DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

lundi 25 août 2008

P. 22. Brèves (7) : Claudie Gallay, Christine Angot, Pierre Mac Orlan

Les déferlantes,
Le Marché des amants,
Le Bal du pont du Nord...

C'est une marée d'équinoxe pour Les déferlantes de Claudie Gallay. La critique les avait massivement boudées ou ignorées. Au contraire de nombreux libraires éclairés. Une parenthèse pour confirmer que ceux-là devraient être reconnus comme "bienfaiteurs de l'humanité" au même titre que, par exemples, Bébert, mon boucher-tribun d'Hirson, qu'Armant, ancien "père" aubergiste et ami du Négus des Hautes Fagnes, que le couple écrivant "notre histoire" sur une terrasse ombragée de Waulsort ou encore que le forain aux chevaux maritimes de Barfleur (p. 11 de ce blog).
Mais pour revenir aux Editions du Rouergue, elles avaient confié à l'océan 7.500 bouteilles avec les exemplaires initiaux des déferlantes. Début août, les tirages successifs atteignaient les 50.000 bouquins.

Et l'inévitable s'est déjà produit : alléché par ce succès original, TF1 International a acheté les droits cinématographiques. Il n'y avait effectivement pas de quoi hésiter. Pas un mot de trop dans les dialogues d'une justesse rappelant la taille des pierres par les compagnons du Tour. Et tout le découpage ciselé en séquences très visuelles au fur et à mesure des paragraphes. Ce roman se lit déjà comme projeté sur un écran de salle obscure.

Juste une annotation personnelle. En présentant ce bonheur de livre sur la page 15 de ce blog, il était glissé au passage que la vingtaine d'ouvrages ayant précédé Les déferlantes sur mon bureau, ne soutint aucune comparaison avec les grains de sel marin de Claudie Gallay. La vérité oblige à ajouter que son roman, il fallut terriblement se brimer pour ne le déguster qu'à petites doses. Comme une estimée bouteille de Chasse-Spleen. Sinon, une seule nuit d'exception aurait été joliment blanche d'une lecture allant jusqu'à la dernière page et sans reprendre souffle.

Autre auteure, autre style (enfin selon le NouvelObs, Rue89 et P. Assouline, ici ce serait une absence totale de style). Christine Angot a adopté une constante dans sa production littéraire : un amant de profession chaque fois différente = un roman. A son Pourquoi le Brésil ? répondait un journaliste. Et son Rendez-vous était fixé avec un banquier.
Dans son dernier opus, Le Marché des amants, elle a ramené dans son cabas un rappeur (Doc Gynéco himself). Franchement, on s'en balance, à part les amateurs de peopleries et quelques cercles branchés où ce roman est supposé faire des ronds. Plus Claire Devarrieux qui, dans Libé, s'est montrée sensible à ce xième déballage de vie privée.

Alors pourquoi évoquer ici le nouveau tableau de chasse de Christine Angot ?
Oh, juste pour un passage cité en quelques mots par Pierre Assouline sur son site de la république des livres (cliquer ici) :
- "Bruno se plaît à baiser Christine tout en regardant un documentaire sur la Shoah".
Ca vole haut ! Pas d'autre commentaire.

(14-18. Selon la légende de cette photo : défilé militaire de marins allemands "dans Zeebrugge". Il faut sans doute comprendre Brugge à la place de Zeebrugge. DR)

En 1934, Pierre Mac Orlan séjourna à Zeebrugge, sur la côte belge de la Mer du Nord, une peau de chagrin maritime. Il y trouva l'inspiration pour "Le Bal du pont du Nord" publié chez Gallimard en 1950.

C'est l'histoire d'un écrivain débarquant peu après la guerre 14-18 dans une région où ni les gens ni les paysages n'ont eu le temps de laisser se cicatriser les horreurs de la guerre. Cet homme de plume a "l'intention... d'écrire une sorte de récit lyrique de la surprise de Zeebrugge par la flotte de sir Roger Keyes".
Cette expédition anglaise date du 22 avril 1918. Grâce notamment à l'assaut du "môle" (digue) de Zeebrugge par le HMS Vindictive, trois bâtiments de la Royal Navy furent volontairement coulés à l'entrée du canal qu'empruntaient jusque-là des sous-marins allemands pour gagner la Mer du Nord...

En refermant le bouquin, les lecteurs se rendent compte que jamais il n'y fut question ni de "bal" ni de "pont du Nord". Et que l'évocation guerrière n'est que prétexte à une intrigante étude de caractères. Mais Mac Orlan montre une stupéfiante maîtrise des jurons et des chansons flamandes. Chapeau ! Ou plutôt casquette écossaise, pour respecter les goûts de l'auteur.

Supposant que ce roman n'a pas été parcouru par tous les lecteurs de ce blog, en voici quelques passages. Parmi ceux qui échappent aux scléroses du temps et qui dépeignent superbement l'atmosphère et les paysages de cette frange de la Mer du Nord. Alors que les promoteurs métamorphosaient déjà (en avril 1934) dunes et bords de plages en un mur opaque de clapiers à touristes et à pensionnés.

- "Le pays plat, à peine plus haut que l'horizon marin, est un pays tout naturellement dépourvu de mystère. Plus exactement, les éléments du mystère se réfugient et se multiplient dans la couleur de cendres de la mer, dans la force du vent qui joue avec l'obstacle docile des ailes des moulins, comme ils sont dans les tableaux du vieux Breughel et de Bosch. Il en reste encore quelques-uns qui demeurent, beaucoup plus par courtoisie que par nécessité."

(Photo : JEA)

- "Tout était gris autour de moi et moi-même j'étais vêtu de gris dans ce paysage marin, couleur de poissons plats, couleur de cendre, à peine enrichi de quelques broderies d'argent. Des gris, du plus léger au plus sombre, donnaient au ciel un poids exceptionnel qui pesait sur la mer couleur d'étain, sur le sable blanc des dunes, sur les ruines de béton et sur les pensées secrètes d'un ancien soldat pour des morts qui continuaient à hanter les grands paysages de combat."

- "J'ouvris mes fenêtres sur un paysage dont la personnalité ne me parut pas définitive. Aussi loin que ma vue pouvait s'exercer j'apercevais cet immense boulevard de casernes de luxe et de gratte-ciel roses mi-normands, mi-flamands. Entre chaque station balnéaire la dune se transformait en terrains vagues où, çà et là, quelques abris bétonnés imposaient d'anciennes images. Vers la mer régnait une solitude lourde, surpeuplée de fantômes ; vers la terre, la plaine s'étendait à l'infini."

C'eût été chouette de coller sur cette page une vidéo avec Brel chantant "Mijn vlakke land" (le plat pays en Flamand). Mais la seule version disponible a été victime de propagandistes. Ils n'ont pas hésité à illustrer les paroles de Brel avec... le monument ultra-nationaliste flamand de Dixmude. Une croix surdimentionnée et porteuse de cette devise non équivoque : "AVV = Tout pour la Flandre - VVK = la Flandre pour le Christ".

Du côté français des mises en images, se détachent aussi quelques perles sur le site de YouTube. Non plus en terme de manipulations politiques mais plutôt d'ignorance époustouflante. Parce que, pardon, mais choisir le Lion de Waterloo (en Brabant wallon) ou la Meuse à Dinant pour décrire le Nord de la Belgique, c'est pousser vraiment loin le bouchon sur des flots incertains...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

.... l'humoriste bilingue précise à propos de la devise de la Tour de Dixmude :

"Alles voor Vlaanderen,
Vlaanderen vo'o'r Kristus"

en Néérlandais le "voor" avec un accent sur chaque "o" ne signifie plus "pour" mais "avant"...