un "film citoyen" montre les clandestins voulant franchir le Pas-de-Calais.
Le ministre Besson estime que le cinéaste, Philippe Lioret,
s'exprime avec "une petite musique insupportable"
quand il rapproche 1943 d'aujourd'hui...
Bande annonce de "Welcome".
Philippe Lioret :
- "Le film est l'histoire d'un indifférent. La dramaturgie s'est nourrie des récits des bénévoles. Un type dont la femme passe cinq soirs par semaine à s'occuper de ces clandestins pendant des années finit forcément par péter les plombs. La difficulté était de lier l'affectif à la situation sans devenir balourd. J'ai mis le nez dans le quotidien de ces gens et j'y ai trouvé une dramaturgie et des personnages. Il n'y avait pas de nécessité d'actionner des ficelles, nous avons même dû calmer le jeu. Ainsi les arrestations et les mises en examen sont-elles beaucoup plus brutales que ne le montre le film.
A la vérité, j'ai fait «Welcome» pour des raisons de cinéma, mais le film me fait devenir citoyen. Je n'ai pas une âme d'abbé Pierre, mais tout cela sent si mauvais, c'est si révoltant que je ne peux plus me tenir.
Le film déclenche quelque chose de fort, avant la sortie nous aurons fait 75 projections dans toute la France et il aura été vu par au moins 30 000 spectateurs.
Je retourne souvent à Calais. Une fois que vous vous êtes approché de cette réalité, vous êtes pris. Le film a révélé quelque chose en moi, que j'ai découvert en le faisant et en le montrant. Maintenant, je vais devoir aller au charbon, je ne vais pas m'arrêter là."
(Interview par Pascal Merigneau, le Nouvel Observateur, 5 mars 2009).
Nord Littoral :
- "La boucle est bouclée pour Philippe Lioret après près de trois années d'investissement dans ce projet.
Sylvie Copyans, bénévole de Salam, a accompagné toutes les étapes de ce film :
« Tout a commencé il y a deux ou trois ans, quand Philippe (NDLR : le réalisateur) est venu sur le terrain voir ce qu'il se passait. On a passé deux jours ensemble à aller dans les squats... Il a été choqué par ce qu'il a vu. Il m'a dit : "On ne peut pas laisser une situation comme ça, je vais faire un film pour faire bouger les choses. Si ça pouvait avoir les mêmes conséquences que le film Indigènes..." »
Philippe Lioret s'est donc attelé à l'écriture de son scénario, aidé d'Emmanuel Courcol et Olivier Adam. Régulièrement, il a consulté Sylvie Copyans :
« pour avoir des détails et que son scénario approche au plus près de la réalité. Je lui envoyais aussi des mails quand il se passait des choses. »
Sylvie reçoit au bout de quelque temps une première mouture du scénario. « Je lui ai suggéré quelques modifications. » Puis le film a été tourné en février et mars l'an dernier. Cette bénévole de Salam a vu le film en avant-première à Dunkerque au début de l'année :
« Je n'ai pas été étonnée par le résultat, sourit-elle. Ça colle 100 % à la réalité quotidienne. Tout ce qui est fait au quotidien à Calais apparaît dans le film. Je me disais que certaines scènes, notamment sur les CRS, allaient être censurées, mais non. »
(C. D., 28 février).
Aurélie Lallane :
- "Dans ce capharnaüm social, Lioret appelle à l'altruisme de chacun et pousse le spectateur à ouvrir les yeux sur le monde qui l'entoure. L'histoire paraît basique avec une impression de déjà entendu. Mais pas de déjà vu. A Calais, un maître nageur (Simon) s'engage à ses risques et périls à aider en secret un jeune réfugié kurde (Bilal) qui a pour ambition de traverser la Manche à la nage. Son but : atteindre l'Angleterre tel l'Eldorado où tous ses rêves sont réalisables. Mais par-dessus tout, il souhaite retrouver sa petite amie prise en otage par son père qui veut la marier de force.
Au fil du film, les deux hommes se rapprochent et tissent une relation qui s'apparente à un lien père/fils.
Au départ, Simon est un homme installé dans un quotidien morose en instance de divorce avec une femme qu'il continue à aimer. Alors pour la reconquérir ou du moins l'impressionner il entraîne physiquement et psychologiquement le jeune adolescent jusqu'au bout. Il réalise par lui-même les conditions des sans papiers sur le sol français. Et comprend alors l'engagement humain de sa femme lorsqu'elle prend de son temps pour servir le repas aux apatrides sur le port de Calais."
(Cinezik).
Jamila Zeghoudi :
- "Welcome fait la lumière sur les risques pris par les clandestins déterminés à tout pour gagner la Grande-Bretagne et sur leurs conditions de vie précaires depuis la fermeture du camp de Sangatte, fin 2002.
Lioret montre aussi l’attitude ambigüe des autorités françaises qui tolèrent l’aide apportée par les ONG aux migrants, mais appliquent une législation qui sanctionne tout citoyen qui héberge une personne en situation irrégulière."
(France Inter, 10 mars).
Photo du film : Deria Eyverdi dans le rôle d'une clandestine (DR).
Libération :
- «J’ai le sentiment d’avoir raconté l’histoire d’un type qui a protégé un Juif dans sa cave, en 1943.» Pour avoir fait cette confidence à la Voix du Nord, à propos de son film Welcome, le réalisateur Philippe Lioret s’est attiré les foudres d’Eric Besson.
Samedi, le ministre de l’Immigration a jugé, sur RTL, que le cinéaste «a plus que franchi la ligne jaune […] lorsqu’il dit que "les clandestins de Calais sont l’équivalent des Juifs en 43"».
Pour Besson, «cette petite musique-là est absolument insupportable».«Suggérer que la police française, c’est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu’ils sont l’objet de rafles… c’est insupportable», a-t-il insisté. (...)
Philippe Lioret se défend d’avoir voulu faire un brûlot. Il a juste voulu «mettre le doigt où ça fait mal».
«Si demain, vous voulez rendre service à un mec qui n’a pas de papiers, vous tombez sous le coup d’une "aide à la personne en situation irrégulière"», s’indigne-t-il. Ajoutant que «c’est aujourd’hui que ça se passe, pas en 1943. Et c’est à 200 km de Paris».
(C. C., 10 mars).
Ariane Schwab :
- "En dépit de la noirceur du sujet évoqué, on est rapidement séduit par le jeune Bilal (Firat Ayverdi) et Mina (Derya Ayverdi), deux débutants dénichés en France parmi la communauté kurde et qui jouent incroyablement juste. Et comme à son habitude, Vincent Lindon, sobre et intense, est très émouvant.
Si l'intrigue est peu fournie, Philippe Lioret réussit à maintenir le rythme jusqu'au dénouement. Le film ne laisse bien évidemment pas indifférent."
(Europe 1, 9 mars).
Photo du film : Vincent Lindon et Firat Eyverdi (DR).
Jérôme Garcin :
- "Si je vous dis que c'est un film de plus sur les clandestins, vous risquez de fuir. Vous imaginez déjà le docu-fiction démonstratif, la thèse humanitaire, le libelle bien-pensant. Vous craignez la leçon de morale, et la mauvaise conscience qui va avec.
Remisez vos appréhensions, «Welcome» est un film d'amour, d'aventures, d'apprentissage. C'est du grand cinéma, avec une image signée Laurent Dailland qui donne à la nuit froide et mouillée, à l'incessant et multicolore manège des camions qui embarquent sur les ferries, à l'aube laiteuse sur une plage sans espoir, à la Manche déchaînée, le sentiment d'une détresse universelle. Et intemporelle."
(le Nouvel Observateur, 5 mars).
Anne-Louise Echevin :
- "La mise en scène est toute en finesse et en élégance simple. Le réalisateur a réussi à éviter de tomber dans le pathos et l’émotion dégoulinante. Le sujet et l’interprétation font naître d’eux-mêmes l’émotion et la réflexion.Un très beau film, comme on aimerait en voir plus souvent dans le cinéma français. Philippe Lioret s’impose définitivement comme un grand réalisateur. Puisse-t-il continuer longtemps dans cette voie là. On attend son prochain film avec impatience !"
(CommeauCinema.com, 11 mars).
En grande dame du cinéma, Jeanne Moreau s'adressait directement à Brice Hortefeux, le prédécesseur du ministre Besson (un émigré, mais du PS).
Témoin de notre temps, Jeanne Moreau interprétait, elle aussi, "une petite musique insupportable".
1 commentaire:
très beau billet JEA!
Je vais voir ce film.et écouter sa petite musique.
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