Mme Ana Gabriela Freitas est juge au tribunal de Felgeiras, Portugal. Certainement imprégnée d'une très haute conception de la Justice, cette magistrate vient de rendre un jugement à charge de cinq Tziganes. Avec dans les attendus, ces précisions :
- Les Tziganes sont des "personnes mal vues socialement, marginales, perfides, totalement dépendantes de l'Etat qu'elles paient en désobéissant et en attentant à l'intégrité physique et morale de ses agents".
Se préoccupant des conditions de logement de ces affreux "dépendants indisciplinés", la juge en a remis une couche, toujours dans les attendus :
- Pour le logement de ces Tziganes, les conditions sont "mauvaises, non en raison de l'espace physique en soi, mais en raison du style de vie de leur ethnie (peu d'hygiène)".
(Nouvel Observateur, 31/07/2008).
Gitan, gypsy, manouche, tzigane... autant de noms pour les mêmes rejets racistes (voire un génocide par les nazis).
Elodie, moins de trois ans, et ses parents Colombiens découvrent une France effectuant un tri de ses touristes.
Interview de Damien Nantes (Cimade) :
- "Les parents d’Elodie vivent légalement en Belgique avec un permis de séjour de cinq mois. Ils sont venus passer deux semaines de vacances en France. Avant de venir, ils ont pris la précaution de demander à l’Office Belge des étrangers si les documents en leur possession leur permettaient de circuler en Europe et de venir en France. Il leur a été répondu que oui.
Arrivés en France lundi 21 juillet 2008, le couple et son enfant ont passé la semaine dans la Manche. Vendredi matin, alors qu’ils roulaient vers le centre ville de Cherbourg, ils ont fait l’objet d’un contrôle routier... Sept fonctionnaires de police se sont positionnés autour du véhicule, en demandant combien de personnes se trouvaient à l’arrière de leur fourgonnette.
Très surpris par cette question, ils ont répondu que seule leur fille dormait à l’arrière. Les fonctionnaires de police ont posé 4 fois la question, à laquelle le couple a continué de répondre de la même manière. Les policiers ont finalement demandé que les portières arrières de la fourgonnette soient ouvertes et ont pu constater qu’il n’y avait que la petite Elodie qui dormait...
Ses parents n’étant pas en mesure de prouver qu’il s’agissait bien de leur fille, ils ont été conduits au commissariat de Cherbourg pour une vérification d’identité. Dès 10h vendredi matin, la Belgique avait confirmé aux fonctionnaires de police la filiation entre Elodie et ses parents et également, la nationalité d’Elodie.
La famille a tout de même été placée en garde à vue. Campo Otavalo a été séparé de sa femme et de sa fille et a subi une fouille à nu. Son épouse a refusé de se soumettre à une fouille, pour laquelle elle devait se dévêtir intégralement...
Finalement, le Préfet de la Manche a décidé de reconduire cette famille à la frontière, estimant que les parents d'Elodie n’étaient pas en mesure de prouver qu’ils étaient entrés régulièrement en France et qu’ils avaient le droit d’y être."
(Libération, contre journal, 30/07/2008).
Les Ogres de Barback et Pierre Perret : Lili.
Une deuxième mort pour Gracq ?
Il était né Louis Poirier en juillet 1910 à Saint-Florent-le-Vieil (Anjou). Et décédé Julien Gracq en décembre 2007 toujours dans ce village des bords de Loire.
S'il fut le premier à refuser le prix Goncourt en 1951 pour "Le Rivage des Syrtes", son dernier roman, "Un balcon en forêt" (Corti) passionna aussi les Ardennais dès 1958. Un lieutenant, un caporal et deux soldats, seuls d'octobre 1939 au 10 mai 1940. Leur maison fortifiée ressemble à un îlot abandonné dans la forêt ardennaise. Restent la promiscuité, les senteurs et les frémissements des arbres, le temps à tuer avant que celui-ci ne préfère des victimes humaines. Le blokhaus résume leur mission : observer et au besoin résister. Sedan n'est pas loin. La suite catastrophique est connue.
Photo JEA : l'authentique "maison forte" de Pouru-aux-Bois, en bordure du Vieux chemin de Grand Hez, là où Michel Mitrani tourna son adaptation d'"Un balcon en forêt" (1979).
Au décès de Julien Gracq, homme de vraie plume et non de décorations et autres colifichets, s'éleva un concert de louanges dont il n'était pas toujours évident de discerner la sincérité de l'eau bénite de circonstance. Moins d'un an après, l'éponge de réalités efface les artifices. Et ce n'est pas très glorieux.
Pierre Assouline l'annonce sur son blog :
- "Le fantôme de Gracq face à la crise du logement.
Que faire de la maison de Julien Gracq rue du Grenier à sel à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) ? L’écrivain voulait en faire une sorte de maison des écrivains. Le moins qu’on puisse dire est qu’on ne se dispute pas l'héritage. Il semble même que l’on se refile la patate chaude. La Fondation de France, qui était son légataire universel, a refusé son legs ne se sentant pas capable d’assumer l’ambition du défunt. Autant dire qu’elle n’y croyait pas et qu’elle n’en voyait pas l’intérêt. Elle a donc botté en touche du côté de la commune de Saint-Florent-le-Vieil qui en devient l’ayant-droit. Mais son conseil municipal, qui vient d’en débattre, estime n’avoir pas les moyens de ce projet. Il a donc refilé le bébé à la Région et le Conseil général."
(La république des livres, 31/07/2008)
Pour information, Pierre Assouline ne le relevant pas, le Maire de Saint-Florent-le-Vieil n'est autre que l'ancien ministre Hervé de Charette. Lequel, à la mort de l'écrivain, se fendit d'un communiqué de presse un peu baudruche quand on le relit aujourd'hui :
- "Saint-Florent-le-Vieil voit partir avec une profonde tristesse son citoyen le plus illustre au moment où les Français perdent le plus grand écrivain du XXe siècle... Nous les Florentais, qui le connaissions bien, nous entretenions avec lui une relation faite de discrétion et de passion... La ville de Saint-Florent-le-Vieil prendra les initiatives qui s'imposent pour conserver sa mémoire au service de tous ceux qui ont admiré son oeuvre si puissamment originale..."
Le premier cercle de la mort d'Alexandre Soljenitsyne.
C'était au temps où la télévision ne ressemblait pas à un bouillon d'inculture. Une émission telle "Lecture pour tous" s'ouvrait comme une clairière surgie dans la forêt nouvelle des antennes de télévision. Et comment oublier la voix et la conviction d'un Max-Pol Fouchet quand il annonça à tous les incultes involontaires que nous étions, la présence derrière le rideau de fer, en URSS, d'un écrivain unique : Alexandre Soljenitsyne ?
Le communisme avait un pape laïque, infaillible et tout puissant, une base hyper dogmatique, une inquisition qui avait fait plus que ses preuves, des incunables marxistes-léninistes, des cellules carcérales et/ou politiques...Grâce au feu vert donné par Krouchtchev, en 1962, fut découverte la "Journée d'Yvan Denissovitch" et donc la description par l'intérieur d'un système se disant pour et par le peuple alors qu'il l'avait opprimé, terrorisé, massacré au besoin. Et Max-Pol Fouchet, sans le moindre anti-communisme mais par amour de la littérature et de vérités trop longtemps méconnues ou refoulées, d'affirmer le premier ou l'un des premiers, qu'Alexandre Soljenitsyne serait l'un des plus illustres écrivains du XXe, que son oeuvre serait monumentale.
Après furent imprimés (mais réprimés en URSS) "le Pavillon des Cancéreux", "Le Premier Cercle", "L'Archipel du Goulag"... Fouchet s'était montré tellement lucide qu'en 1970, Alexandre Soljenitsyne reçut le Prix Nobel de Littérature.
Ensuite, Soljenitsyne, ancien du goulag mais toujours censuré et menacé s'en alla pour la Suisse puis les USA. Hélas, en parallèle avec l'écrivain, se révéla l'homme. Un ultra orthodoxe, se déclarant plus pur slave que le commun des slaves, habité d'un patriotisme grand-russe même xénophobe. Un conservateur nostalgique des royautés. En un mot, celui qui combattait avec tant de panache littéraire le totalitarisme communiste n'était pas loin de prôner un autre totalitarisme...
Revenant en Russie quand s'effondra le régime communiste, son rejet de la société de consommation se heurta aux nouvelles réalités du pays. Il fut comme embaumé de son vivant mais tenu à l'écart des courants faisant évoluer sa patrie. Au nombre des positions de Soljenitsyme qui donnèrent des frissons dans le dos, figurent sa demande d'application de la peine de mort pour les terroristes ainsi que son approbation pleine et entière de la guerre menée comme l'on sait contre les Tchétchènes (et quel silence sur les assassinats de journalistes !). Puis, spectacle hallucinant, on vit Poutine, cet ancien bonze du KGK, cette machine machiavélique à alimenter les goulags, décorer de la plus haute distinction un Soljenitsyne, ancien dissident devenu consentant.
Il fut alors évident que l'oeuvre devait être dissociée de la personnalité publique de l'auteur. Encore plus quand Soljenitsyne publia "Deux Siècles ensemble", soit sa perception des juifs en Russie. Passons sur ce qui ne relevait plus de la fiction romancée mais des compilations orientées vers des inquiétudes du style : "pourquoi compterait-on tant de juifs parmi les responsables de la révolution d'octobre 17 ?" ou encore "pourquoi les israélites ne se laissent-ils pas convertir à la religion orthodoxe ?".Mais parle encore en nos mémoires Max-Pol Fouchet, cet explorateur dans la forêt presque vierge des livres, ce passeur de témoins, ce résistant permanent, ce poète sans musique de la garde... Il est enterré à Vézelay, une colline à retrouver quand les marchands du temple ont provisoirement fermé boutique (aux gelées d'un petit matin, quand le Morvan au lointain hésite entre hibernation et contemplation). Sa tombe est ainsi orientée qu'elle offre une fenêtre sur un paysage sans artifices.
Lecture par Max-Pol Fouchet du courrier de téléspectateurs. Photo : Amis de Max-Pol Fouchet. Pour leur passionnant portail, cliquer : ici.
3 commentaires:
Très bonne synthèse de l'actualité.
Ceci n'a rien d'un renvoi d'ascenseur (je préfèrerais un ballon dirigeable). Mais les photos de l'un de vos blogs appellent non seulement les détours mais encore offrent bien des émotions,
voir : http://palettemouvante.blogspot.com
Entêté, salutaire et nécessaire. Belle écriture et plaisir de lecture. Un blog qui te ressemble.
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