DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

jeudi 9 avril 2009

P. 99. Lettre ouverte aux spectateurs citoyens

Film de Chantal Akerman (1). Demain on déménage... mais aujourd'hui, on conteste. DR.

Lettre ouverte avec les signatures de :
Chantal Akerman (1), Christophe Honoré (2), Jean-Pierre Limosin (3), Zina Modiano (4), Gaël Morel (5), Victoria Abril, Catherine Deneuve, Louis Garrel (6), Yann Gonzalez, Clotilde Hesme (7), Chiara Mastroianni (8), Agathe Berman (9) et Paulo Branco (10).

- "Artistes et producteurs engagés, nous nous sommes dévoués tout au long de notre carrière à la promotion d’un cinéma différent, un cinéma ouvert et exigeant.
Vous avez fait vivre nos œuvres, les portant, les reconnaissant ou les rejetant. Tout au long de notre carrière, nous avons poursuivi la même ambition  : diffuser notre travail et le partager avec vous. Tout au long de notre carrière, mille obstacles se sont présentés à nous, qu’ils aient été techniques, matériels ou économiques.
Aujourd’hui, nous avons la chance de vivre une révolution numérique qui nous permettra, dans un futur très proche, de lever nombre de ces obstacles et d’ouvrir notre cinéma à toutes et à tous.
Aujourd’hui, certains craignent cette révolution et craignent pour leur monopole. La loi Création et Internet répond à une angoisse légitime, que nous partageons  : celle de voir les œuvres dévalorisées et ­dégradées par leur diffusion piratée sur ­Internet.
Pourtant, cette loi, qui prétend se poser en défenseur de la création, ne fait qu’instaurer un mécanisme de sanctions à la constitutionnalité douteuse et au fonctionnement fumeux.
Fruit d’un lobbying massif, fondée sur la présomption de culpabilité, la loi Création et Internet crée l’Hadopi, une haute autorité contrôlée par l’exécutif et qui pourra, sans qu’aucune preuve fiable ne soit apportée et sans qu’aucun recours gracieux ne soit possible, couper durant une durée extensible à l’infini la connexion Internet d’un usager.
Pis, et contrairement à ce qui a été écrit ici et là, aucune disposition législative ne prévoit que cette procédure se substitue aux pour­suites pénales et civiles, faisant de la double peine une réalité envisageable."


Film de Jean-Pierre Limosin (3). DR.

"Alors que le Parlement européen vient, pour la troisième fois en quelques mois et à la quasi-unanimité, de qualifier l’accès à Internet de droit fondamental, alors qu’aux Etats-Unis le modèle de riposte « graduée » se fissure et que le reste du monde met l’accent sur la poursuite de ceux qui font commerce du piratage, le gouvernement français s’obstine à voir dans les utilisateurs, dans les spectateurs, des enfants immatures à l’origine de tous les maux de l’industrie ­cinématographique.
Démagogique, techniquement inappli­cable, bêtement ignorante des nouveaux procédés de téléchargement et purement répressive, cette loi est aussi un rendez-vous manqué. Ne prévoyant aucune forme de rétribution nouvelle pour les ayants droit, la loi Création et Internet ne s’adresse ni au cinéma dans sa diversité, ni aux spectateurs. Ne constituant qu’une ultime et vaine tentative d’éradiquer le piratage par la sanction, sans se soucier de créer une offre de téléchargement légale, abordable et ouverte sur Internet, elle ne répond à aucun des défis aujourd’hui posés par les nouvelles technologies, alors même qu’une réaction créative et forte de l’industrie cinématographique et des autorités de tutelle dans leur ensemble s’imposait."


Les chansons d'amour de Christophe Honoré (2) avec Louis Garrel (6), Chiara Mastroianni (8) et Clotilde Hesme (7), producteur : Paulo Branco (10). A toute vitesse de Gaël Morel (5). DR.

"Nous ne nous reconnaissons pas dans cette démarche, et appelons à un changement des mentalités. Craindre Internet est une erreur que nous ne nous pouvons plus nous permettre de faire. Il est temps d’accepter et de nous adapter à ce « nouveau monde » où l’accès à la culture perd son caractère discriminatoire et cesser de vouloir en faire une société virtuelle de surveillance où tout un chacun se sentirait traqué.
Que ce soit par un système de licence globale ou par le développement d’une plateforme unifiée de téléchargement des œuvres à prix accessibles et sans DRM, il faut dès aujourd’hui des réponses posi­tives à ce nouveau défi, et se montrer à la hauteur des attentes des spectateurs. L’heure est à la réinvention et à l’émerveillement, et non pas à l’instauration d’un énième dispositif répressif."


La Vie Privée, film de Zina Modiano (4). Production Paulo Branco (10). DR.

"Conscients de la nécessité qu’éprouvent les ayants droit, dont nous sommes, à trouver de nouveaux modes de rétribution et d’en finir avec le piratage.
Confrontés à un dispositif essentiellement conservateur, ­liberticide et démagogique qui ne s’attaque à aucun des enjeux réels de la révolution numérique et ignore ­volontairement les intérêts du cinéma d’auteur. Et en réaction aux nombreuses tribunes rédigées par des institutions et des lobbies s’exprimant au nom d’une profession qu’ils ne représentent que partiellement.
Nous, cinéastes, producteurs et acteurs, marquons avec cette adresse notre refus du dispositif Hadopi et de la loi création et Internet.
Nous appelons tous les amoureux du ­cinéma et des libertés, de la création et de la diversité à faire entendre leur voix auprès de leurs représentants afin d’abandonner tant qu’il est encore temps le dispositif Hadopi et de mettre en place un système plus juste, équilibré et prenant en compte les intérêts de tous."

Contact  : brancojuan@gmail.com

Lettre ouverte parue dans Libération, le 7 avril 2009.

Eric Stabiak, violoniste, rencontre Agathe Berman (9), un film de Stephan Rabinovitch.

A noter qu'il ne fait pas bon, pour des parlementaires français, s'opposer à ce projet Hadopi. La Ministre de la Culture, Mme Albanel, n'a pas hésité à comparer sans détours des députés et des sénateurs certes critiques... à des séides de la GESTAPO !!! Pour s'en offusquer et s'en indigner à haute et intelligible voix.

C'est hélas devenu presque banal que de recourir ainsi à des anachronismes abscons. Et d'agiter des rapprochements, des assimilations les plus injustes, les plus insultants pour mieux enfumer les débats démocratiques en prenant soin de les écarter de leurs vrais sujets.

Car enfin. Voilà bien une Ministre de la République, et de la Culture s'il vous plaît, qui compare des élus de la même République à des flics d'une police politique et secrète, à des tortionnaires, à des agents d'une dictature des plus sanglantes...

Reste à espérer que la Lettre ouverte publiée ci-avant ne soit pas comparée, elle, disons à Mein Kampf ???



Et soudain, quel coup de théâtre après que cette page ait été publiée. Adopté ce jeudi matin par le Sénat, le texte est rejeté l'après-midi même par les députés à :
- 21 voix contre,
- 15 voix pour !!!
A première vue, les députés de la majorité ne se sont pas bousculés au portillon parlementaire pour apporter leurs votes à Mme la Ministre Albanel. Espérons que de dépit, celle-ci ne va se sentir obligée de comparer le Parlement au Reischtag.
Sa sortie solitaire de l'hémicycle n'a rien de glorieux.



Du moins un hebdo a-t-il voulu mettre du baume au coeur de la Ministre. Celle-ci peut effectivement faire archiver par ses services culturels Le Point de ce 9 avril. Et ouvrir ce journal de référence quand elle éprouvera trop de spleen.
En effet, cet hebdo s'est trompé tout bonnement d'une semaine. Confondant 1er et 9 avril, il affirme sans sourciller que la loi a été adoptée. Sourire alabanelien à l'appui. En réalité, un poisson diablement avarié ou un faux et usage de faux...

Le Point de ce 9 avril, un point trop n'en faut !!!

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