"Le film devrait être reconnu
d'utilité publique"
Didier Péron
Libération, 7 avril 2010
Synopsis :
- "Caroline et Colette sont assistantes sociales. À longueur de journées, elles reçoivent des familles qui viennent demander l’asile en France.
Chaque jour il en arrive de nouvelles - avec ou sans bagages, avec ou sans passeport, dans des charters ou dans des camions bâchés. Un matin c’est Zahra, une jeune Erythréenne enceinte de huit mois ; un autre jour, les Kanesha, une famille du Sri Lanka avec ses deux enfants ; puis ce sera les Moulou, un couple d’Erythrée et son bébé ; et encore les Wong qui arrivent tout droit de Mongolie.
Dans leurs regards épuisés, on peut lire à la fois une peur immense et une détermination sans faille. Ils viennent de si loin et ils attendent tant !
Comment répondre au flot débordant de toutes ces détresses, de tous ces besoins ? Avec ces familles, c’est le monde entier qui débarque dans la vie de Caroline et Colette, et dans la nôtre. Un monde chaotique et violent, bouleversant."
Claude Bories :
- "Notre monde est en train de subir une mutation extraordinaire du fait des flux migratoires. Quelque chose de nouveau apparaît sous nos yeux, qu'on ne peut pas ignorer. Cette nouveauté nous semble a priori positive et plutôt heureuse. D'autres pensent différemment. Ce qui est sûr c'est que les étrangers sont là, et qu'autour de cette présence, il y a beaucoup de passion, mais aussi beaucoup de mensonges, de confusion et d'hypocrisie. Nous sommes partis de ce constat, avec le désir d'y voir un peu plus clair, d'aller voir ce qu'il y a dans le réel, au-delà des fantasmes de compassion ou de rejet. Pour cela, nous avons choisi de nous focaliser sur le droit d'asile.
Le droit d'asile et les principes qui sont les siens, donne d'emblée notre point de vue sur le sujet — un point de vue philosophique et éthique, en référence aux valeurs qui nous viennent des philosophes des "Lumières" et de beaucoup plus loin encore. Des valeurs auxquelles nous sommes l'un et l'autre très attachés. Par ailleurs, le droit d'asile, pour se tenir dans une actualité un peu provocatrice, c'est le contraire de l'immigration choisie."
(Dossier de presse).
S. Kaganski :
- "On entend souvent parler d’immigration, de sans-papiers, de demandeurs d’asile mais, dans la bousculade des titres et des infos, on prend rarement le temps d’observer la réalité humaine que recouvrent ces sujets.
Claudine Bories et Patrice Chagnard ont pris ce temps en se postant pendant quelques mois dans les locaux de la Cafda (Coordination de l’accueil des familles demandeuses d’asile)".
(lesinrocks.com).
"Les Wongs qui arrivent tout droit de Mongolie..." (Synopsis).
Cécile Mury :
- "Le film n'est pas une ode simplette à la compassion et au dévouement. A chaque instant, on mesure l'énormité de la tâche : les effets de la politique d'immigration actuelle sur le droit d'asile, le peu de moyens financiers, la paperasserie kafkaïenne...
Caroline, la toute jeune collègue de Colette, est au bord de l'implosion. Perpétuellement à cran, en colère, agacée. D'abord choquante, son attitude révèle, peu à peu, une petite fille effrayée devant la difficulté du boulot. « J'ai été méchante, tu crois ? » demande-t-elle naïvement, après un entretien houleux, à l'interprète qui y assistait.
Ici, traduire, comprendre est crucial. Tout repose sur un drôle de suspense : qui sont ces arrivants, que disent-ils ? Quelle est la part de vérité dans le récit qu'ils font de leurs douleurs et de leurs épreuves ? D'abord, ce ne sont que des visages mystérieux, épuisés, un brouhaha de langues inconnues. Puis, au fil des entretiens, les visages se font plus nets, plus proches, comme si les réalisateurs changeaient de focale. Belle idée, par exemple, de suivre certains « arrivants » à l'extérieur des bureaux. On les voit alors scruter longuement un Paris inconnu depuis une rame de métro : encore et toujours, ils semblent en voyage...
Nous, on s'accroche à eux, à leur avenir suspendu et à leur passé heurté. Au destin de Zahra, par exemple, la belle Erythréenne enceinte, revenue des prisons et des naufrages, qui dévide avec un détachement vertigineux l'écheveau de ses épreuves. Les réalisateurs ne la questionnent pas, ils ne sont là ni pour enquêter à charge ni pour corroborer son récit. A la Cafda, cette gare de triage pour rescapés du monde entier, ils ont trouvé, d'ailleurs, plus de questions que de réponses. Sur le rapport que chacun entretient avec l'Autre, l'étranger. Sur ses propres frontières, en quelque sorte."
(Télérama, 10 avril 2010).
Marion Thuillier :
- "La chronologie des rendez-vous offre par ailleurs une formidable dramaturgie naturelle, puisqu'aux entretiens avec les assistantes sociales succède la mise en français du récit des familles par une juriste. Une étape destinée à apporter la preuve des persécutions subies afin de transmettre un dossier convaincant à l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Ce passage dans le bureau de Juliette nous permet ainsi d'en apprendre davantage sur les différents protagonistes, tandis que leur parole se libère peu à peu. Il dévoile aussi le climat de suspicion qui règne à l'égard des étrangers. En effet, comment ne pas s'interroger sur la vérité de leur récit, alors qu'eux-mêmes se gardent de tout raconter par crainte des représailles ? Une méfiance aggravée par les difficultés de communication dues à la langue, qui donnent également lieu à des situations burlesques.
Les séquences alternent entre rire, émotion et réflexion. Elles s'enchaînent sans le moindre ennui grâce à un montage efficace, tandis que la mise en scène discrète réussit à nous donner l'impression d'être dans la pièce avec eux, à la place de la caméra. Bien loin du film institutionnel, Claudine Bories et Patrice Chagnard nous livrent donc un documentaire plus que nécessaire sur une réalité méconnue et complexe. Sachant qu'au final, seules 7 à 20 % des demandes d'asile sont aujourd'hui acceptées sur le territoire français."
(excessif.com).
"Ils viennent de si loin et ils attendent tant..." (Synopsis).
Olivier de Bruyn :
- "Le film reste au plus près de ses protagonistes. De leurs énervements, faiblesses, peurs et impuissances. Il met en scène une dramaturgie et un vrai suspense qui échappent à la spectacularisation, en l'occurrence hors sujet.
Les cinéastes, loin de toute posture militante, montrent une réalité complexe (et parfois terriblement cocasse) qui, soulignent-ils dans leur note d'intention, n'est « soluble ni dans l'administration, ni dans la bonne volonté ».
Constat d'une rare intensité… « Les Arrivants », derrière la simplicité de son dispositif, témoigne de la situation abjecte où sont renvoyés les demandeurs d'asile et de l'imbroglio (euphémisme) induit par certains textes juridiques.
En ne coupant pas au montage (surtout pas ! ) les difficultés de communication (incompréhensions parfois dramatiques autour d'une phrase, d'un mot), les cinéastes donnent à voir et à entendre une certaine réalité d'aujourd'hui.
En toile de fond omniprésente : le rapport ambigu de la France avec son immigration. Un film important, c'est le moins que l'on puisse dire."
(Rue89, 5 avril 2010).
Didier Péron :
- "Le film les Arrivants devrait (...) être reconnu d'utilité publique, diffusé à une heure de grande écoute sur France Télévisions ou montré dans les écoles (...).
En descendant dans l'arène, le film nous conduit au seuil de nos propres réflexes de peur et de rejet mais, en donnant épaisseur aux expériences souvent hors du commun des migrants, il rend force et sens à la notion exigeante d'hospitalité."
(Libération, 7 avril 2010).
Bande annonce.
6 commentaires:
beau titre de "libération", en souhaitant que ne le voient pas uniquement les convertis ou ceux qui n'ont pas besoin de l'être
Sur ma liste, évidemment. Merci pour l'excellente compilation de commentaires
@ brigetoun
Quid du côté des distributeurs qui ne sont pas des bienfaiteurs de l'humanité ? D'où la pression de Libé sur les programmations des chaînes (quel mot !) télévisées...
@ zoé lucider
Combien aurais-je préféré ne pas être réduit à lire à gauche et (peu) à droite sur ces "Arrivanst". Et y être plutôt confronté face à un grand écran. Hélas, en moyenne, huit à neuf logs métrages présentés sur ce blog ne sont pas projetés dans le département...
Je comprends qu'il faut voir ce film absolument... pour mieux comprendre un phénomène qui nous concerne tous chaque jour davantage. Merci pour ce bel aperçu.
@ MH
Avec cette réserve : rien ne dit que ce film figurera sur des affiches en Belgique (francophone) ?!?
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