer dans ce long-métrage."


Leonid Prudovsky (DR).

Mon second.

Utopia :

- "Notre geste est symbolique et ponctuel. Cette décision collégiale a une signification précise : dire notre désapprobation concernant l'agression israélienne contre les navires pacifistes qui voguaient vers Gaza.
Nous n'avons rien contre ce gentil petit film, que nous nous engageons à programmer au premier signe de lever de blocus israélien de Gaza."

NB : Juste un mot pour dire, à mon estime, combien est élégante la formule de "gentil petit film" énoncée par ces "défenseurs du cinéma d'auteur". A se demander pourquoi ils avaient auparavant programmé un long métrage de fiction aussi dépourvu d'envergure.

Patrick Troudet :

- "Nous avons appris le raid au moment même où nous faisions notre programme dans lequel figurait A cinq heures de Paris. Il s’agit d’une comédie charmante sur laquelle il aurait fallu écrire un texte sympa, ce qui, sur l’instant, me paraissait impossible. Alors, nous avons pris la décision de le déprogrammer, pour attirer l’attention et dire notre désapprobation. C’était un geste symbolique, touchant ce film produit avec l’aide de l’organe de production officiel d’Israël."
(Utopia Bordeaux).

Les Inrocks :

- "Le réseau Utopia, spécialisé dans l’exploitation du cinéma d’auteur, entend faire l’impasse sur la sortie du film, dont la sortie en France est prévue le 23 juin prochain dans une quarantaine de salles. Les cinémas Utopia de province ont donc déprogrammé la comédie, entendant ainsi affirmer leur désapprobation des agissements d’Israël.
Une décision qui risque de faire polémique au sein de la communauté israélienne et plus largement auprès d’un public soucieux du respect et de la libre visibilité des œuvres, d’autant que le film semble dénué de nature partisane."

NB : Que faut-il comprendre par "communauté israélienne" ? Les juifs de France ? Il y a décidément des sujets qui font se renverser les encriers des confusions.

"Si tu es sage, tu iras au cinéma à Paris quand ils trouveront notre film fréquentable" (DR).

Mon tout.

Observatoire de la liberté :

- "Cette punition d'un auteur israélien revient à le rattacher de force à la politique et aux actes de l'État dont il est ressortissant".

Amos Schupak :

- "Etrangement le film déprogrammé n'a pourtant aucun caractère politique. C'est une banale comédie romantique dont les protagonistes sont un chauffeur de taxi et une professeur de piano qui se rencontrent dans une banlieue de Tel-Aviv.
Rien qui relève donc d'un soutien au gouvernement israélien, rien qui ait trait aux événements de ces derniers jours. Aucun fanatisme aveugle, aucune cécité idéologique.
Boycotter cette histoire d'amour balbutiante est ridicule. En outre, ce boycott culturel est absurde tant il va à l'encontre des principes de liberté et d'ouverture que prône Utopia."
(Rue89).

Ludi Boeken, réalisateur :

- "L'argent de l'état israélien, fédéré par l'Israeli Film Fund, aide à la production de films qui ne représentent en rien le gouvernement israélien. En effet, hors des films apolitiques, ce fond a aidé à la production des principaux films israéliens de contestation de ces dernières années et notamment Adjami, Valse avec Bachir, Lebanon, etc….
La droite et l'extrême droite israélienne ne font qu'attaquer ce fond afin de réduire au silence les cinéastes qui, en partie grâce à ce fond, luttent contre la politique gouvernementale actuelle en Israël.
Boycotter les artistes ne sert à rien, s'engouffrer dans cette voie ne sert que les intérêts des censeurs. De tous temps les artistes ont utilisés l'argent de l'état pour le critiquer. Métaphoriquement ou directement selon les régimes sous lesquels ils vivent, les artistes sont très souvent des combattants de la liberté."
(Lettre à Utopia).


Bande annonce.
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8 commentaires:

D. Hasselmann a dit…

Anne-Marie Faucon, la cofondatrice d'Utopia, est revenue sur sa décision et le film sortira donc dans son circuit de salles :

http://www.toutlecine.com/cinema/l-actu-cinema/0001/00016988-utopia-programmera-le-film-israelien-a-5-heures-de-paris.html


Il n'en reste pas moins utile de dénoncer ce genre d'attitude, même modifiée devant les réactions justifiées, et qui remplace la discussion politique par le bâillon de la censure.

La Feuille a dit…

Sur ce sujet "sensible" il me parait également intéressant de donner le point de vue de la cinéaste Simone Bitton dont le film "Rachel" a été programmé à la place de "à cinq heures de Paris". Ce texte me parait intéressant d'autant que le point de vue est différent de celui exprimé ici, mais néanmoins fort pondéré.
Je m'aperçois que le "copier-coller" va être un peu long alors je me contente de proposer un extrait et de donner le lien pour le texte complet en espérant que certains prendront la peine de "faire le clic nécessaire".

extrait : " Je ne connais pas Léon Prudovsky, mais j'ai lu quelque part que tout en étant « un peu attristé » par cette mésaventure , il n'en fait pas lui-même un si grand cas, et ce n'est pas lui, ni son distributeur, qui ont initié la polémique un peu grotesque qui voudrait faire de lui la victime d'un terrible acte de censure « antisémite ». Il faut dire que s'agissant d'antisémitisme, il y a plus caractérisé que de remplacer le film d'un Israélien par le film d'une Israélienne ! "

lien article complet : http://www.rue89.com/bitton/2010/06/14/laffaire-utopia-autour-du-film-israelien-une-polemique-obscene-154777

Amicalement

Paul

JEA a dit…

@ D. Hasselmann

Du fond de ma province, malaisé d'y voir clair. Le film est déprogrammé. Puis l'inverse est annoncé. Suit une confirmation de cette déprogrammation...
Ayant perdu le fil rouge, je m'arrête en si triste chemin. Pour tenter de comprendre en quoi ce film représente un tel "symbole" que sa mise à l'écart - provisoire ou pas - se soit imposée dans le monde du cinéma.

JEA a dit…

@ La Feuille

Grand merci pour votre lien.
Vous comprendez que je refuse de m'engager sur la voie ainsi tracée.
Sur cette page du blog, on peut la retourner dans tous les sens, y chercher une encre secrète, JAMAIS le mot d'antisémitisme n'a été écrit ni suggéré. Je suis historiquement trop respectueux de certaines réalités et de certaines victimes pour "jouer" au chiffon rouge avec de tels mots, de tels concepts...
Pardon (et je ne pense évidemment pas à vous) si j'en déçois certains. Mais ce billet ne crie donc pas à l'antisémitisme. Il constate qu'un film que je ne verrai jamais dans mon coin perdu, est même mis à l'écart des écrans parisiens sur seule base de la seule nationalité du réalisateur. Et ça mérite plus qu'un haussement d'épaules.
Si polémique "grotesque" il y a, celle-ci n'a vraiment pas sa place ici. L'art et la politique ne sont compatibles que lorsque le premier empêche la seconde de dormir sur sa fausse bonne conscience. Ici, toujours à mon humble estime, des "défenseurs de l'art" se sont trompés et de combat et d'arme. Nous sommes hélas loin du "grotesque".

La Feuille a dit…

Comme vous, j'ai horreur des polémiques stériles et des échanges d'invectives. Si j'ai pris la peine de rédiger ce commentaire c'est bien parce que j'apprécie le ton de ce blog et que je sais qu'il y serait accueilli comme il mérite de l'être c'est à dire comme élément de débat.
D'autres n'ont pas la même finesse et le texte de Simone Bitton n'a pas été écrit en réponse à votre propre texte. "Antisémitisme" ne fait donc aucunement référence à votre écrit mais à certains délires qui sont apparus dans les journaux ou sur le web.
Personnellement le thème de "à cinq heures de Paris" ne m'accroche pas particulièrement mais je regretterai de ne pas pouvoir voir non plus "Rachel" qui ne sera sans doute pas diffusé dans des salles voisines.
A la suite du texte de Simone Bitton, pour compléter ce que j'ai dit dans mon com précédent, j'ai trouvé intéressant aussi, le texte de la pétition signée par un certain nombre d'artistes et d'universitaires israéliens.

Amicalement,
Paul

PS : on voit qu'il pleut ! J'ai un peu plus le temps de m'intéresser à ce qui se passe sur les blogs amis. Ce n'est pas que je ne lis pas, d'habitude, mais que généralement je n'ai guère le temps de réagir...

JEA a dit…

@ la Feuille

Chez vous, c'est la pluie. Ici, le froid ! 3 degrés au petit matin : encore heureux pour eux qu'il n'y ait plus de laitiers (mais à peine ces mots écrits, je les regrette déjà d'une certaine manière)...
Certes il y eut et il y a toujours des groupes de pression pour tenter de tout ramener au manichéisme. Avec les insupportables rappels du passé pour tenter d'y coller un présent certes brinquebalant mais en rien comparable. Ces agités-là, sont encore plus inquiétants quand ils versent dans tout terrorisme, "intellectuel" ou pas.

Et donc, écarter un film, ce n'est pas le brûler. Mais fermer une frontière à un cinéaste (innocent dans l'histoire) en fonction de sa carte d'identité, ça ne me laisse pas imperturbable.
Je ne participe donc en rien à l'engrenage des insultes et des préjugés et des assimilations. Mais ma plume refuse de s'engourdir.

Je ne sais si l'expression s'est perdue ? Autrefois, on parlait de "bonnes feuilles" en évoquant la publication de quelques pages - les meilleures ? - d'un bouquin avant qu'il n'arrive en librairies.
Avec votre blog, les feuilles à relire, à relier, à mâcher, à mettre sécher pour les veillées d'hiver, sont heureusement mises aux auqtre vents

Liberté a dit…

Avis "aux diaboliques"
Le film à" 5 H de Paris", sera présenté en avant première le 17 juin prochain à 20H30 au Gaumont Opéra : 32, rue Louis Legrand avec débat en présence du réalisateur à l'initiative de RADIO J.
Message à faire circuler le plus possible pour la liberté d'expression
Les Diablos, ne pourront rien y faire.

Zoë Lucider a dit…

Lisant votre présentation, j'allais simplement commenter en m'étonnant qu'on défende un point de vue juste (protester contre le blocus) en usant de moyens idiots. En lisant les commentaires, en particulier celui de Paul, je constate que même si on n'agite pas le chiffon rouge, il est difficile d'échapper aux interprétations passionnelles.
Quand donc pourra-t-on être tous citoyens du monde !letal