Carte de la météo le 5 juin 1944 (SR).
Pas de débarquement de Normandie
à la date prévue...
Les paramètres étaient multiples. Il fallait la pleine lune pour les parachutages. Une marée basse au petit matin afin que les flots recouvrent le moins possible les pièges et autres obstacles à l'approche des plages. Des vents légers aussi bien sur les terres que sur la mer. Une couverture nuageuse dégagée, y compris pour les bombardements...
Le lundi 5 juin 1944 était la date retenue.
Ce jour-là,
- 5.000 bâtiments des marines alliées,
- 1.900 avions de transport et 800 planeurs,
- près de 10.000 bombardiers et chasseurs,
- 173.000 hommes,
devaient participer à la plus grande opération de guerre de l'histoire.
Même si tout avait été envisagé pour tromper les Allemands, une fuite au moins aurait été de nature à leur mettre la puce à l'oreille.
En effet, le 3 juin, l'Associated Press se distingua par la diffusion sur les ondes d'une dépêche explicite :
- "Les forces d'Eisenhower débarquent en France."
Cette gaffe de première dimension fut certes démentie une vingtaine de minutes plus tard mais CBS et Radio Moscou l'avaient relayée...
Le 5 juin, voir la carte, la météo est complètement pourrie. De quoi disperser les bateaux et les barges de débarquement. Rendre les hommes malades avant même leur arrivée sur le sol français. Empêcher les parachutages et les largages de planeurs. Aller à l'échec sanglant et garanti.
Néanmoins, au matin et sur la foi des prévisionnistes annonçant pour le 6 "un créneau suffisant" pour lancer l'opération, celle-ci ne fut postposée que d'un jour.
Page d'un avertissement lancé par les airs sur la population française : comment reconnaître les parachutistes alliés ? (Doc. JEA/DR).
Le débarquement est annoncé par des messages codés aux résistants appelés à perturber, à ralentir voire ponctuellement à rendre impossibles les réponses militaires allemandes. Lire la page 127 de ce blog (1)...
Le 5 au soir, la libération va débuter par des floraisons de parachutes et des glissades de planeurs.
17.000 hommes vont ainsi précéder les barges de débarquement.
Du côté américain, deux divisions aéroportées ont été prévues pour se sacrifier à l'arrière des plages : les 82e (Sainte-Mère Eglise) et 101e (Vierville).
Les Anglais et les Canadiens, eux, envoient le 6e division de parachutistes à l'est de l'Orne (2).
Dans son remarquable D-Day et la bataille de Normandie, Antony Beevor rassemble quelques extraits de discours tenus aux jeunes paras US avant leur envol vers un destin plus qu'incertain.
Le colonel J. Johnson, emphatique, à ses 2.000 hommes du 501e régiment :
- "Avant qu'une nouvelle aube se lève, je veux plonger ce couteau {sorti de sa botte de parachutiste} dans le coeur du nazi le plus vicelard, le plus salopard et le plus dégueulasse de toute l'Europe" (3).
Détail de la célèbre photo du 5 juin montrant Eishenhower auprès des paras de la 101e à Greenham Common (DR).
Quand une cadillac d'état-major déposa Eisenhower auprès des paras de la 101e, il n'est pas superflu d'ajouter que le général en chef était accompagné d'une escorte de journalistes et de photographes...
Un soldat nommé Sherman Oyler avait été prévu pour répondre aux questions de celui qui portait la responsabilité finale du débarquement si proche.
Face à face Eisenhower - Oyler :
E. "Comment t'appelles-tu, soldat ?"
O. (Incapable de prononcer un traître mot, son silence oblige les hommes autour de lui à répondre à sa place).
E. "Tu sais, Oyler, les Allemands nous mènent une vie d'enfer depuis cinq ans et c'est l'heure de leur rendre la monnaie de leur pièce."
(...)
E. "Tu serais idiot de ne pas avoir peur. Mais je vais te donner un truc : surtout, reste toujours en mouvement. Si tu t'arrêtes, si tu te mets à penser, tu te laisses distraire. Tu perds ta concentration. Tu es fichu. L'idée, l'idée parfaite, c'est de rester en mouvement" (4).
Le général Maxwell Taylor à la 101e division :
- "Je vous préviens. Si vous faites des prisonniers, ceux-ci vont entraver votre action. Vous devriez donc vous en débarrasser de la façon que vous jugerez la meilleure" (3).
Le général S. J. Gavin, réaliste, à la 82e aéroportée :
- "Soldats, ce que vous allez vivre dans les quelques jours qui viennent, vous ne voudrez pas l'échanger pour un million de dollars, mais vous ne voudrez pas le revivre très souvent. pour la plupart d'entre vous, ce sera la première fois que vous irez au combat. N'oubliez pas que vous y allez pour tuer, ou que c'est vous qui serez tués" (5).
Témoignage de Sherman Oyler sur un cynique :
- "{Notre officier nous dit : } regardez le type qui est sur votre droite et regardez celui qui est sur votre gauche. Sur vous trois, il n'en restera qu'un après la première semaine en Normandie" (5).
Détail de vitrail à Ste-Mère Eglise : la vierge et le para US (Ph. JEA/DR).
A la fin 1944, bilan final des pertes pour ces parachutistes américains envoyés sur le sol du vieux continent :
- 82e division
sur 11.770 hommes
5.060 tués, blessés, disparus, prisonniers
- 101e division
sur 14.201 hommes
3.836 tués, blessés, disparus, prisonniers... (6)
NOTES :
(1) Lire également la page 125 de ce blog à propos des messages du 1er juin 1944.
(2) Voir la page 221 de ce blog à propos de Gonneville-sur-Mer.
(3) Antony Beevor, D-DAY et la bataille de Normandie, calmann-lévy, 2009, 638 p., P. 35.
(4) Id., P. 38.
(5) Id., P. 36.
(6) Rapport officiel de décembre 1944.
.
10 commentaires:
j'ignorais l'histoire de la dépêche du 3 - imagine les jurons
@ brigetoun
Aide de camp d'Eisenhower, le capitaine de frégate H. Butcher vient lui annoncer cette fuite et note dans son journal la réaction du général :
- "Il se borna à maugréer vaguement quelque chose entre ses dents"...
Depuis, les parachutes sont devenus dorés et DSK touche près de 400 000 dollars d'émoluments annuels.
Heureusement, son modeste ryad de Marrakech lui permet de se reposer de temps en temps des soucis que lui donne le management du FMI.
DSK a donc tout pour gouverner la France, en 2012, avec parcimonie.
Sa présence à Washington est un juste remboursement de ce que les Américains ont fait et sacrifié pour les Français lors du D. Day et par la suite.
@ D. Hasselmann
N'y voyez aucune tentative de récupération mais vous êtes redoutable sur les actualités tandis que je suis suis plutôt branché passé (parfois décomposé)...
Tous deux, nous donnerions de nouveaux traits à Janus...
"...le vent mauvais" comme dit Verlaine. Tant d'êtres ballottés, embarqués malgré eux vers un funeste destin. Bouger pour ne pas penser : voilà bien le genre d'injonction qui me laisse un sale goût dans la bouche.
Si les "ricains" n'avaient pas débarqué, où serions nous à l'heure actuelle ? Rendons hommage à tous ces soldats qui n'avaient rien demandé et qui sont
morts pour que nous puissions vivre libres. Un regret tout de même, il eut fallu que le débarquement ait lieu bien des années plus tôt, ce qui aurait
changé le cours de l'histoire....
Imaginons un instant "nos" jeunes gens en tenue de para face à "ce devoir" à accomplir... offrir sa vie... et nous prendrons alors la mesure de l'horreur que cet engagement représente.
@ Daniel Duteil
Conseil d'un officier supérieur : surtout ne pas réfléchir, devenir un automate...
@ Liberté
Le Libé(ration) du 3 juin présente :
"Et si la France avait continué la guerre", Ed. Tallandier.
Une fiction partant d'une alternance à la capitulation par Pétain. Ici, des politiques (Blum, Mendel...) et de Gaulle lui tiennent tête. Le maréchal est emporté par un accident cérébral. La guerre continue, est perdue dans l'hexagone mais la France se replie sur l'Afrique du Nord. Les Américains débarquent en France en septembre 1943. Les nazis rendent les armes fin 1944...
@ MH
Voici tout juste un an, deux pages de ce blog donnaient comme une image "poétique" du débarquement. Cette fois, j'ai tenté une approche plus réaliste.
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