Angela Merkel reste fidèle à ses engagements contre le révisionnisme,
confirmés notamment lors de sa découverte du Mémorial Yad Vashem à Jérusalem.
Lors d'une conférence de presse tenue à Berlin ce 3 février, Angela Merkel, fille d'un pasteur protestant, a souligné qu'elle évitait de s'ingérer dans les affaires intérieures des Eglises. Cette précaution oratoire posée, la Chancelière a rompu le silence général des autres dirigeants européens :
- "Mais c'est différent si nous parlons de questions fondamentales. Et je pense que c'est une question fondamentale si, à la suite d'une décision du Vatican, on peut avoir l'impression que la négation de l'Holocauste est possible... La clarification apportée depuis par le Pape est encore insuffisante."
Angela Merkel marque ainsi son refus officel de voir enterrer le plus vite et le plus discrètement possible l'affaire Williamson. Contrairement à la volonté d'un Benoît XVI qui se considère infaillible en cette matière aussi. C'est son droit le plus strict. Mais la terre entière - qui est ronde - n'est pas obligée d'en perdre son libre examen.
Pour rappel, cet évêque Williamson tenait, fin janvier, la vedette de l'émission Uppdrag gransning (Mission investigation) de la chaîne télévisée suédoise SVT. Ce fut l'occasion d'un défoulement révisionniste de la plus belle eau bénite :
- "Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz..."
- "Je pense que 200.000 à 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz..."
- "Il y a certainement eu une grande exploitation. L’Allemagne a payé des milliards et des milliards de deutschemarks et à présent d’euros parce que les Allemands souffrent d’un complexe de culpabilité pour avoir gazé six millions de Juifs, mais je ne crois pas que six millions de Juifs aient été gazés."
- "Attention {ce que je dis}, c’est contre la loi allemande, si quelqu’un se trouvait ici, on me jetterait en prison avant que je ne quitte le pays, j’espère que ce n’est pas votre intention."
"La prochaine fois que vous tiendrez des propos révisionnistes, faites-le en latin, imbécile. Personne ne comprend". Caricature de Kroll. Le Soir. 3 février 2009.
Quand ces redites négationnistes furent enregistrées, le Monseigneur était encore et toujours en marge de l'Eglise catholique.
Parfaitement intégriste intégré dans la "Fraternité sacerdotale Saint-Pie X", ce Williamson-là fut ordonné évêque en 1988, par un Marcel Lefèvre dissident. Il s'en retrouva automatiquement excommunié.
Mais voilà, Benoît XVI vient de remplir son encensoir avec les fumées parfumées du pardon et de l'oubli. Le Pape réintégre les intégristes au sein de l'Eglise catholique. Le négationniste Williamson reçoit ainsi sa place au Vatican, à l'extrême droite du Saint Siège.
Robert Badinter :
- "Il faut mesurer ce que cela signifie pour des juifs de ma génération.
Si négationnisme il y a, alors où sont passés les nôtres ? Mon père, ma grand-mère mes oncles, mes cousins, où sont-ils partis, que sont-ils devenus?
Ce sont par millions que des juifs sont morts en Europe, victimes du nazisme.
Ce que je déplore, c'est que le chef de l'église catholique, qui représente une telle force spirituelle dans le monde, considère qu'on peut réintégrer dans l'église des hommes qui tiennent de tels propos... C'est une blessure profonde".
(Nouvel Observateur, 2 février 2009).
Au nombre des blessures et des indignations ressenties au sein du catholicisme français, figure cette pétition de "la Vie" :
- « Je crois que les chambres à gaz n'ont pas existé ».
Cet infâme credo qui n'a rien voir avec le christianisme, nous l'avons entendu jeudi 22 janvier dans la bouche de Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques intégristes ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise : depuis des années, ce prélat multipliait les déclarations provocatrices.
Or, la levée deux jours après des excommunications frappant les lefebvristes a créé une tragique ambiguïté, laissant à penser que Rome réhabilitait le négationnisme ou du moins le considérait comme une opinion licite voire innocente. Cette ambiguïté est tout simplement insupportable. Insupportable, parce que derrière le masque du négationnisme, on découvre le visage du plus hideux antisémitisme."
A lire en complément : "Le loup négationniste", tribune de Jean-François Bouthors dans Libération ce 5 février. Cliquer : ICI.
Si Angela Merkel ne tient pas deux discours sur une question aussi fondamentale qu'un génocide, sa rigueur politique et son refus de toute démagogie n'en contrastent que plus clairement avec les guillemets de Jacques Lang à propos du génocide arménien.
Prenant la parole au colloque de Blois, le 11 octobre dernier, Jacques Lang :- "J'ai voté la première résolution de l'Assemblée nationale du – entre guillemets, peut on dire, parce qu'il faut là aussi que les historiens fassent leur œuvre – génocide arménien. Je l'ai votée parce que je pensais que c'était un acte de réparation morale, de réparation historique. Je ne sais pas si je réagirais de la même manière aujourd'hui."
Ursula Gauthier :
- "Quelle mouche a donc piqué Jack Lang ? Une vidéo qui circule sur internet montre l'ancien ministre de la Culture faire son mea culpa pour avoir voté la loi reconnaissant le génocide arménien de 1915 - adoptée à l’unanimité le 18 janvier 2001. Il s’agit de la vidéo du colloque organisé à Blois, le 11 octobre 2008, par l'association Liberté pour l'histoire qui fait campagne contre les lois dites mémorielles. Jack Lang réaffirme d’abord son soutien à la loi Gayssot qui pénalise la négation des génocides juif et tzigane. En revanche, avec une contrition visible, il reconnaît être "doublement coupable" d'avoir voté la résolution reconnaissant ce qu'il qualifie aujourd'hui de "entre guillemets génocide arménien".
(…)
A l’heure où 30.000 citoyens turcs viennent de signer une pétition émouvante demandant pardon aux Arméniens pour la "Grande catastrophe" de 1915 et son déni, à l’heure où paraît aux éditions Denoël "Un acte honteux", œuvre majeure du courageux historien turc Taner Akçam, dans laquelle il démontre l’entière responsabilité turque dans le génocide (sans guillemets) des Arméniens, le mea culpa à rebours de Jack Lang fait tache."
(NO, 3 février 2009)
Réponse de Jack Lang :
- "Il faut rappeler le contexte des propos qui me sont prêtés. C'était dans le cadre d'un débat scientifique entre historiens sur la compétence des parlements à édicter des lois mémorielles. Ce ne sont pas les invectives qui feront changer d'un pouce mes convictions. Je continuerai à me battre pour que dans le monde entier le génocide du peuple arménien soit reconnu, et notamment en Turquie."
(NO, 3 février 2009).
Inutile de lui "prêter" des propos qu'il tient librement, en pesant ses mots, en balançant ses phrases. La vidéo n'est en rien manipulée. Monsieur Lang ne peut pas se poser en victime des médias. Aucun chef d'orchestre ne coordonne une chasse à ses propos révisionnistes. En affirmant que le génocide arménien mérite des guillemets et que les historiens n'ont pas encore "fait leur oeuvre", l'ancien ministre de la Culture récupère et réutilise des méthodes ainsi que des arguments typiques des révionnistes : mettre en doute les évidences, faire appel à des "scientifiques" comme si les historiens n'avaient pas suffisamment rassemblé de témoignages et d'archives.
Après la Shoah et les Arméniens, il reste le génocide des Tutsis à remettre en cause pour avoir fait le tour du XXe siècle...
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