DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

jeudi 21 août 2008

P. 21. Brèves (6) : Une chanson de Georgius puis de Fernandel ressortie des caves de l'antisémitisme

A propos de "La noce à Rebecca"...

Dans l'hypothèse épouvantable et insupportable où la Shoah serait parvenue à ses fins, on en viendrait à se demander si l'antisémitisme en aurait pour autant disparu ?
Et comme le judéocide n'échoua que partiellement, ses supporters, ses nostalgiques mais aussi ses nouveaux adeptes n'ont de cesse de continuer à nous polluer avec leur haine brute et avec leur mépris abyssal des "autres".

La société ressemble à un océan parcouru de marées noires. Des vagues d'antisémitisme succédent systématiquement à d'autres vagues, toutes diverses mais toutes aussi dégoulinantes d'une idéologie liberticide.

Face à ces marées glauques, il est parfois malaisé de ne pas trébucher, de garder assez de distance, de se réclamer encore du libre examen, de retenir la critique historique comme référence. Un public agacé, lassé (voire parfois secrètement amusé) vous accuse vite de parano... On se sent errant dans des hostilités répétées et l'on comprend que le présent n'arrive pas à se détacher du passé car ils se parasitent mutuellement...

Au nombre des noirceurs de ce mois d'août 2008, figure une chanson de... 1927. Lancée par Georgius puis reprise par Pernichot et par Fernandel.
En 1927 : donc bien avant le Vichy de Pétain...
Cette chanson se voulait follement drôle. Elle rappelle que l'époque n'était pas non plus très glorieuse. Quand les juifs étaient non pas caricaturés mais calomniés par de grands noms de la chanson populaire.

"Amuseur public n°1", Georgius - suivi de Fernandel - provoquaient l'hilarité d'un "bon" public "bien" français avec cette chanson intitulée "La noce à Rebecca". Paroles de Georges Guibourg et musique de Léon Reiter :

- "La fille de monsieur Mayer
Rebecca s'est mariée avant-hier
Elle a épousé l' fils Lévy
Le marchand d' robes du passage Brady
Y avait là madame Pomeratzbaum
Monsieur Smoutz, monsieur Olimbaum
L'oncle Schwartz, la cousine Kaufmann
Et les onze frères Hartmann
Le docteur Blum également
Qui était de la fête
En l'honneur de c't événement
Avait changé d' chaussettes


Refrain :
Ah ! Mes enfants
On s'en souviendra longtemps
Dans dix ans, on parlera
Encore de la noce à Rebecca


Il y avait eut un grand déjeuner
La p'tite Rebecca avait l' ventre gonflé
Son mari, un type sans façon
Dut déboutonner son pantalon
L' docteur Blum mangeait avec ses doigts
Sa femme lui dit par deux fois :
Ça te donne un très mauvais air
Tu n'as donc pas de couvert ?
Il lui répondit vivement :
Ne me fais pas d' reproche
Comme il était en argent
Je l'ai mis dans ma poche


Refrain

Après l' déjeuner, on dansa
Les onze frères Hartmann n'attendaient qu' ça
Mais ils y mirent tant d'ardeur
Que cela provoqua des malheurs
Voilà que, de la poche d'un gousset
Deux sous tombèrent sur le parquet
Tout le monde se précipita
Une bagarre éclata
Madame Kaufmann fut blessée
Et conduite à l'hospice
Les deux sous furent retrouvés
Cachés entre ses cuisses


Refrain

Pour calmer tous les invités
Qui se montraient un peu surexcités
Rebecca joua du piano
Le fils Lévy vendit deux manteaux
L'oncle Schwartz offrit des cigares
Monsieur Smoutz en prit un dare-dare
Mais il dit au moment d' fumer :
J'ai l' bout qu'est pas coupé !
L' père Mayer cria très fort :
Pas coupé !... C'est tragique
Mais foutez-moi c't homme-là dehors
C'est un sale catholique !


Refrain."

Pourquoi ressortir cette chanson gerbante des poubelles de l'histoire ?
Parce que des antisémites de service viennent de l'exhumer. Elle leur sert de support à une vidéo diffusée sur la toile. Sur ce fond sonore antisémite, sont visuellement dénoncées 150 personnalités dont le "tort" commun serait d'être juives. On retrouve ici les méthodes de "Au Pilori" mises à la mode contemporaine mais gardant l'obsession de la délation de juifs, avec cette volonté de les stigmatiser comme comploteurs, exploiteurs, avides de pouvoirs...

AFP (14 août 2008) :

- "Un défilé de photos de personnalités juives ou supposées sur fond de chanson antisémite des années 30 : ce montage diffusé sur des sites de partage vidéo suscite une nouvelle action en justice du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA)."

Le Soir (14 août 2008) :

- "Les photos de plus de 150 hommes politiques, vedettes de la télévision, journalistes, écrivains, philosophes, acteurs, humoristes ou chanteurs connus en France défilent pendant plus de 5 minutes sur ce site de diffusion de vidéos sur internet {Dailymotion} avec en fond musical, une chanson d'avant-guerre antisémite intitulée La noce à Rébecca."

NouvelObs.com (15 août 2008) :

- "Interrogé par l'AFP, Dailymotion a répondu : "Notre statut d'hébergeur ne nous oblige pas à surveiller les contenus en ligne, mais nous oblige en revanche à les retirer dès qu'on nous signale un contenu illicite ou contrefaisant". Le site précise que la vidéo incriminée "est en cours de traitement".
De son côté, YouTube a dit ne pas être au courant d'une plainte du BNVCA le visant. "Les conditions d'utilisation de YouTube interdisent les contenus inconvenants. Les vidéos qui violent nos conditions peuvent aisément être signalés sur le site (...) et nos personnels prendront des actions appropriées", a déclaré à l'AFP une porte-parole de YouTube à Paris.


"La France officielle n'est pas antisémite, toutefois la parole antisémite s'est libérée, elle est alimentée par ce type de médiatisation des clichés antijuifs sur la toile", a ajouté M. Ghozlan. {président du BNVCA}."

Il est temps d'ouvrir portes et fenêtres de cette page du blog. Un peu d'air (d'opéra). Une autre Noce, celle de Figaro. Par Mozart, lui aussi jeté dans une fosse commune...

L'Orchestre de la Scalla de Milan dirigé par Claudio Abbado. La voix de Teresa Berganza pour Voi che sapete :

- "Voi che sapete
che cosa è amor,
donne, vedete
s'io l'ho nel cor.
Quello ch'io provo
vi ridirò,
è per me nuovo,
capir nol so.
Sento un affetto
pien di desir,
ch'ora è diletto,
ch'ora è martir.
Gelo e poi sento
l'alma avvampar,
e in un momento
torno a gelar.
Ricerco un bene
fuori di me,
non so chi'l tiene,
non so cos'è.
Sospiro e gemo
senza voler,
palpito e tremo
senza saper.
Non trovo pace
notte né dì,
ma pur mi piace
languir così.
Voi che sapete
che cosa è amor,
donne, vedete
s'io l'ho nel cor."

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