Un documentaire de
Dominique Marchais...
Dans la série, la première ferme bio du Canton vient d'être reconnue mais ce n'est pas après-demain qu'un tel film sera projeté à moins de 50 km... Pour tenter tant bien que mal de compenser nos frustrations, il reste à grappiller les mots des autres, à se repasser de main en main quelques images et à râler comme il nous l'est assez reproché ailleurs...
Zoé Lucider :
- "Le brouillard est la transpiration de l’horizon". J'aime beaucoup les paysages brouillés par l'haleine de la terre... Je recommande "le temps des grâces".
(Commentaire page 239).
Synopsis :
- "Une enquête documentaire sur le monde agricole français aujourd’hui, à travers de nombreux récits : agriculteurs, chercheurs, fonctionnaires, écrivains... Un monde qui parvient à résister aux bouleversements qui le frappent – économiques, scientifiques, sociaux... – et qui, bon gré mal gré, continue d’entretenir les liens entre générations. Un monde au centre d’interrogations majeures sur l’avenir."
Utopia Toulouse :
- "Dominique Marchais s’avoue totalement novice dans le monde rural. Il n’est pas ingénieur agronome, comme Olivier Porte, le réalisateur de Herbe, il n’a pas côtoyé durant plus de trois décennies les paysans comme Depardon. Il se revendique promeneur, amoureux des paysages façonnés par l’agriculture, à l’image des romanciers romantiques allemands pour qui la nature était une source d’inspiration infinie.
Avec une légitime candeur, il veut juste comprendre pourquoi ce monde rural se bouleverse à vue d’œil, et ne semble pas tourner très rond. Pourquoi les haies et les chemins creux se sont raréfiés, pour laisser place à des paysage ouverts de champs à perte de vue ? Pourquoi les sols sont-ils morts ? Pourquoi le travail de la terre ne nourrit-il plus son homme, condamnant beaucoup d’agriculteurs à abandonner ou les obligeant à une double activité ?
Pour tenter de répondre à ces interrogations, Dominique Marchais ne s’est ni cantonné à une seule région (son road-movie rural nous conduit des riches plaines céréalières de l’Yonne au causses cévenoles qui font du si bon fromage persillé, en passant par les plateaux limousins et leurs splendides vaches rousses), ni à un seul type d’interlocuteurs."
(10 février 2010).
Témoignages
Un paysan :
- "On l'a fait le progrès, maintenant on est en train de le dévaster."
Un microbiologiste :
- "Le microbe travaille gratuit. Le vivant n'est pas brevetable. Le durable n'est pas rentable. La nature a une gratuité qui est gênante aujourd'hui."
Gregory Salomonovitch :
- "En Champagne, Lydia et Claude Bourguignon, microbiologistes des sols, constatent chaque jour la dégradation des sols agricoles et viticoles. Les vignes qui autrefois vivaient une centaine d’années meurent aujourd’hui au bout de 20 à 25 années. Fait dommageable lorsque l’on sait qu’une vigne produit le meilleur raisin au bout d’une vingtaine d’années… Ici encore, pour un pays dont la renommée repose en partie sur le vin, le film révèle, à l’instar de Mondovino, une aberration économique. Quelle hypocrisie pour un pays comme la France, principal exportateur de vins, champagnes et autres produits d’appellations contrôlées, que de continuer à ruiner ses terres, matière première pour des productions de qualité, au détriment de son économie. Que penser également des formations des futurs agriculteurs à qui l’on apprend à doser des engrais sans chercher à comprendre qu’il existe des solutions naturelles - et gratuites, échappant par la même à toute source de profit -, par l’utilisation des microbes et la mise en place d’un écosystème naturel ?
Le Temps des Grâces est un constat dramatique, qui laisse néanmoins entrevoir de l’espoir. Ce documentaire interpelle les politiques mais surtout le citoyen, lorsque le pouvoir doit venir du bas, face aux lobbies de l’agro-alimentaire et à un État qui s’est laissé déposséder. C’est un hommage à la nature, aux campagnes françaises mais aussi un véritable appel à la prise de conscience."
(Bakchich.info, 20 août 2009).
Isabelle Regnier :
- "Voici un film qui rend intelligent. Vous y entrez par un petit bout : la crise des petites exploitations agricoles en France. De là, une vaste et passionnante opération de dépliage se produit, qui embrasse dans un même mouvement l'histoire, la géopolitique, la science, l'urbanisme, l'économie, la littérature, la théologie, questionnant de manière neuve, à la fois globale et extrêmement précise, le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui."
(Le Monde, 10 février 2010).
J. B. Morain :
- "C’est l’interview qui guide la respiration du film et son montage, la parole de ces agriculteurs mais aussi des agronomes, biologistes et politiques que le documentariste a rencontrés dans tous les coins de l’Hexagone, et qui racontent, à travers leur histoire, leurs études, l’histoire d’un pays qui a peu à peu épuisé (au sens propre) sa terre à force de l’exploiter, de la surexploiter depuis la fin de la guerre, dans un effort de croissance alors légitime et général (le film se garde bien de faire des paysans les boucs émissaires de la pollution des sols).Et qui, du jour au lendemain, doit trouver des solutions à ces problèmes cruciaux.
(…)
Comment tracer son chemin dans un paysage dévasté et sans vie, où la grande industrie semble tout dominer, tout tuer ?
C’est en cela que ce film, aux beautés classiques, gagné parfois par la nostalgie d’un âge d’or perdu (l’intervention impressionnante du philosophe Pierre Bergounioux), mais qui ne cherche jamais à dramatiser à l’excès la situation, apparaît à la fois comme l’antidote implacable aux grandes fresques catastrophistes des Hulot-Perrin-Arthus-Bertrand, et comme la douce réponse d’un jeune cinéaste à l’un de ses plus brillants anciens, Raymond Depardon : un avenir radieux (plus écologique, plus attentif à la qualité et à la sauvegarde des paysages) est encore possible.
(lesinroks.com, 8 fébrier 2010).
Jacques Morice :
- "Le Temps des grâces est un film beau à voir, qui rappelle de loin l'écriture photographique de Jean-Loup Trassard. Qu'il s'agisse d'un pâturage traditionnel ou d'un champ parsemé de pylônes près d'un aéroport, une même poésie affleure. Le grand écrivain Pierre Bergounioux intervient à plusieurs reprises. L'entendre, avec sa langue arborescente, retracer des souvenirs, dire les paroles et les gestes qui se sont perdus, tout en ayant conscience de l'écueil passéiste, est un bain de jouvence. Le réalisateur cherche lui aussi, cerne, puise dans tel bocage ou tel chemin, sous un tunnel de verdure, ce qui ressemble à un sens caché. Il y a quelque chose du sourcier chez Dominique Marchais."
(Télérama, 13 février 2010).
Arnaud Hée :
- "Dominique Marchais se place sur le terrain de l’enquête, c’est-à-dire qu’il n’est pas parti avec un cahier des charges préconçu à filmer ; il a pris le chemin des champs pour s’interroger sur ce lien affectif reliant les êtres à l’agriculture et à la ruralité, et non pour démontrer. C’est la qualité première du film, son bien-fondé et sa raison d’être. Le Temps des grâces est ainsi un documentaire qui accorde une respiration et un espace à son spectateur, quand d’autres infligent un Jugement Dernier venu d’en haut à ce salopard d’humain. Avec un tel titre, de fait joliment ironique, on pouvait craindre le pire : un prolongement cinématographique échappé du journal télévisé de Jean-Pierre Pernaud, une ritournelle dédiée au bon vieux temps et au bon sens paysan. Les amateurs en seront pour leurs frais, même si le film ne refuse pas la captation de la beauté rurale avec brumes matinales et bêtes dans les champs."
(Critikat.com, s. d.)
Le Canard enchaîné :
- "De ces deux heures, on ne sort pas accablé, mais un peu plus intelligent : ce n'est pas tous les jours..."
(17 février 2010).
9 commentaires:
le paysage qui a été bousillé depuis des siècles par des paysans, qu'il dit l'imbécile
Un signe de plus : ce film va forcément croiser mon chemin. A un autre niveau, bien plus humble, le petit film de l'Association Brayonne Dynamique et de Beaubec Productions "la Bergère et l'Orchidée", ne parle pas d'autre chose...
MERCI JEA pour la bande annonce !
Clopine
@ brigetoun
quand l'imbécile montre du doigt le paysan, nous regardons le paysan...
@ Clopine
comme tous les lecteurs assidus (masc. gram.) de votre blog, j'ai suivi le genèse de votre bergère de l'orchydée...
promis, juré, à sa sortie, et si vous le voulez bien, une place lui sera réservée dans le cinéma des mo(t)saïques
Merci JEA de vous faire l'écho de ma petite suggestion. Ce film rend intelligent, parce qu'il rassemble la parole de gens qui tous ont une relation forte et informée avec la terre. Les microbiologistes qui se sont donné pour tâche de revitaliser les sols sont particulièrement convaincants. Ce film montre qu'on commence enfin à pousser vers les poubelles de l'histoire l'épisode hystérique du "tout mécanique et du plus de profit financier" et ça devrait aller plus vite qu'on ne l'imagine. Le bon sens et le plaisir sont contagieux!
Raymond Depardon a effectivement creusé le sillon et avec son écoute - et son oeil - légendaires.
Il paraît qu'il y a, dans ce gouvernement, un ministre de "l'Alimentation (sic), de l'Agriculture et de la Pêche" : quelqu'un peut citer son nom ?
Mais il n'aura pas le temps d'aller voir ce film, hélas.
@ zoé lucider
ce serait effectivement une chouette épidémie mondiale que celle marquant la contagion du bon sens et du plaisir...
@ D. Hasselmann
encore merci à vous d'être venu déposer un réverbère parmi les commentaires...
Même problème pour ce qui est de visionner ce film ; je ne pense pas que le complexe "méga-Royal" qui sévit à une vingtaine de kilomètres passe de tels documentaires. Il y a des chances qu'il faille aller plus loin que ça, ou attendre le DVD. Voilà ce que c'est de vivre en zone rurale, on y trouve de tout sauf des films sur la vie du monde agricole... Merci en tout cas d'attirer l'attention de tous sur ce genre de documentaires intelligents. Il n'y en a pas tant que ça à se mettre sous la dent !
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